Tanger, la planification urbaine se resserre autour de la gare TGV et de Sania-Est

Gare de Tanger ville.

L’approbation de deux études sectorielles consacrées à la zone environnant la gare ferroviaire à grande vitesse et au secteur de «Sania-Est» annonce une structuration de la gouvernance urbaine à Tanger. Derrière une décision administrative en apparence technique, les autorités locales tentent de résoudre une équation devenue centrale pour la métropole du nord: celle d’accompagner une croissance économique soutenue tout en évitant une urbanisation fragmentée, coûteuse et socialement déséquilibrée.

Le 22/12/2025 à 10h06

La ville de Tanger engage une nouvelle gouvernance urbaine avec deux études validées conjointement par les commissions locale et centrale dans le cadre de la mise en œuvre du plan d’aménagement des arrondissements de Moghogha et Souani, entré en vigueur en janvier 2023. Ce document de référence, désormais opposable, vise à encadrer plus strictement les dynamiques de construction dans des zones soumises à de fortes tensions foncières, alors que Tanger poursuit son affirmation comme pôle industriel, logistique et de services à l’échelle nationale et régionale.

Selon l’Agence urbaine de Tanger, l’élaboration de ces études sectorielles s’est appuyée sur une approche de planification globale, cherchant à aligner les orientations stratégiques du plan d’aménagement avec les réalités économiques et environnementales du territoire.

Pour les autorités de la ville, cette démarche répond à une critique récurrente des politiques urbaines marocaines: l’écart persistant entre documents de planification et pratiques effectives d’urbanisation, souvent dictées par l’urgence et la pression de l’investissement.

Le périmètre de projets ESP (Étude de sécurité publique), situé autour de la gare ferroviaire à grande vitesse, concentre à cet égard des enjeux majeurs. S’étendant sur près de 65 hectares, il se situe au croisement des infrastructures de transport, des flux économiques et des ambitions métropolitaines de Tanger. L’étude sectorielle qui lui est dédiée repose sur une analyse détaillée de la structure foncière, des coefficients d’occupation du sol, des densités admissibles et des hauteurs constructibles, afin de prévenir les déséquilibres observés dans d’autres pôles urbains développés trop rapidement.

Les règles urbanistiques arrêtées visent à organiser une véritable mixité fonctionnelle, combinant bureaux, services, commerces et équipements collectifs, tout en assurant une articulation fluide entre les bâtiments et l’espace public.

L’objectif affiché consiste à faire émerger un quartier urbain cohérent plutôt qu’une simple juxtaposition de projets immobiliers. À travers cette rationalisation des usages et des formes urbaines, les pouvoirs publics entendent renforcer l’attractivité du site pour les investisseurs nationaux et internationaux, tout en maîtrisant les coûts futurs liés aux infrastructures et à la mobilité.

Sania-Est, l’environnement comme contrainte structurante

Le secteur de «Sania-Est» illustre une autre dimension de la planification urbaine: l’intégration des contraintes naturelles dans les choix d’aménagement. Avec une superficie urbanisable estimée à environ 157 hectares, cette zone présente des vulnérabilités environnementales significatives, notamment en matière de risques d’inondation et d’érosion des sols.

Selon le document de projet, cité par les médias, l’étude sectorielle adoptée introduit ainsi un modèle d’urbanisation plus prudent, fondé sur la hiérarchisation des espaces constructibles et la protection des zones sensibles.

La création de zones forestières, pensées comme une extension du couvert végétal existant, répond à une double logique. Elle vise, d’une part, à renforcer la résilience environnementale du site face aux aléas climatiques et, d’autre part, à améliorer son attractivité résidentielle et économique. À mesure que la qualité de vie s’impose comme un facteur déterminant de compétitivité territoriale, l’intégration d’espaces verts et d’équipements publics apparaît comme un levier stratégique autant qu’environnemental.

Ces orientations traduisent une évolution progressive de la doctrine urbanistique locale, où la durabilité cesse d’être un simple registre discursif pour devenir un paramètre structurant de l’investissement. En encadrant en amont les formes urbaines et les usages du sol, les autorités cherchent à limiter les risques de contentieux, de surcoûts et de dégradations environnementales, qui pèsent à long terme sur les finances publiques et sur l’image de la ville.

Pour l’Agence urbaine de Tanger, l’approbation de ces deux études constitue l’aboutissement d’un processus de concertation et d’expertises techniques visant à instaurer un cadre de développement plus lisible et plus prévisible. Cette lisibilité est désormais appelée à s’imposer aux promoteurs, aux investisseurs et aux administrations chargées de l’instruction des projets.

Les études sectorielles approuvées deviennent ainsi les référentiels juridiques obligatoires sur la base desquels seront examinées l’ensemble des demandes d’autorisations de construire dans les deux zones concernées. Ce resserrement du cadre réglementaire répond à une attente forte des acteurs économiques, confrontés à des procédures parfois longues et à une insécurité juridique persistante, tout en signalant la volonté de la ville de reprendre la main sur son développement urbain.

Par Mouhamet Ndiongue
Le 22/12/2025 à 10h06