La sortie est pour le moins hasardeuse et d’une rare violence, puisqu’elle concerne un ministre qui s’adresse à un investisseur étranger. Elle n’a cependant rien d’étonnant quand on sait que le responsable en question n’est autre qu'Ali Aoun, ministre algérien de l’industrie pharmaceutique, et que son coup de sang incontrôlé vise la filiale locale du groupe saoudien Tabuk, dont le pays d’origine est un fervent soutien à la marocanité du Sahara.
Il aura ainsi suffi que les responsables de Tabuk Pharmaceuticals Algérie aient eu «l’outrecuidance» de recevoir, lundi 16 janvier à Blida, le ministre algérien avec une carte intégrale du Royaume du Maroc pour qu’une véritable tempête, faite de propos humiliants et d’insultes à peine voilées, s’abatte sur eux. Une démonstration, encore une, de la folie furieuse qui gagne toutes les strates du pouvoir algérien quand il est question du Maroc.
Ce mercredi, nous vous rapportions le stade ultime de l’hystérie qu’a atteint le ministre algérien lors de sa visite dans les usines de Tabuk, et ce, à la simple vue de la carte du Maroc comprenant son Sahara. Pris d’une crise de nerfs, Aoun a, séance tenante, ordonné aux dirigeants du groupe de changer «rapidement» ladite carte de manière à ce qu’une ligne de démarcation sépare les provinces du Sud du reste du Royaume.
«La carte doit être corrigée rapidement. Vous êtes en Algérie et vous connaissez bien la position de l’Algérie sur l’affaire entre le Maroc et le Sahara occidental. Rapidement. Il ne faut plus présenter ce type de carte», a tancé le ministre algérien, remonté comme jamais. Intempestive, irréfléchie, sa «remarque» a aussi cette charge de mépris, et de méprise, qu’on ne retrouve plus que chez les dirigeants algériens.
Ainsi lancé, le ministre algérien n’allait pas s’arrêter en si bon chemin. La suite de sa prise de parole à l’adresse du top management de Tabuk Algérie est un morceau d’anthologie en matière de logique anti-économique. À l’heure où tous les pays du monde s’arrachent le moindre dollar d’investissement étranger, dans une conjoncture économique aussi dure, lui juge que le groupe saoudien n’en fait pas assez avec ses 16 millions de dollars injectés dans une économie algérienne en manque de diversification et otage de ses recettes exlusivement issues des hydrocarbures.
Aoun n’en a que faire, la filiale du groupe saoudien s’étant rendue coupable de l’impardonnable en terre algérienne: dire, ou ne serait-ce que suggérer, à travers une carte que le Sahara est, évidemment, marocain. Quand on sait qu’Alger ne cesse de marteler à longueur de journée que la question du Sahara ne la concerne pas, refusant même de prendre part aux tables rondes décidées par le Conseil de sécurité de l’ONU, il y a comme un grand souci de cohérence. Mais la junte n’est pas à une contradiction près. Et puis, qui peut le plus, peut le moins.
En matière de «plus», le ministre algérien a poussé le ridicule jusqu’à contester l’existence même des unités de production de Tabuk en Algérie, alors que celles-ci ont fait l’objet d’accords, d’accompagnement et de facilités de la part des autorités et que le projet est né il y a de cela 7 ans. «Un tel montant d’investissement est indigne d’un aussi grand groupe comme Tabuk. Le cadet des investisseurs algériens est capable de l’apporter. Il faut revoir vos capacités sur ce registre. L’état actuel des choses est inacceptable. Nous voulons un autre projet, un nouvel investissement, qui soit respectable», a-t-il crié.
On passera sur le manque total d’élégance, de savoir-vivre et même de savoir-être, car il y a mieux: le délai pour le moins intenable fixé à Tabuk pour arriver avec ce nouveau business plan, à savoir la fin du premier semestre de cette année 2023. De plus en plus en forme, le ministre algérien de l’Industrie pharmaceutique a poussé le bouchon encore plus loin: «Que produisez-vous en Algérie? Du shampooing? L’Algérie n’a pas besoin de shampooing. Débarrassez-nous-en, quels que soient les vertus thérapeutiques et les usages médicaux auxquels ce produit est destiné. Nous avons besoin de traitements contre le cancer, contre le diabète.» Comme si, jusqu’ici, Tabuk agissait clandestinement et qu’on peut, du jour au lendemain, changer de taille d’entreprise ou encore de ligne de production. Si ce n’est pas du populisme à l’état primitif, on se demande bien ce que cela pourrait être comme posture.
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Déjà fin expert en industrie pharmaceutique, visiblement allergique aux shampooings et autres produits d’hygiène, Aoun se veut aussi une référence en politique de change. Il a reproché, à ce titre, à la filiale algérienne de Tabuk d’importer des matières premières et autres intrants de l’étranger «en devises» et de rapatrier ses bénéfices à la maison mère «en devises». Il oublie que c’est le propre de tout investissement étranger, et qu’en matière d’intrants, il y a lieu de créer un écosystème et de favoriser le taux d’intégration.
Mais il ne faut pas non plus trop en demander à un aussi brillant ministre, tout juste animé par sa volonté d’effacer sa propre ardoise, puisqu’il a été auparavant accusé de corruption, associé au scandale de la banque Khalifa, et condamné à une peine de prison, avant de bénéficier d’un acquittement. Une forme d’avance sur ses bons et loyaux services, mais qui servent uniquement le maintien d’un régime en fin de vie.
Et puisque le ridicule ne tue pas, Aoun a ordonné, avec effet immédiat, qu’une partie de la production soit destinée à l’export pour couvrir les pertes en devises dont la filiale de Tabuk est responsable. Mais sur les marchés potentiels et tout le dispositif à mettre en place, il est resté muet: «Ce que je vous dis est une instruction officielle. Le shampooing, il suffit. Dites-le à la bande de Tabuk: l’Etat algérien n’est pas satisfait de ce qui se fait en Algérie.» Tout est de savoir comment le groupe, l’Arabie saoudite et tous les investisseurs du monde vont interpréter de telles carabistouilles. Dépourvues de la moindre once de bon sens. Ainsi va l’Algérie.