Le tournant historique opéré par l’Espagne sur le Sahara atlantique ne passe décidément pas à Alger. C’est sans doute le coup de trop, celui qui anéantit tous les efforts du régime algérien et réduit à néant l’escalade orchestrée contre le Maroc, en vue de bloquer ses percées diplomatiques. L’hystérie de la junte algérienne a atteint son point culminant après la rencontre, le 7 avril à Rabat, du président du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, avec le roi Mohammed VI. Cette rencontre a été sanctionnée par une déclaration conjointe qui ouvre une nouvelle page dans la relation entre les deux pays, en la projetant dans le XXIe siècle.
La lecture de cette nouvelle page enrage la vieille garde algérienne, dont la grille de lecture du monde reste ancrée dans le siècle précédent. Le régime algérien a activé un responsable au ministère des Affaires étrangères pour réagir à la visite de Pedro Sanchez à Rabat. Il s’agit du pathétique Amar Belani, qui porte un titre pompeux, celui d'«envoyé spécial chargé de la question du Sahara occidental et des pays du Maghreb». Cet homme, en fait un plumitif, scribouillard de son état, a remis le même entretien à deux journaux différents, l’un algérien, l’autre espagnol. L’entretien dans un journal algérien a été publié, sous le couvert de l’anonymat, par TSA qui cite un «haut responsable» algérien.
Les mêmes propos de ce haut responsable ont été publiés dans le journal espagnol Elconfidencial, mais cette fois-ci en révélant l’identité de leur auteur, Amar Belani himself, dans un article écrit par un journaliste défroqué d’El Pais, Ignacio Cembrero, auquel le tournant historique que vient de prendre son pays fait perdre tout sens de la mesure. Ayant visiblement perdu ses nerfs, Cembrero manifeste désormais dans toute sa splendeur sa véritable vocation: celle d’un militant anti-marocain.
Entre minimisation par les déclarations et maximisation par les actionsLes propos d’Amar Belani sont emblématiques d’une névrose patente du régime algérien: une disjonction entre les paroles et les actes. Alors que le régime algérien n’a eu de cesse de minimiser verbalement les succès diplomatiques du Maroc, ses actes disent tout le contraire. Pour Amar Belani, le tournant historique que vient de prendre l’Espagne n'engagerait que Pedro Sanchez et trois autres personnes seulement. «Les débats au congrès et les prises de position défendues par certains membres de la majorité gouvernementale montrent bien que cette décision est l’œuvre de quatre personnes [les deux premières sont Pedro Sanchez et son ministre des Affaires étrangères José Manuel Albares, Ndlr], dont un ancien chef du gouvernement [José Luis Rodríguez Zapatero, Ndlr] et un ancien ministre des Affaires étrangères [Miguel Ángel Moratinos, Ndlr], tous deux membres du PSOE et tous deux connus pour leurs accointances intéressées avec le makhzen institutionnel», assène Amar Belani.
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Il faut par ailleurs noter que c’est Ignacio Cembrero qui avait affirmé, dans un article antérieur à cette sortie médiatique d'Amar Belani, que la main de Zapatero ainsi que celle de Moratinos ont lourdement pesé dans la lettre adressée que Pedro Sanchez a adressée au roi Mohammed VI, dans laquelle il reconnaît que le plan d’autonomie est l’unique base sérieuse pour trouver une solution au différend du Sahara. Amar Belani fait donc son marché pour alimenter ses ragots chez Cembrero, et ce dernier reprend dans ses articles les propos qu’il a semés chez l’Algérien. Quelle symbiose entre ces deux hommes!
Le plus important est toutefois ailleurs. Quand l’administration américaine a reconnu la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, le régime algérien a minimisé cette décision en affirmant qu’il ne s’agissait là que d’un simple tweet de Donald Trump. Quand l’Allemagne a considéré le plan d’autonomie comme étant une option sérieuse, les porte-voix de la junte ont déclaré que c'était là une déclaration epsilon. Et quand l’Espagne a décidé d'opérer un tournant majeur sur le dossier du Sahara, le régime algérien a, lui, pointé du doigt une décision qualifiée de «personnelle» de Pedro Sanchez, aidé par deux anciens hauts responsables espagnols, présentés comme has been.
Or, tandis que les déclarations verbales du régime algérien tendent vers une minimisation des acquis du Maroc, ses actes, eux, se traduisent par une maximisation dans la réaction. Pour le seul cas de l’Espagne, dont la décision sur le Sahara ne serait que marginale, car n’engageant que quatre personnes selon les porte-voix du régime, l’Algérie a rappelé son ambassadeur à Madrid, menacé de réviser à la hausse les prix du gaz qu'elle exporte dans ce pays, et, dans sa dernière sortie médiatique, Amar Belani a parlé de l’imminence de «décisions douloureuses susceptibles d’être prises par l’Algérie dans le cadre d’une réponse globale à ce revirement opportuniste et félon».
Commentant cette dichotomie entre les paroles et les actes, une source de la diplomatie marocaine, ayant requis l’anonymat, reconnaît «l’existence, en Algérie, d’un gap entre la façon dont le régime présente les décisions majeures de pays sur le Sahara et la façon dont il réagit à ces mêmes décisions». Selon cette source, «l’Algérie doit juste être claire: si elle perd du terrain, elle est en droit de protester auprès de ces pays, mais elle ne peut pas d’un côté minimiser les acquis du Maroc, et de l'autre, prendre des décisions fortes».
Où est la presse algérienne?A quelques rarissimes exceptions, la minimisation des percées diplomatiques du Maroc est relayée à l’unisson par la presse algérienne. Il n’y a pas d’avis discordants dans la presse algérienne, qui parle d’une seule voix: celle du régime. Les très rares journaux algériens qui pouvaient oser de timides écarts de la version officielle sont contraints à la fermeture. Le dernier en date est le quotidien Liberté, propriété du milliardaire Issad Rebrab, qui va cesser de paraître la semaine prochaine. La chape de plomb dans le pays sera alors totale.
Quand le Maroc était en crise avec l’Espagne et l’Allemagne, il y avait des journaux marocains qui critiquaient la politique marocaine, s’interrogeant sur le bien-fondé de ses décisions. La diplomatie marocaine était confrontée à des avis, à des interpellations qui permettaient au moins d’éclairer l’opinion publique. Cette remise en question de la version officielle du régime algérien est quasi-inexistante dans la presse algérienne. Le totalitarisme politique englobe aussi celui de l’opinion.
La diplomatie de l’adolescent boudeurA lire la presse algérienne, l’Espagne sera punie, et pour lui faire regretter sa décision sur le Sahara, l’Algérie n’aura d’yeux que pour l’Italie. Demain, lundi 11 avril, le premier ministre italien, Mario Draghi, se rend à Alger suite à une invitation du président Abdelmadjid Tebboune. Le régime algérien déroulera le tapis rouge au chef du gouvernement italien qui ne se fera pas prier pour arracher ce qu’il peut, quasi-exclusivement en matière de gaz, à un hôte qui proclame sur tous les toits un tropisme désormais italien.
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Voici donc, ici, une illustration parfaite de la politique menée par la junte algérienne, qu'il n'est possible que de qualifier d'épidermique. Une politique qui se définit avant tout par rapport au Maroc. L’Espagne reconnaît le plan d’autonomie marocain? Eh bien, voilà que l’Espagne est boudée, et pour mieux lui faire regretter ses bonnes dispositions envers Rabat, les gérontes s'en vont faire des déclarations enflammées à l’Italie, et lui proposent de lui vendre le plus de gaz possible, à des prix inférieurs à ceux pratiqués avec l’Espagne. Le moins que l'on puisse dire, c'est que cela ne vole pas très haut. Cela vole d’autant plus bas, que l’Algérie n’a vraiment pas les moyens de sa politique d’adolescent en pleine crise boutonneuse, très contrarié.
Avec une consommation interne en constante croissance, de vieilles installations obsolètes, qui pâtissent d’un régime qui préfère la rente immédiate à son prolongement dans le temps par des investissements, le régime algérien ne peut, en réalité, augmenter sa production de gaz que de façon très marginale. Il ne pourra donc absolument pas suppléer à la dépendance de l’Italie au gaz russe, la Russie étant le premier fournisseur de cet hydrocarbure à ce pays méditerranéen.
De plus, promettre à l’Italie un amour exclusif, serait-ce là une raison suffisante pour que Rome initie une politique hostile envers Rabat? Le Royaume et l’Italie sont liés par un partenariat stratégique multidimensionnel, signé en novembre 2019. Dans la déclaration qui a fait suite à ce partenariat, «l’Italie [a] salué les efforts sérieux et crédibles menés par le Maroc en vue de la résolution du différend régional sur le Sahara». Entre les lignes, il est facile d'y déceler comme un parfum d'accord envers le plan d’autonomie proposé par le Royaume...
Et si l’Italie, en tant qu’Etat souverain, en venait à appuyer à son tour le plan d’autonomie, que ferait alors l’Algérie? Bouder encore? Crier à la trahison avec des accents dignes d’un opéra italien? Parachever son isolement régional? Tout cela est décidément bien puéril, et relève davantage de la névrose que d’une politique d’Etat.
Interrogée par Le360 sur la suite à donner aux gesticulations du régime algérien, cette source de la diplomatie marocaine affirme encore que «sur la recommandation de pays amis, le Maroc a souvent fait, par le passé, des concessions à l’Algérie, au motif qu’il était en position de force. Ces concessions n’ont rien donné. Bien au contraire, elles ont encouragé le régime algérien dans son hostilité contre les intérêts marocains». Et ce même interlocuteur d'émettre ce message: «quelle que soit la position de force où il se trouve, le Maroc est aujourd’hui déterminé à ne plus faire aucune concession au régime algérien. A l’Algérie de décider si elle veut prendre le train en marche. Si elle le prend, tant mieux. Si elle ne le prend pas, le train arrivera à destination sans elle». Encore faut-il que les gérontes au pouvoir acceptent de se remettre en question. Pas sûr...