Dans son édition du week-end dernier, le quotidien arabophone Assabah fait état d’une opération-enquête sans précédent, lancée par les services des douanes marocaines depuis mardi 3 janvier courant. Objectif: démêler l’écheveau d’un vaste trafic de tableaux entre Casablanca et Paris. Ce trafic impliquerait des hommes d’affaires opérant pour la plupart, selon Assabah, dans le secteur de la promotion immobilière.
On se croirait ainsi au cinéma, non pas forcément devant l’un des films cultes relatant un hold-up d’œuvres d’art de célèbres peintres, comme «On a volé la Joconde» de Michel Deville, mais à se rappeler ces séquences de films où l’on voit très souvent des tableaux d’une valeur inestimable faire écran à l’emplacement d’un coffre-fort secret rempli d’argent, d’or, de bijoux et autres pierres précieuses, quand ces tableaux ne servent pas à cacher une porte dérobée menant directement vers une caverne d’Ali Baba.
C’est en ce sens que la Brigade nationale des douanes (BND) tente de lever le voile sur ce que cachent les ramifications d’un important réseau marocain de trafic de tableaux, dont la valeur marchande serait colossale, selon Assabah.
La BND a déjà pu déterminer le «point de fuite», si l’on peut dire, d’où sont parties ces œuvres d’art. Il s’agirait d’appartements sis dans la commune du Maârif à Casablanca, et dont le propriétaire était sous le coup de gros soupçons de blanchiment d’argent.
Des dizaines de tableaux ont été découverts dans ces appartements par les limiers de la douane, non pas par hasard, mais suite à des renseignements venus de leurs homologues français. Selon ces derniers, de nombreux tableaux réalisés par de célèbres peintres ont atterri récemment dans une maison parisienne de vente aux enchères, mais le pseudo-propriétaire, venant du Maroc, n’était pas en mesure de justifier légalement leurs détention et importation.
Grâce donc aux informations venues de Paris, la BND a pu déterminer, ajoute Assabah, l’adresse de trois appartements, dont deux sont situés dans le quartier Racine et le troisième sur le Boulevard Bir Anzarane (Maârif). La douane y a saisi plusieurs dizaines de tableaux réalisés aussi bien par des peintres marocains qu’étrangers. Des factures et documents afférents à ces œuvres d’art ont également été saisis et ont permis de déterminer l’identité de personnalités aisées et d'hommes d’affaires connus dans le milieu de l’immobilier.
Selon Assabah, la nouvelle de cette descente de la douane au Maârif s’est propagée comme une trainée de poudre dans certains salons cossus de Casablanca, et a fait trembler certains détenteurs d’œuvres d’art, surtout des promoteurs immobiliers qui ont investi d’énormes sommes d’argent, aux origines douteuses, dans ces tableaux pour en faire une valeur-cachette. Ces tableaux, dont les prix oscillent entre 70.000 et 350.000 euros, ont été vraisemblablement acquis, selon le journal, par un intermédiaire, identifié comme le propriétaire de l’un des appartements précités, au profit de promoteurs immobiliers. Ces derniers, conclut Assabah, sont soupçonnés de les utiliser à des fins de blanchiment d’argent, de fraude fiscale et de trafic de devises.