«Ma famille était istiqlalienne, alors que moi, j’étais de gauche quand j’étais étudiant puis enseignant à l’université, avant de rejoindre le Mouvement populaire», affirme d’emblée Lahcen Haddad, ajoutant qu’il a démissionné des rangs du parti de l’Épi en septembre 2016 pour une raison toute simple. La direction du parti avait refusé de l’investir comme candidat aux législatives du 7 octobre 2016 dans la circonscription de Khouribga pour, dit-il, des petits calculs politiciens. Haddad finira par remporter les élections à Khouribga en se présentant, cette fois-ci, sous les couleurs du parti de l’Istiqlal.
Nommé le 3 janvier 2012 ministre du Tourisme au sein du gouvernement Benkirane, Haddad reconnaît l’existence d’inquiétudes chez les professionnels du tourisme au lendemain de l’arrivée au gouvernement des islamistes du Parti de la justice et du développement (PJD). «Les membres du PJD ne s’opposaient pas au tourisme. Mais en même temps, il n’y avait pas un appui fort du secteur. Le tourisme ne faisait pas partie des priorités du PJD et du chef du gouvernement», a-t-il souligné.
À cet égard, la sortie de Mustapha Ramid reste emblématique. Lors d’une visite à Dar Al Qur’an (école coranique) à Marrakech, le 25 mars 2012, l’ancien ministre de la Justice a laissé entendre que «les touristes qui visitaient la ville ocre passaient beaucoup de temps à commettre des péchés et à s’éloigner de Dieu». Des propos qui en ont surpris plus d’un, surtout parmi les opérateurs touristiques. «J’ai dû publier un communiqué pour les rassurer et rappeler que seul le ministre du Tourisme est en mesure de se prononcer sur la politique touristique, en coordination avec le chef du gouvernement», se rappelle Haddad.
Durant le mandat de Lahcen Haddad, le nombre de touristes ayant visité le Maroc est passé de 9,3 millions en 2012 à 10,1 millions en 2015, un rythme de croissance jugé assez modeste, et en tout cas insuffisant pour atteindre les objectifs de la vision 2020. «Il n’y avait pas un soutien suffisant de la part du gouvernement, notamment du ministère des Finances. Ajoutez à cela l’effet du printemps arabe et des attentats terroristes qui ont frappé la France en 2015», argumente Haddad.
Parmi les réalisations à l’actif de Lahcen Haddad figure la signature de 15 contrats-programmes avec les régions, conformément à la vision 2020. «Nous avons réuni toutes les parties prenantes, élus, autorités locales, walis, opérateurs et ONG pour nous concerter sur les opportunités de développement touristique dans chacune des régions», poursuit-il.
Lire aussi : Nouvelle feuille de route du tourisme: les professionnels affichent leur optimisme
Haddad a marqué aussi son passage à la tête du département du Tourisme par sa contribution à l’instauration de la nouvelle taxe aérienne, dont le montant varie de 100 dirhams (pour chaque billet d’avion aller-retour en classe économique) à 400 dirhams (classe affaires). Réparties à parts égales entre l’ONMT et le Fonds de cohésion sociale, les recettes issues de cette taxe ont atteint 344 millions de dirhams en 2022, contre 430 millions de dirhams en 2019 (source: PLF 2023).
En partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale, dirigé alors par Rachid Belmokhtar, Lahcen Haddad a réussi à implémenter le découpage des vacances scolaires en fonction des zones géographiques, de sorte à faire baisser la pression sur certaines destinations très prisées (Marrakech). Mais cela ne durera pas longtemps, puisque son successeur Mohamed Hassad avait dès sa nomination décidé de mettre fin à cette expérience, signant le retour à l’unification des vacances scolaires.
Interrogé sur le sort du projet des «chèques-vacances», qui était inscrit sous son mandat dans le plan d’action du ministère du Tourisme, Haddad répond que ce projet n’avait pas abouti, car il n’avait pas l’adhésion du ministère des Finances. «Nous avons réalisé une étude qui a montré que ce mécanisme pourrait générer des recettes additionnelles conséquentes (…). Je suis confiant que le projet du chèque-vacances pourra être adopté dans le cadre d’une prochaine Loi de finances», soutient l’ancien ministre.