L’Algérie et les Touaregs

Bernard Lugan.

Bernard Lugan.

ChroniqueL’Algérie surveille jalousement tout ce qui se passe dans la zone saharo-sahélienne car, pour elle, les logiques de chaos qui y développent des foyers d’instabilité menacent directement sa propre stabilité et sa sécurité.

Le 26/09/2023 à 11h00

Un simple regard sur une carte suffit à comprendre que la question sahélo-saharienne concerne directement l’Algérie. La France lui a offert une profondeur désertique qu’elle n’avait jamais possédée auparavant, puisque l’État algérien n’existait pas et que ces régions ne furent jamais contrôlées par la Régence turque.

Dans ces immensités sahariennes vivent les Touaregs, nomades berbères qui, par le passé, n’ont jamais dépendu d’États régionaux.

Les Touaregs algériens appartiennent à trois confédérations, dont une seule, celle du Hoggar, a son territoire, c’est-à-dire ses anciennes zones de nomadisation, entièrement en Algérie. Tel n’est pas le cas des Kel Adrar, (les Iforas) qui débordent de l’actuelle Algérie pour s’étendre sur tout le nord de l’actuel Mali, et des Kel Ajjer, dont une partie du territoire est situé en Libye. Séparés de leurs frères algériens, les Touaregs libyens ont, quant à eux, éclaté en trois groupements (Oubari, Ghat et Targa).

L’Algérie surveille jalousement tout ce qui se passe dans la zone saharo-sahélienne, car, pour elle, les logiques de chaos qui y développent des foyers d’instabilité menacent directement sa propre stabilité et sa sécurité. D’autant plus qu’en 2003, pourchassés par les forces de sécurité algériennes, certains groupes islamistes ont trouvé refuge au Sahara, et précisément en zone touareg. En 2007, ils se sont affiliés à Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), mouvement lui-même issu du GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat) né en Algérie en 1998.

Auparavant, et cela dès les lendemains de l’indépendance, l’Algérie s’impliqua dans la région. En 1963-1964, lors de la première guerre touareg du Mali, le président Ben Bella autorisa ainsi l’armée malienne à poursuivre les rebelles touareg du Mali jusqu’à 200 km à l’intérieur du territoire algérien, c’est-à-dire jusqu’aux limites septentrionales de l’espace des Kel Adrar.

Au mois de janvier 1991, lors de la deuxième guerre touareg du Mali, l’Algérie organisa les négociations entre le général Moussa Traoré et le MPA (Mouvement populaire de l’Azawad) d’Iyad ag Ghali, ce qui permit la signature de l’Accord de Tamanrasset des 5-6 janvier 1991. Une médiation qui permit ensuite la signature du Pacte national du 11 avril 1992.

Le 23 mai 2006 éclata la troisième guerre touareg du Mali, et ce fut une fois encore l’Algérie qui permit la signature de l’Accord Alger du mois de juillet 2006 entre l’Alliance démocratique du 23 mai pour le changement (ADC) et l’État malien.

Le 4 juillet 2006, à Alger, l’État malien et les représentants de l’ADC signèrent les Accords d’Alger pour la restauration de la paix et du développement dans la région de Kidal.

Aujourd’hui, avec la désintégration du Mali et du Niger, comme l’Algérie s’inquiète de voir l’État islamique pousser vers le nord, elle surveille donc attentivement ce qui se passe sur son glacis méridional, à savoir l’espace touareg.

Par Bernard Lugan
Le 26/09/2023 à 11h00