Comment le PJD islamise le jeu politique

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Revue de presseKiosque360. Dans sa série de tribunes consacrées au PJD sous le titre «Le PJD a gagné, Benkirane a tout perdu», le chroniqueur de «Ahdath.info» explique comment le PJD se sert de l’islam pour gagner des voix.

Le 24/10/2016 à 20h51

L’image est frappante. Abdelillah Benkirane prie sur un trottoir, quasiment à même le sol au mépris même des recommandations de l’islam qui appelle les fidèles à serrer les rangs lors de la prière collective. Le chroniqueur Abderrahmane El Mansi, explique, dans Al Ahdath que cette image est sciemment orchestrée. Benkirane choisit volontairement de ne pas se rendre dans une mosquée «à 40 mètres de sa maison» pour livrer un cliché qui est exploité à des fins de propagande. Il prie sur un trottoir, tandis que d’autres utilisent des tapis… Les milices du PJD utilisent cette image pour l’opposer à celle du roi qui prie sur un tapis lors des prières du vendredi, diffusées sur Al Oula.

Pourtant, Abderrahmane El Mansi rappelle que la plupart des dirigeants du MUR et du PJD connaissent très bien les fondamentaux d’une prière en groupe. Ils avaient commencé leur carrière en tant que prédicateurs: Abdelilah Benkirane, Mohamed Yatim, Mohamed El Hamdaoui et Raïssouni, entre autres.

De là, il était prévisible que le PJD fasse appel à son armée de prédicateurs qui, selon Abderrahmane El Mansi, ont noyauté les Conseils des oulémas, la Rabita des oulémas, les mosquées et même la chaîne Assadissa du Saint Coran pour mobiliser pour le parti islamiste. Leur arme suprême? L’excommunication pure et simple des rivaux politiques et, en premier lieu, le PAM.

PJD, le parti d’Allah?

Avec force exemples, le chroniqueur nous fait un listing non exhaustif des fatwas émises par les prédicateurs du PJD pour mettre au ban de la Oumma ceux qui n’épousent pas la ligne de Abdelilah Benkirane et ses frères.

Juste avant le scrutin du 7 octobre, Mostafa Leksir, cheikh salafiste, adoul et ex-prédicateur à Hay Mohammadi à Casablanca, a diffusé une vidéo où il déclare illicite le fait d’apporter son suffrage au PAM. «Le vote n’est pas une confession, mais un droit civique garanti par la Constitution», commente Abderrahmane El Mansi.

Mohamed Ben Moussa, lui, dirige la prière du vendredi à la mosquée Idriss 1er à Fès. A son tour, il avait diffusé une vidéo déclarant qu’il était illicite de voter pour un parti qui n’a de projet guidé par le référentiel religieux. «Avez-vous entendu au Maroc d’un parti dont le programme va à l’encontre de l’islam et ses préceptes?», s’interroge le chroniqueur.

Et ce n’est pas tout: Mohamed Talal Lahlou, professeur d’économie islamique et «parrain des Qataris qui veulent mettre la main sur la finance islamique au Maroc», a diffusé un post sur Facebook pour dire qu’il était interdit, au nom de l’islam, d’adhérer et de voter pour des partis laïcs ou à référentiel de gauche.

Sans parler de Hammad Kabbadj. Celui que les autorités ont interdit de candidature à Marrakech qui a émis des fatwas similaires appelant à «immuniser l’islam face à ses ennemis», soit les autres partis tous réunis.

«La politisation de la fatwa et de la prédication a atteint son paroxysme», ajoute Abderrahmane El Mansi en rappelant tous les dangers qui en découlent pour le pays, sa cohésion et son avenir.

La guerre aux «skayriya» (ivrognes)

Le PJD s’est toujours targué de mener des campagnes électorales propres. Mais le comportement de ses milices électroniques a démontré tout le contraire. Des coups ont volé sous la ceinture des rivaux politiques, relève le chroniqueur qui donne quelques exemples, illustrations à l’appui.

A Larache, circonscription où s’est présenté Mohamed El Hamdaoui (ancien président du MUR), le PJD a qualifié son rival le plus sérieux de «guerrab» (vendeur clandestin de boissons alcoolisées). A Berrechid, un autre candidat rival a subi le même sort ainsi que de jeunes militants du PAM.

Même un chef de parti n’a pas échappé à cet étiquetage, censé jeter l’anathème sur lui et son parti et les discréditer durablement. Salaheddine Mezouar, président du RNI (allié du PJD), n’a pas échappé à la sale guerre des milices électroniques. Des images le montrant dans un lieu de divertissement public ont été largement relayées et face à elles, des photos de Abdelaziz Aftati rendant visite à un groupe d’orphelins.

Du coup, le célèbre député d’Oujda n’est plus une «brebis galeuse» du parti islamiste comme disait de lui Abdelilah Benkirane, mais bien une carte maîtresse dans une campagne électorale où la religion sert d’argument à un parti pour excommunier les autres du jeu politique .

Abderrahmane El Mansi promet de continuer à publier sa série de chroniques sur «Ahdath.info». Il affirme que le PJD se présente comme un parti ordinaire à l’instar d’un parti social-chrétien en Europe, mais dans les faits, alors même qu’il est interdit pour un parti politique de se servir de la religion dans une campagne électorale, le PJD a puisé tous ses arguments dans l’islam, avec ce supposé très dangereux: nous respectons les préceptes l’islam alors que les autres partis ne le font pas.

Par Abdeladim Lyoussi
Le 24/10/2016 à 20h51