Les constitutionnalistes sont unanimes sur un point: le Maroc fait exception parmi les pays du monde par la place que sa loi suprême réserve à l’opposition dans l’animation de la vie politique nationale. L’un des articles les plus étoffés de la Constitution de 2011 énonce noir sur blanc les droits de l’opposition.
«La Constitution garantit à l’opposition parlementaire un statut lui conférant des droits à même de lui permettre de s’acquitter convenablement de ses missions afférentes au travail parlementaire et à la vie politique», lit-on dans l’Article 10 qui précise, plus loin, que «les groupes de l’opposition sont tenus d’apporter une contribution active et constructive au travail parlementaire».
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Mais nous sommes loin, très loin de cet idéal. À l’heure actuelle, on ne dispose pas de contre-pouvoir, un vrai, au Parlement. Fort d’une imposante supériorité numérique, Aziz Akhannouch et ses ministres sont davantage à l’aise face à une opposition qui tâtonne. Et surtout en rangs dispersés. Au sein de l’actuelle opposition, personne n’aime personne et chacun cherche à tirer la couverture vers lui.
Une opposition sans dénominateur commun
Écrasée par une majorité numériquement très forte, l’opposition manque de dénominateur commun, comme le relève Ahmed El Bouz, politologue et professeur de sciences politiques à l’Université Mohammed V de Rabat. Une idéologie de gauche pour l’Union socialiste des forces populaires (USFP) et le Parti du progrès et du socialisme (PPS), un référentiel islamique pour le Parti de la justice et du développement (PJD) et une tendance libérale pour le Mouvement populaire (MP). Et tous ces partis partent avec de lourds handicaps.
Si le MP n’a historiquement pas l’habitude de se retrouver sur les bancs de l’opposition, le PJD n’arrive toujours pas à digérer, voire décrypter, ce que le politologue appelle le «drame électoral de 2021».
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«En principe, c’est le PJD qui aurait dû être la locomotive de l’actuelle opposition, mais ce n’est pas le cas au grand bonheur du gouvernement», estime Ahmed El Bouz qui porte aussi un regard critique sur la composition des groupes parlementaires de l’USFP et du PPS. «Les parlementaires de ces deux partis ne sont pas, pour la plupart, des militants, mais des notables recrutés pour remporter les élections», affirme le politologue.
Ce mercredi 8 mai, l’opposition a une chance de se ressaisir. À la Chambre des représentants, les élus vont entamer le débat autour du bilan à mi-mandat du gouvernement Akhannouch.
Le choc des égos
«Il y a un grand malaise au sein des composantes de l’opposition et cela devient très grave quand on personnalise les choses», admet un membre dirigeant d’une formation de l’opposition.
Depuis les élections de 2016, l’USFP et le PJD ont rompu les ponts à cause des attaques de Abdelilah Benkirane contre Driss Lachgar. Entre les socialistes et le reste de l’opposition, les relations se sont davantage envenimées quand l’USFP a mis en route le projet d’une motion de censure contre le gouvernement Akhannouch.
«Avant de lancer une telle initiative, il fallait ouvrir un large débat incluant non seulement les autres partenaires de l’opposition, mais aussi une sorte de front social composé des syndicats, de la société civile et des forces politiques non représentées au Parlement», commente un leader de l’opposition parlementaire.
«Quand Driss Lachgar, chef de file de l’USFP, a vu son initiative tomber à l’eau, il s’est mis à dénigrer tous les partis de l’opposition et publiquement lors de plusieurs rencontres et meetings de son parti», poursuit notre interlocuteur.
Entre l’USFP et le MP, c’est une autre guerre qui a eu lieu après le début de la session du printemps. Les deux formations convoitaient la commission de la justice et chacun campait sur ses positions. Il aurait fallu les bons offices de Nabil Benabdallah, SG du PPS, pour calmer les esprits et trouver un consensus permettant aux socialistes de prendre la présidence de ladite commission et aux harakis celle de la commission des infrastructures de base, de l’énergie, des mines et de l’environnement.
Ressouder les rangs: mission impossible?
Au PPS, les dirigeants appellent à une sorte de contrat entre les diverses composantes de l’opposition permettant un minimum de coordination. «Au-delà des clivages politiques, l’opposition a intérêt à parler d’une seule voix, ne serait-ce que sur des points précis ou à l’occasion de débats autour de certains projets de loi», souligne Karim Tej, membre du Bureau politique de la formation du Livre. «Autour de l’action du gouvernement, nous avons la possibilité de trouver un terrain d’entente avec le PJD, comme nous pourrons nous déclarer la guerre sur d’autres questions comme la réforme du Code de la famille», poursuit le jeune dirigeant.
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Mais, pour le moment, chacune des formations de l’opposition continue de faire cavalier seul. Et le gap se creuse au fil des sorties médiatiques des uns et des autres.
Le gagnant demeure évidemment le gouvernement Akhannouch et ses ministres qui peuvent accumuler à l’envi les ratages, snober l’institution législative et s’inviter sur des plateaux de télévision sans réels contradicteurs.
Abdellah Bouanou, président du groupement PJD.