Cherche soudeur «marocain» désespérément

Tarik Qattab.

Tarik Qattab. . Mehdy Mariouch

ChroniqueCe qui vaut pour les soudeurs marocains, le vaut également pour les comptables, médecins et infirmiers, instituteurs, petits, moyens et grands cadres et cette tendance déjà lancée depuis le bug de l’an 2000 et le passage à l’euro, concerne aussi, et surtout, les ingénieurs informatiques.

Le 01/11/2019 à 11h02

L’annonce est à peine croyable. Pourtant, elle est bien réelle. «Cherchons soudeurs marocains communiquant en français ou en anglais». C’est tout ce qui est demandé, dans cette offre d’emploi en provenance… du Canada, adressée à nous autres, Marocains. En échange, des salaires attrayants, une bonne prise en charge sociale, des heures de travail rationnelles, de la HSE (hygiène, sécurité et environnement), une citoyenneté (et une dignité) avec effet immédiat. On repassera sur d’autres attraits: des paysages à couper le souffle, une hospitalité légendaire, celle d’une nation bâtie sur l’immigration, une certaine idée de la tolérance (la vraie)…

Mais cette question s’impose: que peuvent-ils donc bien avoir de si spécifique, ces soudeurs marocains? Pourquoi cette demande, si particulière, en échange d’une offre, celle, en définitive, d’un changement total de vie, aussi global que fort intéressant? Seuls les émetteurs de cette offre le savent. Et ils le savent fort bien, d’ailleurs.

Ce qui vaut pour les soudeurs marocains, le vaut également pour les comptables, médecins et infirmiers, instituteurs, petits, moyens et grands cadres et cette tendance est déjà lancée depuis le bug de l’an 2000 et le passage à l’euro. Une tendance désormais confirmée, et durable, avec cette grande nouveauté, universelle, tous azimuts, et touchant tous les aspects que peut recouvrir une vie: la digitalisation. Il faut donc à cet Occident, déjà riche, déjà grandement développé, des ingénieurs, des développeurs web, des consultants, des techniciens, des designers, des traffic managers… C’est immense.

Il en faut d’abord depuis le Maroc, un pays qui aspire à son propre développement, à une nécessaire modernité, où les talents ne manquent pas mais où les vraies compétences se font rares. Un pays qui déploie, malgré tout, des moyens colossaux pour former des jeunes, aptes à travailler, à produire, dans de grandes écoles, publiques, gratuites, et où seul le mérite compte. Mais ce pays, le nôtre, se retrouve démuni de ces compétences qu’il a formées, une fois ce diplôme et une expérience probante en poche. Logique, puisqu’en face, c’est un giga, un super marché de l’offre et de la demande, devant lequel le Maroc ne peut, évidemment rivaliser.

Que fait-on, alors?

Oui, on peut transformer le risque en opportunité, pour enfin revoir nos stratégies de formation professionnelle, miser sur les secteurs porteurs et «massifier» l’offre, là où il y a, actuellement, le plus de demande. Ce sera efficace et cette tendance obéit à un cycle long, la digitalisation étant, en soi, une quatrième révolution industrielle. Oui, les Marocains, en bonnes éponges, apprennent vite et bien. Ils s’adaptent à leur environnement, quel qu’il soit. Ils sont braves et, contrairement aux rumeurs, travailleurs. Oui, on peut faire en sorte qu’il y en ait pour tout le monde. Mais, et c’est là une règle de base dans notre réalité, ce seront toujours les meilleurs qui partiront. Des entreprises viables, des cabinets de recrutements spécialisés, des chasseurs de têtes, des politiques d’Etat existent pour cela, en France, au Canada, et même aux Etats-Unis pour peu qu’on baragouine un peu l’anglais.

Ce que ces entreprises et ces Etats offrent, ce ne sont pas seulement de meilleures conditions de travail, de meilleurs salaires et une bonne offre de soins et d’éducation. Ce qu’ils offrent, c’est un cadre global où les droits sont respectés, les nécessités remplies, l’épanouissement possible et l’ascenseur de l’avancement social en parfaite marche.

Ce que nos responsables, privés comme publics, feignent d’ignorer, c’est que les compétences marocaines sont aujourd’hui, et plus que jamais, conscientes de leur valeur. Qu’elles sont ouvertes sur le monde et qu’elles regardent ce qui s’y passe. Qu’elles se sont individualisées, qu’elles ne réfléchissent plus en fonction du groupe, et qu’elles pensent d’abord à leur bien-être et à celui de leurs (très) proches. Guérir cette tendance, celle de la fuite des cerveaux, c’est agir sur de nombreux paramètres. C’est améliorer le quotidien, les salaires, les conditions de travail, et de vie. C’est assurer une bonne éducation, de bons soins de santé. C’est garantir les libertés individuelles et collectives. Le libéralisme, ce qui fait éminemment la puissance d’un Etat, c’est tout cela à la fois.

Prétendre juguler le problème, et c’en est un, majeur, c’est aussi être en capacité de dire à nos amis français, à nos co-terriens Canadiens qu’il faut en finir avec leurs velléités impérialistes d’antan. Que le co-développement passe par le respect de la souveraineté d’un pays sur les têtes qu’il a, mine de rien, bien formées. A coup de lourds investissements publics et de bons formateurs. Oui, il y en a encore. En attendant, et en off, on nous a bassiné avec des discours défaitistes, chargés de grandes doses d’impuissance.

Il reste ce bémol: cet acharnement dont ces pays, symboles de la bien-pensance et de l’émancipation des individus et des peuples, font preuve pour nous appauvrir de notre capital premier: le capital humain. Avant, la colonisation aidant, des pays comme la France nous pompaient nos richesses naturelles. En pleine expansion industrielle, ils nous subtilisaient nos travailleurs, des bras tout juste bons à raccorder, à la chaîne, et sur le dur rythme des 3x8 heures, deux câbles dans les usines Renault. Aujourd’hui, ce sont nos cerveaux qu’ils picorent allègrement. En former davantage, c’est juste un moyen d’en fournir plus à un marché mondialisé, toujours plus gourmand en compétences, compétitif à tous points de vue et offrant un cadre de vie, de libertés, des plus alléchants.

A la fin de la journée, comme le résume si bien ce Directeur administratif et financier dans une PME marocaine, en manque de sérieuses compétences, «il vont nous prendre tous nos cerveaux, et nous allons nous retrouver avec des corps sans tête». Que fait-on? Alors?

Par Tarik Qattab
Le 01/11/2019 à 11h02

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Je cherche un travail chez vous. Je suis menuiserier en aluminium

Je veux une inperimer de canada pour la rempelire je un tecniciene soudeur et micanica industrueil merci je perte du ten ici aux maroc

Moi fouad soudeur agreé rochirche je veux travailler a canada

Les porteurs de sabres et compagnie vont regretter d'avoir passé leurs temps à se monter le bourrichon entre eux même à désespéré au lieu de passer 1 ans ou 2 dans un centre ou il peuvent apprendre la soudure et partir commencer à vivre au lieu de détruire la vie des autres.

Ne pas oublier qu au Maroc on embauche encore, en grande majorite, les proches et pas les tetes. Il faut donc voir d abord ce pb ainsi que celui de l absence d avancement des tetes dans des entreprises car les postes cles sont dedies aux membres de la famille.

Le dernier souci de nos responsables c est le capital humain.

L'exportation de main d'oeuvre jeune est un modèle durable.

Les chiffres de HCP precise que pour 2018 4jeunes urbains ages de 15-24ans.17,2%des diplomes sont chomeurs sachant que les diplomes superieurs represente une part de 23%. .parmi les chomeurs de 1,17million 65,7%sont ages de 15a29ans.et puis on les voit ces chomeurs diplomes dans nos familles devenue retraites et oisifs avant l age.donc au lieu de porter la pierre sur les cerveaux qui fuient cest quil ya des raisons eco et sociales bien fortes et qui perdurent.peu de jeunes ,quand ils le peuvent emigre pour le plaisir mais quand le logement depasse svt 1MDH ETque les salaires moyens vont de 5000 a 10000 pour les dipmomes superieur j'entends et pour les plus chanceux embauches apres moult entretiens jestime que tenter sa change a l international est justifiable.

Finalement c'est une chance pour le Maroc que des pays développés nous picorent des cadres, seulement dans le cas où les décideurs, conscients du danger, soient capables de s'attaquer aux causes profondes qui poussent les jeunes et moins jeunes à partir: c'est dit dans cet excellent billet de T. Qattab: améliorer le quotidien, les salaires, les conditions de travail, et de vie." assurer une bonne éducation, de bons soins de santé, garantir les libertés individuelles et collectives...

Bonjour Je suis un cerveau de retour au Maroc après études et travail en sécurité informatique au Canada, avec mon âge 59, aucune entreprise ne peut m engager ici au Maroc car ici dans le bled c est interdit de garder un employé après 60 ans ! Commençons par régler ce problème après l état peut attaquer ce qui fait fuir les cerveaux du Maroc et ce n est pas nécessairement le salaire, voire plutôt la santé, l éducation, la justice

Nul n'est prophète chez soi.

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