Ils «réclament des armes que nous nous préservons de leur donner pour le moment»: Tebboune menace de réarmer le Polisario

Le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, et le chef du front Polisario, Brahim Ghali.

Lors d’un entretien fleuve accordé au quotidien français «L’Opinion», le chef présumé de l’État algérien est longuement revenu sur la question du Sahara marocain, véritable obsession du régime voisin et cause avouée ou plutôt expédient de la crise actuelle entre Paris et Alger. Pour dire que le régime se tâte quant à armer (davantage) la milice séparatiste, mais que «rien n’est immuable». Une menace franche d’ouvrir un nouveau front, cette fois militaire, contre le Maroc.

Le 03/02/2025 à 11h26

Il soutient politiquement et diplomatiquement le front séparatiste du Polisario, l’héberge, le finance et, évidemment, l’arme et l’entraîne. Mais cela ne lui suffit plus. Face à la série de débâcles qu’il a enregistrée sur la scène internationale au sujet du Sahara, le régime d’Alger prévoit le pire: armer (davantage) le Polisario. Entendez soutenir, sinon livrer, une guerre ouverte et déclarée au Maroc. La déclaration est d’Abdelmadjid Tebboune, président désigné de l’Algérie, qui, le temps d’un entretien publié dimanche 2 février 2025 par le quotidien français L’Opinion, s’est adonné à son exercice préféré: les faits alternatifs.

S’il est une phrase à retenir, c’est bien celle-ci: «Ces derniers (les miliciens du Polisario, NDR) réclament des armes que nous nous préservons de leur donner pour le moment». Pour le moment! Demain, cela pourrait évoluer donc! Cela suppose que la donne pourrait bien changer et que l’Algérie, qui se proclame «voisin inquiet» et non partie-prenante comme il est établi et désormais connu de tous, n’écarte pas une intervention directe et donc une confrontation armée avec le Royaume. La phase intervient, qui plus est, en réponse à une question sur le soutien inconditionnel d’Alger à la pseudo-Rasd. «Celle-ci perd régulièrement des soutiens internationaux». «Ne redoutez-vous pas que tous les Etats finissent par reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental?», s’est interrogé le journaliste Pascal Airault. Ce à quoi Abdelmadjid Tebboune a répondu: «Rien n’est immuable». Autant dire que le régime d’Alger n’exclut rien. Son président désigné n’hésite d’ailleurs pas à faire le parallèle entre la question du Sahara et …l’indépendance de l’Algérie, «obtenue après cent trente ans de combat».

Comme pour légitimer son propos, Tebboune a énuméré séance tenante les appuis qui restent au Polisario. Fait marquant: ils se comptent sur les doigts d’une seule main. Le premier est que «la RASD est un membre de notre organisation panafricaine, l’OUA devenue l’UA». Une anomalie qui, au demeurant, est en voie de correction. Le second n’est autre que la justice européenne, défend le chef d’Etat algérien, allusion faite à l’annulation par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) des accords de pêche avec le Maroc, le 4 octobre 2024, au motif que «les accords commerciaux UE-Maroc de 2019 en matière de pêche et de produits agricoles, auxquels le peuple du Sahara occidental n’a pas consenti, ont été conclus en méconnaissance des principes de l’autodétermination et de l’effet relatif des traités». C’est oublier que le Maroc n’est nullement concerné. «Le Maroc n’est pas partie à cette affaire, qui concerne l’Union européenne d’une part, et le Polisario soutenu par l’Algérie d’autre part. Le Maroc n’a participé à aucune des phases de cette procédure et, par conséquent, ne se considère aucunement concerné par la décision», précisait en son temps le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué. En dehors de ces deux éléments, circulez, Tebboune est à court d’arguments.

Faire mentir l’Histoire

Il s’est alors lancé dans une série de contrevérités et de purs mensonges, le seul exercice dans lequel le président algérien excelle. Il a notamment cité le souhait du roi Hassan II de vouloir régler le problème du Sahara avant sa mort en juillet 1999. D’après Tebboune, le défunt roi aurait confié au président congolais, Denis Sassou Nguesso, ne pas vouloir laisser «cet héritage à mes enfants». Tebboune n’a pas expliqué de qui il tient ces propos, ni pourquoi ni comment. «Mais Mohammed VI ne l’a pas suivi, hélas...», a-t-il néanmoins commenté.

Autre bloc compact de «faits alternatifs», les «actes hostiles» du Maroc à l’endroit de l’Algérie. Mais lesquels? On n’en saura rien, si ce n’est des rappels faussement historiques voulant que le Royaume ait agressé l’intégrité de l’Algérie…en 1963, qu’il n’ait reconnu la Mauritanie qu’en 1972 et que Rabat ait imposé des visas aux ressortissants algériens en 1994 après les attentats de Marrakech. D’aujourd’hui et de la situation actuelle, qui dure depuis l’avènement du règne de Mohammed VI et ses solennelles mains tendues à l’Algérie, Tebboune ne dira rien. Si ce n’est que l’Algérie a interdit aux avions marocains de survoler son espace aérien en raison des exercices militaires conjoint que les Forces armées royales «réalisent avec l’armée israélienne à notre frontière, ce qui est contraire à la politique de bon voisinage que nous avons toujours essayé de maintenir». Le fait est que c’est, là encore, un grossier mensonge et que ni le Maroc ni Israël n’ont jamais organisé d’exercice militaire conjoint, encore moins à la frontière algérienne.

Sahara: le régime ne décolère pas contre la France

Si, lors de l’exercice international African Lion 2023, la présence de 12 observateurs israéliens, sur un total de 8.000 soldats en provenance de 18 pays, a à ce point fait peur à l’Algérie, il faut sérieusement s’inquiéter de la viabilité de sa «force de frappe». «Nous devrons mettre un terme à cette situation un jour», a encore menacé Tebboune, soudain peu loquace quant au comment. À noter par ailleurs que c’est le même Tebboune, qui, plus loin, est prêt à normaliser ses relations avec Israël si la relance du processus de paix aboutit à la création d’un Etat palestinien. L’effet Trump a au moins le mérite de montrer la face obséquieuse et l’aplaventrisme du régime d’Alger. Le champ lexical a connu ainsi une révolution foudroyante. «L’entité sioniste» est devenue l’Etat d’Israël et le régime d’Alger qui jurait ses grands Dieux qu’il ne le reconnaitrait jamais se dit désormais prêt à «normaliser». Quel étonnement! «Mes prédécesseurs, les présidents Chadli et Bouteflika, que Dieu ait leurs âmes, avaient déjà expliqué qu’ils n’avaient aucun problème avec Israël», a-t-il affirmé, citant nommément cet Etat. Et d’ajouter: «l’Algérie est prête à normaliser ses relations avec Israël le jour même où il y aura un Etat palestinien». Quel empressement!

L’entretien avec le chef d’État algérien révèle aussi que le soutien de la France à la marocanité du Sahara alimente sa colère. «Nous avons parlé avec le Président Macron plus de 2 heures 30 en marge du sommet du G7 à Bari, le 13 juin dernier…Il m’a alors annoncé qu’il allait faire un geste pour reconnaître la ‘marocanité’ du Sahara occidental, ce que nous savions déjà. Je l’ai alors prévenu: ‘Vous faites une grave erreur! Vous n’allez rien gagner et vous allez nous perdre’». L’Histoire courte a prouvé le contraire. L’évolution de la position de la France sur le Sahara a révélé l’importance de cette question pour le régime algérien, au point de compromettre ses relations internationales et de menacer d’attentats en France et de guerre contre le Maroc.

L’objectif affiché de cet entretien fleuve, truffé de dénis, de mensonges et de propos inintelligibles est de se rabibocher avec le président Emmanuel Macron. Maintenant, si l’on prend le président algérien au mot et que l’on considère que la reconnaissance de la marocanité du Sahara par la France est la principale cause de la brouille entre le régime d’Alger et Paris, qu’espère Tebboune après la réconciliation: que Macron se parjure à propos du Sahara? Très peu probable. Autant dire que l’hystérie algérienne n’aura servi à rien. Et de même que le régime d’Alger a fini par se faire une raison et battre en retraite avec Madrid, il en fera de même avec Paris.

Par Tarik Qattab
Le 03/02/2025 à 11h26