En quelques séances, cette technique permet de délivrer aux tumeurs malignes de volume limité, des doses curatives, tout en préservant les tissus sains avoisinants, indique la Dr Ikram Nejjar, cancérologue et radiothérapeute au centre d’oncologie 16-Novembre de Rabat.
Il faut préciser que la radiochirurgie appelée également radiothérapie stéréotaxique, consiste à administrer un faisceau de rayons qui encerclent la tumeur pour la détruire.
Cette technique est particulièrement utile pour traiter des tumeurs profondes pour lesquelles il serait trop dangereux de réaliser une intervention chirurgicale. Contrairement aux radiothérapies classiques, la radiochirurgie nécessite très peu de séances, voire même une seule.
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La radiochirurgie n’est pas adaptée à tous les types de tumeurs. Elle est réservée aux tumeurs de petite taille. Il peut s’agir notamment des méningiomes, des neurinomes, de certaines métastases isolées et des tumeurs qui se développent au niveau de l’hypophyse (adénome hypophysaire).
Elle ne peut pas être utilisée pour traiter les tumeurs étendues ou infiltrantes, comme le glioblastome, ni les tumeurs trop proches de certaines zones sensibles, notamment les nerfs optiques.
Mais avant d’aller plus loin, il faut préciser que la radiothérapie est un traitement locorégional basé sur l’utilisation des rayonnements ionisants (rayons).
Ces derniers détruisent les cellules cancéreuses et certaines tumeurs bénignes.
Son rôle incontournable en cancérologie s'inscrit toujours dans un contexte de stratégie multidisciplinaire.
La radiothérapie est souvent associée à la chirurgie et aux traitements systémiques (chimiothérapie, thérapies ciblées, immunothérapie). Elle peut être exclusive dans certaines situations cliniques.
La radiothérapie a énormément évolué depuis ces dernières années, grâce aux progrès de l’imagerie et de l'informatique.
Les plus grandes avancées en matière de radiothérapie ont été réalisées en radiochirurgie et en radiothérapie stéréotaxique. Il s’agit d’une technique de radiothérapie non invasive (sans chirurgie) de haute précision.
Elle permet en quelques séances de délivrer aux tumeurs de petit volume, les doses thérapeutiques nécessaires. tout en gardant intact les parties saines avoisinantes.
Elle a facilité le traitement de lésions inaccessibles à la chirurgie notamment en neurochirurgie où les séquelles sont parfois très lourdes à gérer après un acte chirurgical réalisé au niveau du cerveau.
Le but thérapeutique de la dernière génération des appareils de radiothérapie, qui font fonction d’acte chirurgical sans ouvrir le crâne, est de détruire la tumeur en causant le moins d’effets secondaires possibles.
La dose délivrée à chaque séance est 4 à 15 fois plus élevée que lors de la radiothérapie classique. Cette dernière nécessite des durées de traitement étalées sur plusieurs semaines.
Cette courte durée de traitement, associée à une efficacité accrue sans séquelles, sont des arguments de poids dans le développement de cette technique.
L’indication d’une radiochirurgie est posée par un comité pluridisciplinaire de décision thérapeutique.
Sa mise en place suppose que le radiothérapeute et son équipe disposent de moyens d’imagerie adaptés ( scanner 4 D, IRM, Pet scanner) ainsi que du matériel spécifique pour immobiliser le patient (moyens de contention dédiés à la stéréotaxie).
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Car il est impératif de prendre en compte les mouvements des cibles à traiter grâce aux systèmes d’imagerie et de recadrage tels que le gating pour adapter la balistique aux mouvements respiratoires.
Le gating est un système qui, au cours d’une radiothérapie, permet d’arrêter et de reprendre l’irradiation en suivant la respiration ou les battements du cœur.
De même, il faut avoir à portée de main, la technique du «tracking», afin de pouvoir suivre les mouvements de la tumeur par le faisceau d’irradiation lui-même au niveau d’organes mobiles tels que le foie ou la prostate, précise le Dr Mounir Bachouchi, Médecin oncologue et directeur du centre d’oncologie 16-Novembre de Rabat.
Il faut savoir qu’aujourd’hui, il existe des machines de traitement conçues et dédiées à cette technique telles que le Gammaknife, le Cyberknife, le Novalis et plus récemment l’ EDGE.
Ces appareils de radiothérapie permettent de délivrer la dose à l’aide de mini-faisceaux dans différents plans de l’espace avec une précision inframillimétrique.
Cette technique thérapeutique a été initialement développée par le neurochirurgien suédois Lars Lksell pour le traitement des malformations artério-veineuses, des tumeurs et des métastases cérébrales.
Depuis, la radiochirurgie a vu ses indications élargies aux localisations extra-crâniennes telles que les cancers du poumon, du foie, du pancréas, de la prostate ainsi qu’aux métastases pulmonaires, hépatiques, osseuses, et ganglionnaires, explique la Dr Ikram Nejjar.
Cette nouvelle technique de radiothérapie permet aussi la réirradiations en cas de rechute localisée, sans toucher aux tissus avoisinants sains.
Le dernier né de cette technologie est une machine dédiée à la radiochirurgie intra et extra crânienne.
Grâce au système Identify, il permet un meilleur repositionnement du patient avec une sécurité optimale du traitement en SGRT (Surface guided radiation therapy). C’est un système qui permet de détecter tout mouvement de la position du patient en cours de traitement et agit en conséquence.
Cet appareil est équipé d’un système de tracking: Calypso. Il permet de traiter des cibles mobiles telles que les cancers prostatiques, pulmonaires et hépatiques grâce à l’insertion dans ou à proximité de la tumeur de transpondeurs radio opaques qui émettent des ondes électromagnétiques qui seront repérées par et suivis pendant la séance de traitement via des caméra et un système ayant les propriétés d’un GPS.
De même, la dernière génération des appareils de radiothérapie est également équipée du système Hyperarc qui permet le traitement en une seule et même séance de multiples localisations métastatiques cérébrales.
Comme toute nouvelle technologie thérapeutique, ces traitements innovants sont très coûteux, aussi bien en frais d’acquisition qu’en frais de formations et de fonctionnement.
Cela impacte évidemment les coûts de traitement en apparence puisque le prix d’une radiochirurgie dernière génération est de trois fois celui d’une radiothérapie classique.
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Mais cela ne tient pas compte des autres frais parallèles des traitements classiques tels que les séjours prolongés, le transport quotidien et les complications liées à ce type de radiothérapie qui sont souvent supportés par le patient et sa famille, indique le directeur du centre d’oncologie 16-Novembre de Rabat, le Dr Mounir Bachouchi.
La radiochirurgie se positionne aujourd’hui comme un élément incontournable dans les traitements ciblés et personnalisés des cancers.
Cependant, cette radiochirurgie n’est actuellement disponible au Maroc que dans certains grands centres d’oncologie.
*Le Dr Anwar Cherkaoui est médecin. Lauréat du cycle supérieur de l'Iscae, il a été, trente années durant, le responsable de la communication médicale du CHU Ibn Sina de Rabat.