Les propos sont on ne peut plus clairs et directs et s’inscrivent dans une longue lignée de réactions similaires d’hommes d’État et de responsables politiques français. Ils ont été tenus par l’ancien président Nicolas Sarkozy dans un entretien accordé au quotidien Le Figaro, qui l’a publié ce mercredi 16 août dans son édition électronique. L’occasion est la sortie en librairie, prévue le 22 août, de son livre «Le Temps des combats» (Fayard, 560 p., 28 €). Dans ce long entretien, où l’ancien chef d’État commente les principaux sujets d’actualité du moment (Russie, Afrique...), Sarkozy revient également sur les relations entre Paris et Alger et, donc, le prix fort que la diplomatie française paie en tentant un impossible rapprochement avec le régime algérien, au détriment du Maroc.
Pour l’ancien président, toute tentative de créer des relations un tant soit peu rationnelles et durables avec l’Algérie est vouée à l’échec. «N’essayons pas de bâtir une amitié artificielle avec des dirigeants algériens qui utilisent systématiquement la France comme bouc émissaire pour masquer leurs propres défaillances et leur déficit de légitimité. Ils la refuseront toujours», avertit l’ancien locataire du Palais de l’Élysée. La raison est bien simple et pour Sarkozy, c’est clair comme le l’eau de roche. Elle tient tout bonnement à une déplorable absence de bonne volonté. «Ils (les dirigeants algériens, NDLR) ont trop besoin de détourner l’attention de l’échec dans lequel ils ont plongé leur pays en accusant régulièrement la France de tous les maux», affirme-t-il.
Dans cette interview, où Le Figaro annonce «des pages sévères» dans «Le Temps des combats» à l’égard du «tropisme algérien» du président Macron, Sarkozy alerte également sur le fait que ce «tropisme (nous) éloigne (la France) du Maroc». «Nous risquons de tout perdre. Nous ne gagnerons pas la confiance de l’Algérie, et nous perdons celle du Maroc», tranche-t-il, marquant par la même occasion ses distances vis-à-vis d’un Macron qu’il dit avoir soutenu à la dernière présidentielle. «Cela ne veut pas dire que nous étions d’accord sur tout. Il ne s’agit pas de sévérité, mais de convictions».
Revoir les accords de 1968
Nicolas Sarkozy va plus loin en appelant, lui aussi, à une révision des accords de 1968 qui facilitent la circulation des ressortissants algériens en France. Pour lui, «c’est devenu indispensable. Les autorités algériennes bloquent le retour de nombre de leurs ressortissants et dans le même temps laissent partir ceux qui le veulent. Cela n’est plus possible», explique-t-il.
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La position de Nicolas Sarkozy vient s’ajouter à de nombreuses autres qui ne cessent de tirer la sonnette d’alarme quant à la politique d’Emmanuel Macron à l’égard de l’Algérie. Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France à Alger de 2008 à 2012 et de 2017 à 2020, en fait partie. Dans une note publiée en juin 2023, intitulée «Le pari algérien d’Emmanuel Macron: illusions, risques et erreurs», il a déploré le refroidissement des rapports entre la France et le Maroc, en raison du tropisme algérien de Macron qui l’a conduit à un pari perdant. Ce pari plus qu’incertain, fondé sur «des illusions, des erreurs d’analyse et des risques politiques et géopolitiques non négligeables», dont «la mise est maximale, mais les chances de gains minimes», ne présente ainsi que peu d’avantages pour la France sur des dossiers clefs, estime Xavier Driencourt. «Rien sur la relation militaire, sans doute peu de choses (ou toujours les mêmes) sur le plan économique ou commercial, des difficultés à prévoir pour ce qui concerne l’immigration, peu de choses sur le Sahel», énumérait-il.
«Atermoiements français sur le Sahara»
Depuis, le diplomate multiplie les sorties et messages de mise en garde. La dernière en date est une analyse publiée dans Le Journal du Dimanche, où il revient sur les messages ambivalents, sur fond de volonté de nuire, des dirigeants algériens à l’égard de la France. Exemple: «Le voyage du président Tebboune à Paris, reporté à deux reprises et remplacé par un surréaliste déplacement à Moscou, suivi de décisions provocatrices comme le communiqué algérien de soutien aux émeutes en France». Et, s’agissant du Sahel, «Moscou pourrait encourager Alger à se rapprocher à présent des putschistes de Niamey, comme de ceux de Bamako et Ouagadougou, toujours pour nous fragiliser», lit-on encore.
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Rappelons également que, dans une lettre ouverte publiée le 7 août dernier dans Le Figaro, 94 parlementaires issus de plusieurs bords politiques ont appelé le président Macron «à remettre à plat la politique de la France en Afrique». Le Royaume y occupe une bonne place. «Au Maroc, les atermoiements français sur le Sahara (alors que l’Espagne et l’Allemagne ont reconnu la souveraineté marocaine) et la politique d’équilibriste du Quai d’Orsay avec l’Algérie poussent le Palais royal à chercher ailleurs qu’à Paris des partenaires militaires ou économiques», peut-on y lire. Toujours plus nombreux donc, pareils appels sont également de plus en plus alarmistes et les propos de Sarkozy l’illustrent de bien des manières. Seront-ils entendus?