Les 22 et 23 janvier, la visite à Rabat du ministre mauritanien des Affaires étrangères, Mohamed Salem Ould Merzoug, a été l’occasion de mettre les points sur les «i» concernant un prétendu froid diplomatique entre nos deux pays qui n’existe jusqu’à présent que dans le monde parallèle de la presse algérienne. Les moins jeunes d’entre nous se souviennent très certainement de la série culte «Sliders: les mondes parallèles», dans laquelle le personnage du professeur Maximilien Arturo aurait très bien pu être interprété par Abdelmadjid Tebboune, qui résout tous les problèmes dans les mondes parallèles, mais surtout pas dans le nôtre.
Convergence des points de vue sur les grands dossiers géopolitiques, fond civilisationnel partagé, dialogues pour dépasser les divergences économiques... Tous les éléments évoqués par les deux ministres convergent vers un rapprochement diplomatique de plus en plus accéléré.
Un rapprochement qui pourrait s’inscrire dans le cadre de la grande initiative proposée par SM le Roi Mohammed VI lors du dernier discours à l’occasion du 48ème anniversaire de la Marche verte. Une initiative royale qui vise, rappelons-le, à favoriser l’accès des pays frères du Sahel à l’océan Atlantique et à son immense potentiel, à travers les infrastructures routières et portuaires du Maroc.
Et un simple coup d’œil sur une carte suffit pour constater qu’une telle entreprise peut difficilement être envisagée sans la participation de la Mauritanie. Cette dernière a tout à y gagner. Car en plus d’en faire un carrefour commercial régional majeur, cette initiative pourrait contribuer à sanctuariser ce pays de plus de 4,2 millions de kilomètres carrés face aux menaces des différents groupuscules terroristes, dont le plus dangereux dans la région demeure le Polisario.
Puisque s’inscrire dans cette entreprise stratégique fera que s’attaquer à la Mauritanie reviendra à s’attaquer à un nœud commercial stratégique, et par conséquent à s’attaquer à l’ensemble des pays allant du Sahel jusqu’au Maroc. Ne dit-on pas que le commerce adoucit les mœurs? Encore faut-il en avoir, des mœurs, dans le cas du Polisario.
La puissance relative de l’Algérie face à la Mauritanie et aux pays du Sahel a toujours résidé dans la vulnérabilité de ces derniers qui réside souvent dans leur incapacité à contrôler l’intégralité de leurs frontières et de leur territoire face aux menaces des groupuscules armés pullulant dans la région. Mais aussi dans leur isolement diplomatique qui fait que l’Algérie a toujours pu établir des rapports de force face à chacun de ces États, pris séparément.
Cette ère sera probablement révolue, espérons-le, dans un avenir proche, puisque désormais, c’est avec un bloc dans un premier temps commercial et, pourquoi pas à l’avenir, sécuritaire que l’Algérie devra composer.
D’autant plus que l’alliance implicite entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger offre déjà à Bamako la profondeur stratégique nécessaire pour tenir tête à Alger et à la remettre à sa place, dans un contexte de tensions diplomatiques entre ces deux pays.
Les pays du Sahel ont une longue mémoire et une grande capacité diplomatique de discernement, qui leur permettent de constater factuellement que là où l’Algérie s’ingère et impose, le Maroc respecte et propose.
Car l’Afrique a fondamentalement changé. Elle commence à prendre conscience d’elle-même et de son potentiel actuel et futur et les nouvelles générations ont soif de souveraineté et de développement. Dans cette nouvelle Afrique en émergence, il n’y a plus de place pour les menaces, les chantages et l’intimidation. Seules les initiatives respectant la souveraineté des États et qui leur proposent des dynamiques d’intégration économiques et commerciales gagnantes auront leur place dans l’avenir de ce continent.
Seuls seront disqualifiés les États qui, mentalement et diplomatiquement, reste enfermés dans une conception révolue de notre continent.
Ainsi, le jour même de la rencontre entre nos deux ministres marocain et mauritanien des Affaires étrangères, l’équipe nationale de football de la Mauritanie a disqualifié l’Algérie de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) en marquant un but à la 37ème minute. Peut-être est-il temps pour Nouakchott de marquer un deuxième but, cette fois diplomatique, pour se qualifier géopolitiquement et disqualifier la principale menace qui plane sur sa sécurité, à savoir l’Algérie?