La récente expérience de l’exportation des produits algériens vers l’Afrique de l’Ouest et la Mauritanie voisine donne déjà des signes d’essoufflement. En tout cas, pour les camionneurs algériens chargés de convoyer ces produits, plusieurs obstacles de taille restent à surmonter. Un aperçu de ces problèmes, pour la plupart rédhibitoires, vient de nous être fourni à travers une vidéo publiée par un groupe de transporteurs, qui ont profité d’une escale en plein désert mauritanien pour s’exprimer et lister les nombreuses contraintes auxquelles ils sont confrontés.
Tout d’abord, ils estiment que le marché ouest-africain, qu’ils ont pour mission de conquérir, est déjà «dominé à 90% par les produits marocains», qui y débarquent en continu, alors que les produits algériens sont exportés sporadiquement, au rythme d’une à deux caravanes de camions par mois.
Selon un transporteur algérien, son pays est loin du compte, au moment, dit-il, où «100 camions marocains entrent quotidiennement à Nouakchott», la capitale mauritanienne, sans parler de dizaines d’autres camions qui débarquent leurs marchandises à Nouadhibou, deuxième grande ville du pays située à une soixantaine de kilomètres, seulement, du passage d’El Guerguerat à la frontière maroco-mauritanienne.
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Au regard de ce flux important, un autre camionneur dit ne pas douter de l'impossibilité pour les produits algériens de concurrencer les produits marocains dans l’espace ouest-africain et sur le marché mauritanien. «Il nous est impossible d’arriver au niveau des Marocains», estime-t-il, avant que l’un de ses collègues affirme: «En tout cas, il nous faut au moins 40 ans pour rattraper le Maroc».
Il faut dire que les obstacles auxquels sont confrontés les produits d’exportation algériens vers l’Afrique de l’Ouest sont très nombreux, à commencer par l’éloignement de l’Algérie par rapport aux destinataires africains de ses produits (3.400 km entre Alger et Nouakchott). Une distance aggravée par l’inexistence d’une route bitumée entre la ville algérienne de Tindouf et celle de Zouerate en Mauritanie. Cela signifie 863 km de pistes, sans parler des conditions climatiques difficiles en plein cœur du désert (chaleur, vents de sable, rareté des lieux habités…).
Malgré un prix local du carburant déjà peu cher, les transporteurs algériens exigent une aide supplémentaire des autorités algériennes sous la forme d’une tonne de carburant par camion. Ils se plaignent aussi de la faiblesse du taux de change du dinar algérien par rapport à la monnaie mauritanienne, l’ouguiya, et au franc CFA, ce qui leur coûte beaucoup d’argent au moment de s'acquitter des droits de douane lors de la traversée de la frontière mauritanienne ou d’acheter du carburant dans les stations-service des villes et pays traversés.
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Le ressentiment de ces transporteurs algériens et la référence au Maroc dans la totalité des témoignages a une explication. On se souvient qu’en procédant à l’inauguration en août 2018 du premier passage frontalier entre la Mauritanie et l’Algérie (qui partagent 463 km de frontières communes), les autorités algériennes avaient établi des prévisions mirifiques sur les nouveaux débouchés pour les produits algériens. Il s'agissait de compenser économiquement la baisse des recettes en devises tirées du pétrole, et politiquement de jouer au cheval de Troie contre la forte présence marocaine en Afrique de l’Ouest en concurrençant les produits d’exportation du Royaume.
Alger a poussé les camionneurs vers un terrain hostile, sans préparation, sans étude préalable, rien que pour contrer la percée marocaine. Ces routiers ne sont pas dupes des motivations qui ont porté le régime algérien à les propulser sur des routes désertiques. Ils savent que leur mésaventure a été motivée au nom de l’hostilité du régime d’Alger au Royaume du Maroc. C’est pour cela qu’ils citent le Maroc dans leurs témoignages et exigent de l’Etat algérien de doubler leurs provisions en carburant.
Quand bien même le régime d’Alger accéderait à la requête de ces malheureux transporteurs, les produits agricoles algériens restent plombés par leur mauvaise réputation, car très souvent refoulés à travers le monde entier pour leur nocivité, due à leur forte teneur en pesticides.
Au final, la seule réussite des exportations algériennes est à mettre à l’actif du Polisario, dont les camions vendent à grande échelle, et à des prix défiant toute concurrence, le contenu de dizaines de citernes de carburant que l’Algérie lui livre gracieusement chaque mois. Un commerce qui s’ajoute aux détournements des milliers de tonnes d’aides alimentaires fournies gratuitement par l’Union européenne aux habitants sahraouis des camps de Lahmada. Pendant que les camionneurs algériens trinquent, les affaires du Polisario et de leurs complices algériens prospèrent.