Les tracas de l’heure d’été et de l’heure d’hiver

Soumaya Naâmane Guessous.

Soumaya Naâmane Guessous.

ChroniqueSaâ jdida, saâ qdima? Une question qui reflète le rejet par une grande partie de la population de cette heure rajoutée ou retranchée.

Le 18/04/2025 à 11h02

L’heure d’été est un réglage de l’heure légale destiné à profiter de la lumière du jour et économiser de l’énergie. Les pays fonctionnent avec la référence mondiale GMT pour mesurer l’heure. Une référence fixée à Greenwich, ville anglaise où passe le méridien zéro qui sépare la Terre en deux hémisphères, est et ouest, et correspond au degré de longitude 0.

La terre, ronde, tourne autour du soleil. Quand il fait nuit d’un côté de la terre, il fait jour de l’autre côté. Il a fallu fixer une heure solaire moyenne comme référence temporelle mondiale pour mesurer l’heure.

GMT signifie Greenwich Mean Time (Temps moyen de Greenwich). L’heure moyenne de Greenwich a servi de référence pendant le 20ème siècle, avant d’être remplacée en 1972 par celle de l’UTC (pour Universal Time Coordinated, temps universel coordonné). Mais on continue à parler de GMT par habitude.

Le Maroc est sur GMT. Avec l’heure de plus, il est à GMT+1. La France est en GMT+1 depuis 1940, lors de l’occupation allemande. En été, la France passe à GMT+2.

Depuis 2018, Le Maroc a adopté GMT+1 toute l’année, sauf pendant le mois de ramadan, pour ne pas allonger d’une heure la journée de jeûne.

La raison serait de réduire la consommation d’énergie. Mais les études menées dans de nombreux pays prouvent des économies d’énergie modestes, parfois même négatives. Dans les pays chauds, en été, le prolongement de la nuit augmente l’utilisation des climatiseurs. Les sceptiques disent que l’on consomme beaucoup d’électricité le matin, en hiver. Peut-être que l’autre raison est de nous synchroniser économiquement avec l’Europe, notre principal partenaire commercial.

La médecine évoque des effets physiologiques et sanitaires. Chacun de nous a son système circadien, une horloge biologique interne qui peut être momentanément perturbée: troubles du sommeil pouvant provoquer une baisse de vigilance et d’attention au travail ou sur la route, irritation, troubles digestifs, troubles de l’humeur. Chez les élèves, la concentration et la mémorisation baissent. La durée d’adaptation varierait d’une personne à l’autre: une journée, une semaine, des mois.

Ces effets sont plus prononcés en été qu’en hiver, car nous perdons une heure de sommeil. Au réveil, notre corps réclame une dose importante de lumière pour débuter la journée et synchroniser l’horloge biologique. Il en est privé en hiver. Comment font les Scandinaves qui, en hiver, n’ont qu’une heure d’ensoleillement par jour?

Les déplacements matinaux dans le noir occasionnent des craintes d’insécurité dans les villes et les villages faiblement éclairés. Les femmes ont peur du noir lorsqu’elles sortent pour prendre le transport. Elles se font accompagner par des époux, des frères, des fils. Ce qui est contraignant, car ces derniers doivent eux-mêmes vaquer à leurs obligations quotidiennes.

Dans plusieurs secteurs, les employés se plaignent de travailler plus, sans indemnités: «Les clients viennent tant qu’il y a de la lumière du soleil. Le patron nous fait travailler de 9 h à 21 h!»

«Le côté agréable, en été, pour les citadins? Les journées s’allongent et permettent d’avoir de nombreuses activités et des loisirs.»

Mais ceux qui souffrent le plus, ce sont les habitants des zones rurales, surtout les enfants et les adolescents scolarisés. Les distances parcourues à pied entre les habitations et les établissements scolaires sont importantes, pouvant dépasser deux heures à l’aller et deux heures au retour. Pour les habitations au sommet des montagnes, il faut le double du temps au retour, sur des pentes plus ou moins raides.

En milieu rural, il n’y a pas d’éclairage public. Les parents craignent pour la sécurité de leurs enfants: chutes dans des crevasses ou des fossés, trébuchements sur de grosses pierres, risques d’agression pour les filles.

Les hommes sont obligés d’accompagner les enfants: «J’aimerais travailler dans l’usine avec un salaire garanti. Mais on commence à 8 heures et moi je dois escorter mes filles et mes nièces sur le chemin de l’école. Je fais alors des petits travaux sur les champs qui ne suffisent même pas à nourrir ma famille.»

Dans les régions où il neige en hiver et où le froid est glacial, les enfants et les adolescents souffrent, car le soleil qui les réchauffe un peu n’est pas encore levé au moment de leur départ. Il s’agit d’une population précaire qui n’est pas équipée en bottes rembourrées, en doudounes chaudes et légères, en gants… Les résultats scolaires en pâtissent.

Le côté agréable, en été, pour les citadins? Les journées s’allongent et permettent d’avoir de nombreuses activités et des loisirs. Mais cela augmente la consommation de carburant pour les véhicules.

Beaucoup de personnes continuent à fonctionner avec saâ qdima. Voilà qui est énervant! Tu attends un ouvrier en urgence, qui te promet d’arriver à 9h00. Il se pointe à 10h00. «Mais j’ai dit 10h00!» «Non, 9h00!» «Oui, mais 9h00 leqdima (l’ancienne)!» Ces changements d’horaires servent la mauvaise foi de ceux pour qui la ponctualité et la parole donnée ne valent rien.

Il est vrai qu’en hiver il est pénible de se réveiller dans l’obscurité. J’ai moi-même du mal à quitter le lit lorsque les rayons du soleil ne traversent pas mes fenêtres. Au réveil, j’ai un rituel, été comme hiver: j’ouvre grand les fenêtres de ma chambre et j’observe longuement le ciel et sa luminosité radieuse, avec la gratitude d’avoir la chance d’admirer, tous les matins, un ciel aux couleurs continuellement renouvelées. J’aspire de grandes bouffées d’air frais, heureuse de vidanger mon corps et de le charger en énergie positive.

Avec saâ jdida, mes réveils en hiver sont obscurs et susceptibles de m’inonder d’idées noires si je ne m’en protège pas. Alors je m’adapte pour protéger ma bonne humeur et éviter de commencer mes journées par nguir, en râlant contre saâ jdida et saâ qdima, des contrariétés qui sapent le moral. Mon secret? Acceptation, adaptation!

Par Soumaya Naamane Guessous
Le 18/04/2025 à 11h02