Maroc-France: le nouvel Accord de coopération judiciaire entré en vigueur?

Abdellatif Hammouchi, directeur de la DGST et de la DGSN.

Abdellatif Hammouchi, directeur de la DGST et de la DGSN. . DR

En transmettant la plainte déposée contre Abdellatif Hammouchi par Zakaria Moumni, comme l’affirme l’AFP, la justice française entérine les termes de la nouvelle Convention d’entraide judiciaire franco-marocaine. Une nouvelle qui a quoi surprendre le ministre de tutelle lui-même.

Le 19/05/2015 à 16h19

«Au terme de son enquête préliminaire dans le dossier Moumni, le Parquet de Paris a envoyé aux autorités judiciaires marocaines une dénonciation officielle aux fins de poursuites sur les faits […] présumés de torture visant le patron du contre-espionnage marocain (DGST), a appris l'AFP de source judiciaire», peut-on lire dans une dépêche de la très «pertinente» agence de presse, relayée par plusieurs médias. Il fallait bien s’y attendre: tout au long de cet interminable feuilleton de science-fiction, monté par le maître-chanteur Zakaria Moumni, le traitement de l’AFP a été tendancieux, voire accablant à l’égard du responsable sécuritaire marocain. Et là encore, la prestigieuse agence passe à côté de l’information principale, privilégiant un angle qui fait passer le patron des services de sécurité marocains pour un simple tortionnaire…

Et pour cause, en révélant que le dossier de plainte contre Hammouchi a été transmis à la justice marocaine, l’AFP admet de facto que le pouvoir judiciaire français se soumet aux termes de la nouvelle Convention judiciaire signée entre le ministre Mustapha Ramid et la gardienne des sceaux Christiane Taubira, le 31 janvier dernier. Pour rappel, l'un des principaux amendements introduits à cet accord d’entraide judiciaire (après un gel qui a duré environ un an), est notamment la priorité donnée au système judiciaire marocain «pour enquêter sur tout crime ou délit commis au Maroc, même si la victime est française, dès lors qu'un ressortissant marocain est potentiellement mis en cause».

Il s’agit donc d’un rétablissement de souveraineté du royaume qui n’a jamais demandé l’impunité pour ses responsables, comme voudraient le faire croire certains médias français, mais juste un traitement équitable des plaintes dont ils pourraient éventuellement faire l’objet. Cela permettrait d’éviter des crises diplomatiques enclenchées à la suite de vraies-fausses plaintes initiées par des parties hostiles aux intérêts des deux pays. D’ailleurs, le ministre de la Justice, Mustapha Ramid, déclare à Le360 que, au cas où cette plainte contre Hammouchi serait transmise à la justice marocaine, celle-ci ferait le plus normalement du monde son travail.

M. Hammouchi serait ainsi mis en examen par la justice de son pays, car son statut de patron du renseignement, tout fraîchement promu directeur de la DGSN, ne lui procure aucune immunité. Mais M. Moumni, qui se dérobe aux convocations de la justice marocaine dans le cadre d’affaires de diffamation, devra se présenter à la barre afin de convaincre des magistrats que le numéro 1 du renseignement n’a rien à faire de ses journées que d’assister personnellement à une présumée séance de torture dont un escroc aurait fait l’objet. Bon courage…

Le hic, c'est que le ministère marocain de la Justice n’a, à l'écriture de ces lignes, toujours rien reçu de la part de son homologue français, contrairement aux affirmations de l’AFP. Peut-être est-ce simplement un décalage entre l’engagement de cette procédure en France et la réception du dossier au Maroc? Cela n’est pas à exclure, sachant que l’AFP va parfois plus vite que la musique… Surtout quand il s’agit de ce genre de dossier où elle a un parti pris.

Par Mohamed Chakir Alaoui
Le 19/05/2015 à 16h19