Opposants et forces de l'ordre se sont affrontés dimanche à Cararas et dans d'autres villes du pays, à coups de balles en caoutchouc, bombes de gaz lacrymogènes contre jets de pierre et cocktails Molotov, lors de batailles rangées parfois meurtrières.
Dès dimanche soir, les adversaires du régime chaviste ont appelé à manifester à nouveau lundi et mercredi, jour de la mise en place de cette Assemblée, qui selon eux ne va servir qu'à renforcer les pouvoirs du chef de l'Etat et à le maintenir en place.
Le président Maduro s'est félicité du fort taux de participation à ce scrutin. "Le moment d'une nouvelle histoire est arrivé", a-t-il salué.
La participation a atteint 41,5%, soit plus de 8 millions de Vénézuéliens, selon le Conseil national électoral (CNE).
"Nous ne reconnaissons pas ce processus frauduleux, pour nous il est nul, il n'existe pas", a déclaré pour sa part le leader de l'opposition Henrique Capriles, en dénonçant un "massacre" et une "fraude".
Entre samedi et dimanche, quatre personnes, dont deux adolescents et un militaire, sont mortes dans l'Etat de Tachira, trois hommes dans celui de Merida, un dans celui de Lara, un autre dans celui de Zulia et un dirigeant étudiant dans l'état de Sucre, selon un bilan officiel.
Ces nouvelles violences portent à plus de 120 morts le bilan de quatre mois de mobilisation pour réclamer le départ de M. Maduro.
Les militaires sont intervenus avec des véhicules blindés et des gaz lacrymogènes à Caracas, à Maracaibo (ouest) et à Puerto Ordaz (sud-est), pourchassant les manifestants qui bloquaient les rues avec des barricades.
"Je ne sais pas d'où vient leur haine, des Vénézuéliens contre des Vénézuéliens... C'est une guerre!", a déploré Conchita Ramirez, une habitante de la capitale.
Sept policiers ont été blessés par un engin explosif dans l'est de Caracas, des images de l'AFP montrant l'un d'eux avec une jambe en flammes, alors que des motos brûlent à terre.
L'ambassadrice américaine à l'ONU, Nikki Haley, a averti que le Venezuela avait fait un "pas vers la dictature". Washington, qui a infligé des sanctions financières à 13 anciens et actuels responsables gouvernementaux vénézuéliens, a menacé d'en prendre de nouvelles.
Outre les Etats-Unis, la Colombie, le Panama, le Pérou, l'Argentine et le Costa Rica ont annoncé qu'ils ne reconnaîtraient pas la Constituante. La Bolivie a dénoncé leur soumission au gouvernement américain.
Un incident technique a marqué le vote du président. Sa "carte de la Patrie", qui permet de voter et de bénéficier des programmes sociaux, n'a pas été reconnue par le système électronique: "la personne n'existe pas ou sa carte a été annulée".
"J'ai voté pour dire aux +gringos+ et aux opposants que nous voulons la paix, pas la guerre, que nous soutenons Maduro", a assuré une électrice, Ana Contreras.
Les bureaux de vote étaient surveillés par les militaires pour ce scrutin visant à désigner les 545 membres d'assemblée, "super pouvoir" qui va rédiger une nouvelle Constitution, remplaçant celle promulguée en 1999 par le défunt président Hugo Chavez, et gérer le pays pour une durée indéterminée.
Cette assemblée "naît dans un bain de sang. Elle nait illégitime parce qu'il est très difficile de déterminer le nombre de votants, mais techniquement nous pouvons vérifier qu'il y a eu de nombreuses irrégularités", a affirmé l'analyste Nicmer Evans, socialiste critique de M. Maduro.
Selon l'analyste Benigno Alarcon, le gouvernement cherche à éviter une forte abstention, sachant que, selon l'opposition, 7,6 millions de personnes ont voté lors d'un référendum symbolique contre ce projet organisé il y a deux semaines.
Mais, grâce au mode de scrutin, combinant vote territorial et par secteurs socio-professionnels, 62% des 19,8 millions d'électeurs ont pu se prononcer deux fois, ce qui soulève des interrogations sur la validité du résultat, selon l'analyste Eugenio Martinez.
Le ministre de la Défense, le général Vladimir Padrino Lopez, a affirmé que plus d'une centaine de machines électorales ont été détruites dans des actes de violence motivés par des "facteurs politiques".
Des dirigeants ont averti que l'Assemblée constituante dissoudrait le Parlement, dominé par l'opposition. La Procureure générale, Luisa Ortega, chaviste qui a pris ses distances avec M. Maduro, a dénoncé une atteinte à la démocratie. La ministre des Affaires étrangères, Delcy Rodriguez, a toutefois assuré à l'AFP que l'Assemblée "n'est pas pour éliminer l'adversaire", mais pour favoriser le dialogue.
L'opposition a refusé de participer à l'élection, arguant que l'Assemblée n'a pas été convoquée par referendum et qu'elle va instaurer une dictature communiste.
Le pays est au bord de l'effondrement économique et 80% des Vénézuéliens désapprouvent la gestion du président, selon l'institut de sondages Datanalisis.
"Maduro est très affaibli et contre les cordes. S'il respectait la Constitution et convoquait des élections (générales), le chavisme en sortirait perdant (...) il essaie de gagner du temps et de rester au pouvoir", a déclaré à l'AFP Michael Shifter, président du cercle de réflexion Dialogue interaméricain, basé à Washington.
Pour le chef du Parlement, Julio Borges, "le gouvernement ne fait que creuser sa propre tombe".