L’entrisme et les pressions du régime d’Alger dans l’Hexagone mis à nu par le renseignement français

Photographie d'une étoile et un croissant sur le toit de la Grande mosquée de Paris le 13 octobre 2022. AFP or licensors

Une note récente de la Direction nationale du renseignement territorial français (DNRT) révèle une stratégie, initiée par le duo Chengriha-Tebboune, de manipulation de la diaspora pour déstabiliser l’ancienne puissance occupante. Triptyque de cette politique de la haine: le Sahara marocain, la rente mémorielle et…la Grande mosquée de Paris.

Le 27/01/2025 à 12h57

Les révélations sont faites par Le Journal du Dimanche dans sa dernière édition. Il s’agit d’une note de la Direction nationale du renseignement territorial - la filière renseignement de la Police nationale - à laquelle le magazine hebdomadaire français a eu accès et qui en dit long sur la stratégie d’entrisme et de déstabilisation menée par le régime algérien dans l’Hexagone. Une stratégie qui repose essentiellement sur la diaspora algérienne, mise en lumière ces dernières semaines par les arrestations en cascade d’influenceurs algériens sur le sol français. Véritables porte-voix du régime d’Alger, ces derniers n’hésitent pas à brandir des menaces de meurtre et d’attentat, tantôt pour effrayer les opposants algériens en Europe, tantôt pour intimider les autorités françaises.

«Longtemps ignorée, la diaspora algérienne en France a désormais droit aux meilleurs égards de l’autre côté de la Méditerranée. Président fragilisé à la tête d’un pays en difficulté, tonton Tebboune - ainsi que le surnomment affectueusement ses partisans - voit dans cette communauté de 2,6 millions de personnes, dont 815.000 inscrits sur les listes électorales, un moyen de consolider son pouvoir ainsi qu’un instrument de déstabilisation de l’ancien pays colonisateur», lit-on.

Selon la note en question, tout a commencé avec l’arrivée au pouvoir de Abdelmadjid Tebboune en 2019. Rapidement, le renseignement français identifie plusieurs personnes susceptibles de jouer le rôle d’émissaires d’Alger. Le tournant s’opère à l’approche des élections législatives algériennes de juin 2021. En mars de la même année, Abdelmadjid Tebboune crée l’Observatoire national de la société civile (ONSC), un organisme destiné à relayer les positions du pouvoir auprès de la diaspora. Les résultats sont décevants et le soutien espéré se transforme en ouverte hostilité. Les trois députés élus proviennent tous de l’opposition.

«Mais le pouvoir algérien a de la ressource. À défaut de conquérir les urnes, il tente de conquérir les esprits en poussant fortement certains sujets», écrit le JDD. Le triptyque de cette nouvelle offensive est tout trouvé. Il y a d’abord la question du Sahara marocain. «En pointe sur ce sujet, le Mouvement dynamique des Algériens de France (Moudaf), dont le fondateur Nasser Khabat est lui-même membre de l’ONSC, organise ponctuellement des opérations en faveur des indépendantistes sahraouis», lit-on encore. Le récent appui de la France à la marocanité du Sahara a prouvé l’inefficacité de l’approche. Mais qu’à cela ne tienne. La mobilisation des relais d’influence d’Alger présents en France a gagné en intensité, dressant régulièrement un parallèle avec la colonisation de la Palestine.

L’arme de la Grande mosquée

Il y a également une très fertile rente mémorielle. «Une telle démarche est de nature à renforcer l’entre-soi dans un pays qui peine à intégrer sa population étrangère ou issue de l’immigration, notamment algérienne, sur fond de rancœur», souligne la note.

Pour la DNRT, le pouvoir algérien ne se contente pas des «influenceurs» pour distiller son venin. Il fait également banco sur un maximum de représentations de ses appuis en France, notamment au travers des mairies, et sur les instances de représentation, notamment de l’Islam en France. Parmi les priorités, le contrôle de davantage de mairies françaises, dont une liste a été dressée. Objectif: orienter les grandes décisions de la France en faveur de l’Algérie.

À cela s’ajoute le rôle central joué par la Grande Mosquée de Paris, étroitement liée au régime d’Alger. Lors de l’élection présidentielle de septembre 2024, son recteur, Chems-Eddine Mohamed Hafiz, a été désigné coordinateur de la campagne de Tebboune en France. Selon la DNRT, l’implication de cette institution religieuse, directement ou à travers des structures dédiées, illustre «une intensification de la stratégie d’influence du pouvoir algérien et ouvre un nouveau chapitre dans sa mise en œuvre».

Depuis les années 1980, la Grande Mosquée de Paris bénéficie d’un financement annuel d’environ deux millions d’euros de la part de l’État algérien. Tous ses recteurs sont originaires d’Algérie, ce qui lui a valu le surnom de «seconde ambassade d’Algérie». Chawki Benzehra, lanceur d’alerte, a d’ailleurs accusé Chems-Eddine Mohamed Hafiz d’être un «agent d’influence du régime algérien» engagé dans «une campagne de déstabilisation de la France», en contrepartie de privilèges financiers et autres passe-droits.

Un article récent du journal L’Opinion a mis en lumière un système monopolistique de certification halal des produits européens destinés au marché algérien, attribué à la Grande Mosquée de Paris avec le soutien des autorités algériennes. Ce dispositif, assimilé à une «taxe obligatoire», aurait généré environ 5 millions d’euros pour la seule année 2024. Cette situation a suscité des réactions: l’eurodéputé François-Xavier Bellamy a alerté la Commission européenne, tandis que le député Matthias Renault a annoncé saisir la procureure de Paris en dénonçant ce qu’il qualifie d’«extorsion».

Par Tarik Qattab
Le 27/01/2025 à 12h57