Dans un éditorial datant du 20 novembre, la rédaction du Washington Post s’émeut de la liberté d’expression au Maroc. "Free speech goes ontrial in Morocco" (Le procès de la liberté d’expression au Maroc), titre le journal américain en écho au procès qui s’est ouvert le 19 novembre impliquant Maâti Monjib et six autres accusés en relation avec les activités de l’AMJI (Association marocaine du journalisme d’investigation). L’intéressé a préféré faire un déplacement en Allemagne pour ne pas se présenter à l’audience, opposant de la sorte à la justice le même mépris avec lequel il a accueilli les questions de la police judiciaire.
Alors que le vrai sujet est ailleurs, Le Washington Post a préféré voir dans le cas de Maâti Monjib un exemple inquiétant de la répression de la liberté d’expression au Maroc. Ce respectable quotidien a cédé à l’opération de diversion savamment orchestrée par l’intéressé à seule fin de ne pas répondre des très lourdes accusations de fraude et de détournement de fonds qui pèsent sur lui.
Qu’est-ce qui est au juste reproché à Maâti Monjib ? Et pourquoi est-il convoqué par la justice ?
Durant des années, l’intéressé a détourné des sommes dépassant 3 millions de dirhams (Plus de350. 000, 00 dollars USD). Monjib est accusé d’avoir détourné ces sommes du compte de la structure qui recevait les subventions de l’étranger et les avoir mis dans ses comptes personnels et ceux de ses proches.
Voici le détail des différents mouvements bancaires imputés à Maâti Monjib depuis la création de son centre (SARL aux yeux de la loi marocaine, une ONG à l’étranger !).
La valse des millions
L’historien avait à lui seul toute la latitude pour gérer les fonds étrangers reçus par son Centre. Et ces subventions provenaient essentiellement de l’ONG néerlandaise «Free Press Unlimited» et du «National Endowment» (organisme américain) et ont totalisé plus de 3 millions de dirhams. D’autres financements étrangers ont été reçus par Maâti Monjib et ont été de l’ordre de 1.4 million de dirhams. Toute cette petite fortune a fini sur deux comptes ouverts au nom de l’historien à l’agence BMCE de Rabat-Agdal. Les opérations de retrait et de dépôts se faisaient cash par Maâti Monjib.
En novembre 2014, juste avant qu’il ne décide de saborder son centre/ONG, l’historien libelle un chèque de 1 million pour sa sœur Fatima et un deuxième (de 1.05 million de dirhams) pour son épouse, Christine. Auparavant, tout l’argent accumulé était confié à un compte avec des dépôts à terme.
En avril 2015, une autre opération est effectuée par le président du Centre Ibn Rochd désormais dissous: il ouvre un compte sur carnet et y dépose 400.000 de dirhams (le maximum autorisé par la loi sur un compte carnet). Un simple calcul démontre que le concerné a détourné au moins 2.450.000 de dirhams. Et ce n’est pas tout.
Seul maître à bord
Etant co-fondateur et trésorier de l’AMJI (il semble avoir un faible pour ce dernier poste), il omet de déclarer d’autres financements étrangers au Secrétariat général du gouvernement (SGG) comme le stipule la loi. Depuis sa création en 2011, L’AMJI a reçu 2.580.000 de dirhams en huit versements, mais Maâti Monjib n’en a déclaré que trois! Qu’a-t-il bien pu faire des cinq opérations non déclarées ?
Ce sont toutes ces opérations que Maâti Monjib tente par tous les moyens de garder secrètes, même devant les enquêteurs. Dos au mur, il a préféré garder le silence, puis entrer en grève de la faim comme une sorte d’arme de «chantage massive».
Que dirait-il aussi à la CNSS sur le cas de Abdessamad Aït Aicha, alias Samad Ayach? Maâti Monjib versait à son chouchou 6.000 DH nets en guise de salaire mensuel, mais ne déclarait que 3.000 à la Caisse sociale pour se défaire des redevances sociales. Aux Etats-Unis, ne pas payer ses impôts et autres droits est un crime sévèrement puni. Aux Etats-Unis, le détournement de fonds est un crime grave, passible de plusieurs années de prison.
S’il n’avait rien à se reprocher, Maâti Monjib aurait répondu à la justice des sommes qu’il a fait transiter du compte du Centre à ses comptes personnels et ceux de ses proches. Cette fuite en avant ne saurait toutefois résister à la justice et au temps. Même s’il a réussi à duper de nombreuses personnes et médias, dont Le Washington Post, Maâti Monjib finira bien par rendre des comptes devant la justice.