Le militantisme de hashtags: la nouvelle déferlante féministe

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Depuis l’avènement des réseaux sociaux, pas une année ne passe sans son lot de nouveaux hashtags. A chaque cause, son dièse.

Le 30/06/2019 à 10h48

L’été 2019 s’annonce militant avec l’émergence de trois nouveaux hashtags qui font du bruit et ravivent la flamme féministe qui sommeille dans chaque femme.

A commencer par #jeKiffeMonDecollete, né pour contrer les critiques vestimentaires subies par la gente féminine dans l’espace public. Lancée sur twitter par la chroniqueuse radio de RMC, Zohra Bitan, cette initiative entend faire de la résistance à ces gardiens des bonnes mœurs qui veulent dicter aux femmes leur manière de se vêtir. A l’origine de ce mouvement qui envahit twitter, le cas d’une jeune femme insultée dans la rue par un homme en raison de son décolleté plongeant.

Puis, emboîtant le pas à la polémique suscitée par l’interdiction de l’avortement dans plusieurs états américains, le hashtag #youknowme a été lancé par une actrice et activiste américaine, Busy Philipps, laquelle déclarait «beaucoup de gens pensent qu’ils ne connaissent pas de personnes qui ont avorté, mais vous me connaissez moi». Un hashtag qui entend donner la parole aux 25% de femmes qui ont avorté ou avorteront peut-être un jour et qui permet aujourd’hui à des milliers de femmes de témoigner sur twitter et instagram en partageant leur expérience.

Enfin, en troisième position de ce trio, le désormais célèbre #boismesregles, une punchline peu ragoûtante qui a pour but de briser le tabou qui entoure les menstruations. Pourquoi une telle expression vindicative? Tout simplement pour éloigner d’un coup sec les harceleurs du web et de la rue. Aux insultes, aux provocations et au harcèlement, on rétorque désormais un sanguinolent #boismesregles qui a donc pour but de littéralement tétaniser l’agresseur derrière son clavier ou de le scotcher au pavé. En somme une stratégie d’autodéfense qui puise sa force dans les préjugés machistes qui entourent les menstruations. Ce «menstrues power» comme on l’appelle désormais a également pour vocation de banaliser les règles et de décomplexer les femmes. Dans la même veine, #cavasaigner qui incite les femmes à partager les photos de leurs menstrues.

La renaissance digitale du féminismeL’émergence quotidienne de ces hashtags dont certains sont entrés dans les annales, à l’instar de #balancetonporc ou encore #metoo, est la preuve tant attendue de la naissance d’une nouvelle vague féministe. Marchant dans les pas des grandes figures militantes des décennies précédentes, les nouvelles activistes ont fait des réseaux sociaux leur nouvelle arme d’expression et de mobilisation.

Aujourd’hui les hashtags sonnent comme autant de mots, de slogans et de cris de mobilisation pour contrer les violences et le harcèlement sexuel. Le web a ainsi permis de redonner vie à l’esprit de la deuxième vague du féminisme des années 1960 lequel appliquait le slogan «le personnel est politique» en permettant dans des groupes de libérer la parole des femmes en leur faisant partager leurs expériences pour favoriser la prise de conscience.

Au Maroc aussi, le militantisme change son fusil d'épaule en s'adaptant à son temps. Si les associations féministes bien établies ont du mal à surfer sur cette vague et à toucher la jeunesse, force est de constater que de nouvelles militantes ont pris le relais en adaptant leur discours et leur moyen de communication à une cible plus jeune. Sous nos cieux aussi, on interpelle à coups de #masaktach, #Zankadialna, #kounrajel l'opinion publique sur la question du harcèlement et des violences. Les réseaux sociaux permettent ainsi au Maroc, pour la première fois, de mettre dans la lumière des sujets tabous jusque là passés à la trappe.

Une prise de parole grandement favorisée par l’étendue infinie du web et le partage permis par les réseaux sociaux. Une fois cette parole libérée, on peut la sortir de l’ombre, de la sphère privée et la politiser. Outre l’effet caisse de raisonnance inhérente au 2.0, ce moyen de communication permet en outre d’organiser des mobilisations qui peuvent atteindre une ampleur colossale.

Bien entendu, cette forme de militantisme n’est pas sans essuyer des critiques et des moqueries de la part de ceux qui estiment que ce n’est pas en balançant des punchlines confortement installé derrière un clavier qu’on changera le monde. Mais l’ampleur prise par le mouvement #metoo qui a littéralement ébranlé les arcanes du pouvoir de Hollywood atteste toutefois du contraire.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 30/06/2019 à 10h48