Toute la vérité sur l’«Escobar» marocain

Abdellatif Hammouchi.  . DR

Revue de presseKiosque360.Une équipe de télévision privée espagnole vient de réaliser un reportage bidon sur le trafic de drogue. Pour donner du piquant à son produit, elle a fait appel à un gardien de voiture qui a campé le rôle d’un baron de la drogue notoire, contre un cachet de 2.000 dirhams.

Le 08/05/2019 à 18h32

Le reportage réalisé récemment par une chaîne de télévision privée espagnole sur le trafic de drogue au nord du Maroc met en vedette, c’est le cas de le dire, un personnage qu’elle présente comme l’Escobar marocain. Ce dernier gagnerait pas moins de 180.000 euros par mois, soit près de 2 millions de dirhams, précise le quotidien Al Ahdath Al Maghribia dans sa livraison du jeudi 9 mai. Il écoule ainsi, selon les déclarations qu’il a faites à la chaîne espagnole, 1.000 boites de neurotropes contenant chacune 36 unités, à raison de 5 euros l’unité. Sachant que ces psychotropes, qu’il se procure en Espagne, ne lui coutent que 1,5 euro l’unité, le compte est presque bon. Ce qui est suffisant pour le faire passer pour un véritable baron de la drogue.

Seulement, toute cette histoire n’a rien de véridique. Il s’agit d’un scénario bien ficelé dans lequel un simple gardien de voiture a campé à la perfection de rôle du présumé baron de la drogue, contre un cachet de 2.000 dirhams que lui ont versé les reporters de la chaîne. Pour dénicher ce personnage, l’équipe qui a réalisé cette émission a fait appel à un intermédiaire, un «fixeur» dans le jargon professionnel, résidant à Sebta, précise le quotidien.

D’après Al Ahdath Al Maghribia, qui cite un communiqué de la DGSN, après avoir visionné cette émission, la police a lancé une enquête englobant tous les ressortissants étrangers et marocains susceptibles d’être impliqués dans cette grosse arnaque. En fait, il n’a fallu aux services de la police que quelques jours pour démêler l’écheveau de cette affaire. Et, comme il se doit, la DGSN commence par réfuter catégoriquement, écrit le journal, les allégations mensongères contenues dans ce reportage diffusé par la chaîne espagnole TV Cuatro.

Ce reportage, précise pour sa part le quotidien Al Massae dans sa livraison du même jour, présente, de manière erronée, un gardien de voitures, dont l’identité est cachée, comme étant «un baron de la drogue» qui tire des gains substantiels du trafic des substances psychotropes et des stupéfiants. En outre, dans ce reportage, sont avancées des allégations mensongères selon lesquelles cet individu serait à l’abri des poursuites sécuritaires et judiciaires.

Il n’en fallait pas plus pour ouvrir une enquête judiciaire sous la supervision du Parquet, souligne le quotidien. Les premières investigations ont, ainsi, abouti à l’identification du présumé Escobar marocain, qui n'est donc en réalité qu'un gardien de voitures dans un parking. Ses fausses déclarations ont été faites sur incitation de l'équipe de la télé espagnole. Selon les premiers éléments de l’enquête, rapportés par Al Massae, les reporters de la chaîne lui ont fait croire qu'il s'agissait du tournage d'un film traitant de la vie d'un baron de la drogue. Pour le convaincre de jouer ce rôle, ils lui ont proposé ce cachet de 2.000 dirhams.

Toujours selon Al Massae, qui cite la DGSN, les investigations en cours ont permis d'arrêter un individu résident de la ville de Sebta, qui accompagnait l'équipe de presse espagnole lors du tournage et qui a proposé le gardien de voitures pour jouer le rôle du «présumé Baron». Les deux personnes se connaissaient déjà, en fait. A l’un comme à l’autre, les journalistes espagnoles ont fait croire qu'ils s'activaient dans une association de lutte contre la toxicomanie. Et l’objectif de toute cette opération était, leur ont-ils expliqué, de pousser les donateurs à financer les activités de leur association. D'où ce scénario.

Pour l’heure, le gardien de voitures et l’intermédiaire ont été placés en garde à vue, alors que les investigations se poursuivent afin d'identifier les ressortissants étrangers et leurs complices marocains impliqués dans ces actes criminels d'escroquerie, commis sous le couvert du travail journalistique, loin de tout professionnalisme et de toute objectivité, conclut le journal.

Par Amyne Asmlal
Le 08/05/2019 à 18h32