Vendredi dernier, le 30 août donc, le chef du Polisario a rencontré au Timor oriental Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU. Les deux hommes se trouvaient sur place pour la célébration des vingt-cinq ans de l’indépendance de ce petit pays -l’occasion rêvée pour le premier de se prendre en photo serrant la pince de l’autre, qui pouvait difficilement refuser parce que vu ses fonctions, il doit parler à tout le monde, même à ceux qui n’ont rien à dire.
Guterres était en quelque sorte obligé d’aller faire acte de présence là-bas, au bout du monde, parce que c’est l’ONU qui avait organisé en 1999 le funeste référendum qui conduisit à la création ex nihilo de cet État qui n’avait aucun passé, aucune profondeur historique.
Qui se ressemble s’assemble. En mai 2002, le Timor oriental reconnut l’illusoire RASD et ne revint jamais sur cette erreur. Pourquoi? Parce que Timor est lui-même une erreur. C’est ce que nous allons démontrer.
L’île de Timor se trouve dans l’archipel indonésien. Ledit archipel eut le malheur d’être colonisé par deux puissances européennes: les Pays-Bas et le Portugal -comme le Maroc, qui fut divisé pendant un demi-siècle entre la France et l’Espagne. (On voit déjà un parallèle intéressant et instructif à dresser entre ce bout de terre et le Sahara marocain.)
Les Portugais occupèrent la partie orientale de l’île pendant quatre siècles puis s’en allèrent en 1975, après la romantique Revolução dos Cravos, la ‘Révolution des œillets’. (Vous vous souvenez peut-être, si vous en avez l’âge, du capitaine Otelo de Carvalho, le Che portugais…)
L’Indonésie, qui avait arraché son indépendance aux Hollandais en 1949 après des siècles de colonisation, étendit naturellement sa souveraineté sur la partie de l’île qui venait d’être évacuée par le pays du fado.
Tout est bien qui finit bien?
Non. Certains autochtones de Timor, devenus eux-mêmes un peu portugais -on apprenait la langue de Pessoa à l’école- n’avaient pas envie de se mettre au bahasa indonesia. Ils fondèrent un mouvement d’indépendance. Vive le Timor-Leste libre!
C’est là qu’entrèrent en scène quelques ONG et tous les pleurards et les rêveurs à nacelle de la planète. Ils créèrent des groupes de soutien à la República Democrática et se mirent à dire pis que pendre des Indonésiens, ces pelés, ces galeux… Ils n’avaient pourtant fait que parachever leur délivrance du colonialisme; et c’était eux qu’on accusait maintenant d’être des colonialistes! Ulcérés, ils quittèrent la partie orientale de Timor, devenue en 2002 État indépendant, trois ans après le référendum. Hourra, s’écria-t-on un peu partout, surtout dans les ONG de la lointaine Norvège, à Cuba et à la fête de l’Huma, à La Courneuve…
Et puis…
Et puis Timor disparut.
Non pas que l’île eût été engloutie par les flots, mais sa partie Est, ce nouveau et minuscule État devint promptement le pays le plus pauvre d’Asie. Ne produisant pas grand-chose, les Timorais regardent, dépités, l’Indonésie devenir une des puissances économiques de la planète. Les plus entreprenants d’entre eux émigrent… vers l’Indonésie!
Ironie de l’Histoire: c’est maintenant le bahasa indonesia qui est la langue de travail de la maigre administration timoraise. En effet, la Constitution de Timor reconnaît une bonne dizaine d’idiomes, dont le galoli, le habu, le kemak (mon préféré), le fataluku, le bunak, le makasai, etc. Ce n’est pas un peuple, ça, ce sont des tribus. Seule la langue dont on n’avait pas voulu arrive à créer un semblant d’unité, ô paradoxe…
Aujourd’hui, quand je vois des ONG, des groupes de soutien, des étudiants, en Europe ou ailleurs, s’agiter pour la pseudo-RASD, à des milliers de kilomètres de leur lit ou de leurs amphis, j’ai envie de leur dire ceci:
À quoi bon?
Des naïfs et des ignorants qui vous ressemblent avaient réussi à dégoûter l’Indonésie, qui a abandonné Timor en 1999. Et puis il a disparu des radars. Vous êtes contents de vous? L’Indonésie prospère -et qui se souvient de Timor?
Que pèse Timor dans le concert des nations?
Rien, absolument rien.
Il fait partie des vingt pays les plus pauvres du monde; le taux de chômage y est de 50% (!); il est 196ème sur 200 au classement de la FIFA (ceci pour les amateurs de football); il a gagné exactement 0 médaille dans les compétitions sportives internationales auxquelles il a participé depuis son indépendance; il n’a produit ni artiste, ni écrivain, ni penseur notoire; quasiment personne ne peut le placer sur une carte du monde (c’est juste un petit appendice d’une île de l’Indonésie, qui en compte des centaines); la jeunesse se morfond à Dili, la capitale.
Et c’est ça que vous souhaitez pour les Sahraouis marocains?
Et vous vous prétendez leurs amis?