«Ne pas algérianiser le Maroc». Cette célèbre phrase prononcée par Hubert Lyautey à son arrivée au Maroc, en 1912, a une profonde signification. Elle montre que le Résident général de France ne voulait pas voir le Maroc géré à la manière de l’Algérie.
Après la défaite militaire française de 1870 devant la Prusse, en Algérie, le régime civil républicain succéda au régime militaire. Son jacobinisme, le mépris qu’il afficha pour les populations indigènes et son laïcisme qui fit passer ses représentants pour des mécréants aux yeux des musulmans exercèrent des ravages et provoquèrent un traumatisme.
Les décrets du 24 octobre 1870 placèrent l’Algérie sous l’autorité d’un Gouverneur général civil dépendant du ministre de l’Intérieur Adolphe Isaac Crémieux.
Ce dernier fit un véritable procès en sorcellerie aux Bureaux arabes, les accusant de «politique antinationale» pour s’être opposés à l’extension de la colonisation terrienne. Par le décret du 24 décembre 1870, le Bureau politique et ses subdivisions furent supprimés, décapitant un corps ensuite vidé de sa substance par le décret du 1er janvier 1871, qui le transforma en Bureau des Affaires indigènes, le cantonnant aux Territoires du Sud, là où le colonat était inexistant.
Puis l’Algérie fut assimilée à la France métropolitaine dont elle constitua trois départements. En 1881, avec le Code de l’indigénat, ses habitants autochtones furent dotés d’un statut particulier, puisqu’ils devinrent en quelque sorte les sujets de la République française, cependant que les Français et les juifs étaient des citoyens à part entière. Plus exactement, la population de l’Algérie fut alors répartie en trois catégories: les Français de souche ou les Européens nés en Algérie, les juifs assimilés aux Français et les Français musulmans.
Le décret du 26 août 1881 retira ce qui restait de personnalité à l’Algérie avec la mise en place du système des «rattachements» qui enleva ses derniers pouvoirs au Gouverneur général. Chacun des grands services administratifs d’Algérie fut directement placé sous l’autorité des ministères parisiens, chaque administration n’étant plus qu’un bureau détaché.
À partir de 1892, le système des «rattachements» fut dénoncé devant le Parlement par les élus d’Algérie eux-mêmes, tant les lourdeurs administratives et l’incompétence des administrations parisiennes entravaient les initiatives locales. Il fallut cependant attendre le Gouverneur général Jules Cambon, en poste d’avril 1891 à septembre 1897, pour que le système soit enfin aboli par le décret du 31 décembre 1896 qui adoptait une timide forme de décentralisation.
La période de l’assimilation administrative étant terminée, la décentralisation se fit ensuite en trois étapes:
- Le décret du 23 août 1898 définit les nouveaux pouvoirs du Gouverneur général puis les délégations financières, etc.
- La loi du 19 décembre 1900 dota l’Algérie de la personnalité civile.
- La loi du 24 décembre 1902 aménagea une circonscription distincte, celle des Territoires du Sud. À cette époque, le Sahara n’était donc pas encore rattaché à l’Algérie et il ne le sera d’ailleurs que dans les dernières années de l’Algérie française.
Pour le législateur, l’Algérie n’était donc plus un simple prolongement de la France, car il reconnaissait qu’elle avait un caractère propre. Cependant, elle n’avait aucune autonomie politique ni financière. La gestion était certes décentralisée, mais elle demeurait étroitement subordonnée aux pouvoirs publics métropolitains.
Différente fut la politique suivie au Maroc par Lyautey. Respectueux des institutions et des autorités marocaines, il se qualifiait même de «premier serviteur du Sultan».