Une figure imposée pour cette série consiste à brosser un tableau du personnage et donner une idée sur son département. Pour cet épisode, il s’agit de Abdelaziz Rebbah, l’une des personnalités les plus influentes du parti qui dirige actuellement le gouvernement, à la tête d’un super-ministère regroupant trois départements au budget relativement modeste.
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Abdelaziz Rebbah est arrivé dans son nouveau département ministériel débordant d’énergie. Il s’est tout de suite lancé dans l’élaboration d’un cadre législatif à propos de l’exploitation du gaz naturel, une loi très attendue qui devait amorcer effectivement un plan gazier pour le Royaume, qui a tendance à libérer son potentiel en matière de production gazière, un potentiel qui se révèle au fil des découvertes de gisements dans le Gharb.
Dès le mois de décembre 2017, Rebbah a soumis une première mouture de ce texte législatif visant à accompagner la réalisation des infrastructures de gaz naturel encore très peu développées au Maroc et surtout, à pouvoir contrôler les différentes activités qui forment la chaîne gazière: l'importation, la regazéification, le stockage, le transport et la commercialisation…
Sauf que ce fameux projet de loi, portant le numéro 94-17, relatif au secteur aval du gaz naturel n’a pas encore pas vu le jour… Alors même que le mandat du ministre touche à sa fin. «La dernière fois que nous avons entendu parler de cette loi, c’était quand le Conseil de la concurrence s’est réuni en plénière suite à une saisine du gouvernement», nous explique un opérateur du secteur des hydrocarbures.
Projet bloquéCe goût d’inachevé se laisse d’ailleurs ressentir de manière récurrente dans l’action gouvernementale de Rebbah. Un autre projet de loi, là aussi initié par le ministre, est d’ailleurs toujours bloqué dans les méandres de l’appareil législatif.
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Déposé en novembre dernier au Secrétariat général du gouvernement, l’avant-projet de loi relatif à l’autoproduction de l’énergie électrique a entraîné une levée de boucliers des professionnels des énergies renouvelables. Et pour cause: ce texte, qui réglemente la production d’électricité pour des besoins d’autoconsommation, introduit de nombreuses nouvelles procédures.
«Ce nouveau texte prévoit tout un parcours du combattant pour l’octroi de la demande de raccordement de l’installation en autoproduction au réseau national», s’offusque un membre de l’Association marocaine des industries solaires et éoliennes (Amisole). «Déjà que loi 13-19, régissant l'activité hydrocarbures, est encore en attente de plusieurs décrets d’application…», ajoute ce professionnel, qui estime le manque à gagner engendré par le retard sur l’autoproduction à quelque 80 milliards de dirhams.
Opportunité ratéeMême dans la gestion de la crise sanitaire, sur le plan énergétique, le ministre a laissé filer certaines opportunités. Certes, il a veillé à assurer la continuité des approvisionnements du Royaume en produits énergétiques. Il a d’ailleurs effectué plusieurs visites de terrain (très médiatisées, comme il les aime) pour veiller à s’assurer que les dispositions nécessaires sont prises pour que les Marocains ne manquent ni d’électricité ni de gaz, même en plein confinement.
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Toutefois, Rebbah a raté le coche en matière d’optimisation des stocks énergétiques. Son département est resté plutôt laxiste à ce propos, précisément dans le contexte de l’effondrement des cours du pétrole. «Le Royaume aurait gagné à reconstituer et à renforcer ses stocks en brut à moindre coût», explique ce professionnel, qui regrette que les silos de stockage de la raffinerie «La Samir» n’aient pu être mobilisés à temps. «Nous avons fait aussi rapidement que nous avons pu et nous avons obtenu une autorisation de justice dès le mois de mai 2020», tente, pour sa part, de se dédouaner l’un des cadres du ministère de l’Energie.
Toutefois cet épisode vient rappeler que le programme d’investissement pour l’augmentation de la capacité de stockage des hydrocarbures, arrêté pour la période 2017-2022, a avancé au ralenti. Le dernier bilan présenté par Rebbah, à l’été dernier, faisait état de l’installation de nouvelles capacités de l’ordre de 206.000 mètres cubes pour un montant d’investissement de 415 millions de dirhams. Cela correspond à des taux de réalisation respectifs d’à peine 20% et 13%, par rapport aux objectifs initiaux.
Efficacité politiqueEn matière d’efficacité énergétique, Aziz Rebbah se contente de capitaliser sur des programmes qui avaient été lancés bien avant son arrivée à ce département. Des programmes nationaux traitant des constructions, de la généralisation des chauffe-eaux solaires, de l’optimisation de l’éclairage public remontent tous à l’année 2015. Des chantiers qui se poursuivent encore, mais son département ne communique que très rarement sur les réalisations, tellement celles-ci sont loin des ambitions affichées initialement.
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«Il a fallu des années de sensibilisation pour que l’on puisse obtenir enfin une exonération de TVA sur les chauffe-eaux solaires, mais quand elle a fini par arriver, la formulation dans la loi de finances 2021 a été telle que cette exonération s’est transformée en surcoût, sachant qu’elle ne s’appliquait qu’à la TVA intérieure et ne donnait pas droit à déduction», se désole un membre de l’Amisole, pour illustrer les couacs et les incohérences de ce genre de programmes.
En fait, il faut reconnaître que l’efficacité dont sait faire preuve Abdelaziz Rebbah est plus d’ordre politique. Ses déboires judiciaires, en tant que maire de Kénitra, marqués par un scandale financier qui a fini devant le tribunal de crimes financiers, n’ont pas déteint sur sa position, ni au sein de son parti, ni au sein du gouvernement.
Même quand il s’agit de fiasco, Aziz Rebbah sait habilement manœuvrer, de manière à n’en endosser aucune responsabilité. Quand le Royaume n’a pas réussi à réaliser l’objectif d’atteindre une part de 42% en 2020 des énergies renouvelables, c’est le patron de Masen qui a subi les foudres du mécontentement royal, sanctionné par un communiqué officiel.
Quelque jours plus tard, Rebbah a même trouvé le moyen de se positionner en sauveur, pour annoncer devant les conseillers de la deuxième Chambre que «les quelques retards relevés par le souverain seront vite rattrapés par l’équipe».
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Dans sa méthodologie de travail, Abdelaziz Rebbah adore installer des commissions et établir des feuilles de route. Quand il s’agit d’hydrogène vert, il a pris de court l’agence Masen pour nommer une commission nationale pour la préparation d’un plan d’action. En matière d’économie bleue, là aussi, il a également mis sur pied, en janvier dernier, une commission spécialisée pour élaborer une autre feuille de route pour le développement de l’énergie des courants marins.
«Il pourra toujours se vanter qu’il a été à l’origine de ces projets, quand ils prendront forme dans quelques années, alors que sa contribution s’est limitée à annoncer des commissions qui, sous son ère, restent quasiment non-opérationnelles. Jusqu’ici d’ailleurs, aucune production intellectuelle ou ébauche de projets n’est portée à l’actif de ces deux commissions», souligne cette source du département de l’Energie.
Pour finir, dans l’autre département dont il a la charge, celui de l’Environnement, le ministre a des habitudes bien différentes. Dans son bureau du quartier de Hay Riad, il préfère démarrer très tôt ses journées. «Il vient y prendre son petit-déjeuner: du thé au safran, de l’huile d’olive et parfois des œufs beldis», raconte un vieux routier de ce ministère. En la matière néanmoins, son bilan reste assez maigre. Sa réalisation environnementale phare ne se limite qu’à des sanctions judiciaires incluses dans le cadre de la loi relative à l'évaluation environnementale (49/17) par les bureaux d’études. Sans doute là une manière pour ce cador du PJD de montrer qu’il sait serrer la vis quand il veut…