«Heureusement qu’il s’agit d’un petit bateau (Elbabour Sghir). Imaginez l’ampleur des dégâts s’il avait été question d’un grand voilier!», ironise une source, à Settat, qui a côtoyé le député de l’Union constitutionnelle (UC), qui se trouve entre les mains de la justice depuis le dimanche 9 janvier 2022.
Ce qui lui est reproché? Avoir, grosso modo, monté et réussi l’une des plus grosses arnaques de l’histoire du Maroc en détournant plus de 600 millions de dirhams (plus de 60 milliards de centimes). Dans le large spectre de ses victimes, on retrouve de tout: des industriels, des fournisseurs, des entreprises privées, mais surtout une grande banque de la place ayant perdu près de 300 millions de dirhams.
Faisant l’objet d’au moins sept mandats de recherche au niveau national, Elbabour Sghir a réussi pendant des mois à rester hors d’atteinte, jusqu’au dimanche 9 janvier. Il rentrait à l’aube dans son imposante ferme de la région de Settat après une fête entre amis. Une vingtaine d’éléments de la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ) l’y attendaient pour que puisse commencer l’une des affaires qui risquerait de défrayer la chronique judiciaire (et politique) du pays.
Un présumé escroc au ParlementAu Parlement, avec ses deux chambres, on compte bon nombre d’élus poursuivis ou sous le coup de poursuites judiciaires pour de graves délits. Certains ont même été condamnés à de la prison ferme et attendent l’issue de leurs procès devenant interminables avec une série de pourvois en appel. Mais l’affaire d'Elbabour Sghir risquerait d’être unique en son genre.
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À Settat, sa famille figure parmi celles qui comptent sur l’échiquier politique et économique. Après des études en Suisse (gestion des entreprises, entre autres, prétend-il), cet ex-champion de cross-country rentre au bled pour s’occuper des affaires de la famille, économiques, mais aussi politiques.
Devenant une figure incontournable du parti de Mohammed Sajid à Settat, il est bombardé coordinateur provincial, en 2020, du parti du Cheval. Et, naturellement, pour le scrutin législatif du 8 septembre 2021, la liste locale de l’UC à Settat est conduite par L’Haj El Babour comme tout le monde l’y appelle. Et pas que pour faire de la figuration: notre homme se classe troisième sur une liste de six et remporte son siège haut la main avec plus de 32.000 voix...
Au Parlement, on ne lui connait pas de faits d’arme notoires, sachant qu’il n’y met jamais les pieds, préférant se terrer dans sa ferme. Mais, l’on sait cependant qu’il s’est inscrit comme membre de la Commission des infrastructures de base et de l’énergie. Normal aussi puisque la famille est active dans la distribution des carburants et qu’il est reproché au député d’avoir arnaqué plusieurs fournisseurs d’hydrocarbures.
«Incubateur» de sociétés écransPour son modus operandi, Elbabour Sghir n’a pas eu à trop faire travailler ses méninges pour monter ses arnaques. Selon une source proche du dossier, il s’approchait de «petites gens», des prête-noms pour qui il créait des sociétés avec des capitaux assez fournis. Ces prête-noms, pieds et mains liés par des reconnaissances de dettes ou des chèques qu’ils lui remettaient, s’adressent par la suite à des banques pour contracter des crédits ou à des fournisseurs pour sceller des affaires. Dans l’un comme dans l’autre cas, on ne refuse rien à une société avec une solide santé financière (apparente).
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Par la suite, le prête-nom disparaît dans la nature avec sa société. Banques, entreprises et fournisseurs trinquent et Elbabour Sghir reste libre comme l’air. Jusqu’au moment où, croulant sous les plaintes, la justice a décidé de passer à l’attaque pour remonter jusqu’au député.
Dans un premier temps, l’enquête a été confiée à la police judiciaire de Settat avant que cette dernière n’en soit dessaisie au profit de la BNPJ (à compétence territoriale nationale) au vu de l’ampleur de l’affaire. Selon une source proche du dossier, cette affaire risquerait de dévoiler tout un réseau de complicités à divers niveaux.
Le procès du député UC, ainsi que de plusieurs de ses présumés complices, s’ouvre le 26 janvier. Il est poursuivi pour faux, usage de faux, abus de confiance... Et un autre délit de plus: avoir présenté, lors de son arrestation et pour l'empêcher, un faux certificat attestant qu'il était contaminé au Covid-19!