Un programme national de vaccination anti-HPV pour des jeunes Marocaines, dès l’âge de 11 ans, sera lancé au Maroc au cours de l’année 2022.
La lutte contre le cancer du col de l’utérus dans les pays à revenu élevé a connu des avancées majeures essentiellement grâce à la vaccination et au dépistage précoce de ce cancer, qui cause la mort de milliers de femmes. Cependant, le cancer du col de l’utérus demeure dans de nombreuses régions du monde un problème de santé publique.
Le retard de diagnostic dû au manque d’information sur cette maladie ainsi qu’au faible accès aux structures de soins assurant le dépistage, cause des centaines de milliers de décès de femmes chaque année.
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Ainsi, selon l’OMS, près de 300 000 femmes sont décédées de cette maladie en 2018.
Au Maroc, ce cancer est le deuxième cancer féminin le plus fréquent après celui du sein.
Selon le Registre des cancers de la Région du Grand Casablanca, un total de 1504 cas a été enregistré durant la période 2008-2012, est c’est probablement largement sous estimé, soit une incidence (nouveaux cas pendant une période donnée) de 14,8 pour 100 000 femmes, alors que ce taux est de 16,1 pour 100 000 femmes à travers le monde.
Le cancer du col de l’utérus continue malheureusement de faire des victimes. Les chiffres issus de la base de données BLOBCAN montrent que cette maladie a emporté 2465 Marocaines en 2018.
Le Maroc a déployé beaucoup d’efforts pour renforcer la lutte contre cette maladie dans le cadre du Premier Plan National de Prévention et de Contrôle du Cancer (2010-2019) et cela a été renforcé pour le second plan qui s’échelonne sur la période 2020-2029.
Un axe principal dans ce deuxième plan est la mise en œuvre de la stratégie de vaccination contre le virus HPV qui est à l'origine de ce cancer et qui se transmet par les relations sexuelles non protégées, relève le magazine professionnel marocain d’information médicale DOCTINews dans son édition de Janvier 2022 (n°150).
Cette stratégie vaccinale du Maroc se déroule conformément aux objectifs d’intervention du plan mondial d’élimination du cancer du col en tant que problème de santé publique.
Ce plan a insisté sur l’intérêt majeur de la prévention contre le cancer du col de l’utérus par la vaccination anti-HPV. Ce virus sexuellement transmissible est la principale cause des lésions précancéreuses, qui peuvent évoluer vers un cancer du col de l’utérus.
Cette évolution est généralement lente, parfois sur plusieurs années. En l’absence d’une prise en charge adéquate et rapide, de nombreuses complications peuvent survenir.
En dehors des métastases de ce cancer, qui vont envahir d’autres organes, les complications peuvent se traduire par une atteinte rénale, des douleurs souvent intolérables ainsi que des hémorragies.
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Cependant, ce qu'il faut retenir est que le cancer du col utérin est l’un des rares cancers qui peuvent être prévenus par la vaccination.
Pour Dr Mounir Bachouchi, spécialiste en oncologie médicale, l’introduction par le Maroc du vaccin anti-HPV dans le Programme National d’Immunisation constitue un tournant dans la lutte contre cette maladie.
«Si nous vaccinons les enfants marocains très tôt, nous pourrons les protéger efficacement et même l’éradiquer complètement, comme l’a fait l’Australie et d’autres pays qui ont adhéré au programme de vaccination ant-HPV depuis une vingtaine d’années», indique le Dr Bachouchi.
Il ajoute qu’outre la vaccination anti-HPV, la sensibilisation de la population aux risques HPV à travers, notamment, des campagnes nationales dédiées et des actions qui ciblent les jeunes enfants et leurs familles, est le moyen le plus efficace pour juguler l’avancée de ce cancer, qui hypothèque la vie des futures générations.
Ce spécialiste en cancérologie insiste par ailleurs sur le rôle des médecins généralistes et les structures de soins de proximité dans la sensibilisation de la population à l’importance de la vaccination anti-HPV.
«Le médecin généraliste peut également contribuer à l’éducation des femmes pour qu’elles fassent le frottis cervico-vaginal et les autres examens médicaux permettant de détecter les lésions précancéreuses. Et en plus de la détection précoce de la maladie, le médecin généraliste a un rôle de conseil et de suivi des patientes opérées ou traitées pour cancer et qui doivent être surveillées à long terme», précise le Dr Mounir Bachouchi.
Il faut préciser qu'en plus de ses complications et de son impact physique et psychologique très lourd sur les patientes, le cancer du col de l’utérus, à l’instar des autres cancers, a un coût financier élevé.
Ainsi, le coût moyen de la prise en charge augmente avec le niveau de sévérité du cancer. Selon une étude française, un cancer du col utérin au stade 1 coûte 96 000 DH. Au stade 2, le montant grimpe à 167 000 DH. Alors qu’au stade 3, la prise en charge thérapeutique du cancer du col utérin atteint 230 000 DH. Et ce montant plafonne à 280 000 DH, si le cancer n'est découvert et pris en charge qu’au stade 4.
Les frais de soins liés à ce cancer constituent donc un vrai fardeau, surtout pour les pays dont les ressources financières sont limitées.
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La vaccination anti-HPV, en plus de protéger les femmes contre les complications dramatiques de cette maladie, permet de réaliser des économies considérables en matière de coût de soins.
Les ressources financières ainsi économisées pourraient être réinvesties dans des actions de sensibilisation, ce qui contribuerait à maintenir un taux de vaccination élevé et d’éliminer définitivement le cancer du col de l’utérus.
Le ministère de la Santé et de la solidarité va lancer au cours de l’année 2022 une campagne de sensibilisation sur l’importance de la vaccination anti-HPV. D’ailleurs, un grand lot de ce vaccin vient d’être acheté par ce même ministère.
*Le Dr Anwar Cherkaoui est médecin. Lauréat du cycle supérieur de l'Iscae, il a été, trente années durant, le responsable de la communication médicale du CHU Ibn Sina de Rabat.