Sébastien Delogu: baisers, bakchichs et banquette DZ, l’influence low cost d’un député français soumis à Alger

L'élu LFI des Bouches-du-Rhône, Sébastien Delogu, lors d'une manifestation à Marseille. (Photo: SIPA)

PortraitDepuis qu’il a embrassé le drapeau algérien en promettant monts et merveilles au régime d’Alger une fois devenu «président», le député français Sébastien Delogu intrigue autant qu’il effraie. Lesté d’un palmarès d’«affaires» judiciaires digne d’un vieux briscard de la vie politique, accusé de corruption, ce pointeur propulsé de la banquette arrière d’un taxi marseillais aux dorures feutrées du Palais Bourbon collectionne les casseroles comme autant de trophées d’un cynisme assumé.

Le 12/07/2025 à 09h25

Tout commence sous le soleil d’Alger. Sébastien Delogu, élu LFI des Bouches-du-Rhône et VRP occasionnel, y parade début juillet 2025, téléphone tendu en mode selfie, remerciant jusqu’à l’extase sur TikTok l’agence privée de voyage qui assure son séjour «all inclusive». «Je ne vous oublierai jamais», susurre Delogu à la caméra, lové sur la banquette d’un 4 × 4 siglé DZ Escape, le tour‑opérateur algérien dont le logo est bien visible.

Publicité?– On dirait bien. Moyennant rémunération?– Il jure que non, comme si l’hospitalité et l’avion (lui et sa «maman») coûtaient soudain moins qu’un ticket de métro. Il y a peut-être plus grave, une prise en charge officielle par le régime des caciques dont Escape DZ ne serait qu’une partie de l’iceberg. Sauf que la déontologie parlementaire, elle, ne fait pas de remise: un député n’use pas de son image pour vanter les mérites d’une entreprise commerciale. Il affirme avoir été «très très très bien accueilli» et «très bien pris en charge par cette compagnie. Je voulais faire un message tout particulier pour les remercier». Ce message qui sent à plein nez l’arrangement douteux, révèle une méconnaissance abyssale ou un mépris total des règles élémentaires de déontologie parlementaire, l’Assemblée nationale interdisant toute promotion commerciale par un élu. Peu importe ses laborieuses explications sur un soi-disant malentendu, le député s’est ridiculisé dans cette sordide histoire d’intérêt privé, faisant de lui un modèle déplorable de la vénalité politicienne. Même les stagiaires de chez McKinsey auraient conseillé plus de discrétion.

Un french kiss du drapeau algérien: la passion selon Saint-Député

Cerise sur le gâteau, la séquence se double d’un plan furtif le montrant embrassant le drapeau algérien lors d’une manifestation à Marseille. Il le refera avec plus de zèle lors de son voyage en Algérie, plaquant sur ses lèvres le tissu dans une mise en scène digne des plus mauvais clips de propagande. Pour parachever la provocation, notre globe‑trottin de Monopoly GO!, qui cherche à débloquer des jetons & récompenses, déclare devant les micros de chaînes de télévision publiques algériennes: «Pour le moment je ne peux rien, mais lorsque je pourrai je veillerai à ce que la France parle d’égal à égal à l’Algérie», ajoutant un sibyllin «alors l’Algérie obtiendra ce qu’elle souhaite» (voir cette séquence). Déclaration sidérante qui dépasse largement le simple faux pas diplomatique pour friser l’indignité nationale. Depuis Alger, Sébastien Delogu se voit Premier ministre et, pourquoi pas tant qu’on y est, Président! Chacun ses rêves; les électeurs jugeront la loyauté.

Perquisition, violences aggravées, recel, documents volés: bienvenue dans la comédie judiciaire

Mais ce n’est pas son premier faux pas. Sébastien Delogu traîne déjà derrière lui un lourd passé judiciaire, pavé de scandales. Février 2025, le tribunal correctionnel de Marseille le condamne pour violences volontaires aggravées. L’affaire remonte à mars 2023, lors d’un blocus lycéen au lycée Saint-Exupéry. Selon plusieurs témoins et victimes, l’élu aurait asséné des coups de pied au proviseur, se faisant passer pour un manifestant. Il dira, naïvement, devant le juge: «c’était de ‘petits’ coups de pied». La justice va décider de le condamner à 5.000 euros d’amende et 3.200 euros de dommages-intérêts, le procureur ayant requis six mois de prison avec sursis.

Au chapitre judiciaire toujours, une enquête embarrassante pour vol et recel de documents a abouti il y a trois mois à une double perquisition humiliante à son domicile et à sa permanence parlementaire, les agents débarquant à l’aube! Cette enquête, lancée en octobre 2024, vise des soupçons de «vol et recel de vol de documents», ainsi que de «mise en danger par révélation d’informations privées par communication en ligne» et «atteinte au secret des correspondances». Le plaignant? Isidore Aragones, entrepreneur marseillais, et ancien président du Crif de Marseille.

Il est en procès contre Marine Le Pen pour diffamation, et aussi contre Jordan Florentin (du média Frontières) et Alice Cordier (du collectif identitaire Némésis), ces deux derniers l’accusant d’avoir traité un agent de sécurité de «noir de service» lors d’un échange. Delogu qui incarne à lui seul toutes les dérives morales et déontologiques qui peuvent salir l’image d’un élu va même publier un montage sur TikTok d’un député franco-israélien et d’un four à pizza, insinuation morbide aux fours crématoires.

Insultes publiques, diatribes vulgaires: la diplomatie façon Delogu

L’homme offre à la République un cas d’école en matière d’indignité précoce. La nouvelle égérie d’Alger apparait comme immature et compulsive. Flavien Termet, un député RN, de son côté a dénoncé sur X des «intimidations physiques indignes de l’Assemblée» de la part de Delogu. Quand il n’agresse pas, il insulte les gens. Littéralement. Sur les ondes de Bourdin, il s’en prend à tout un bestiaire politique et médiatique: «ces ordures, ces pourritures comme Isabelle Balkany, Julien Odoul, Cyril Hanouna, Jean Messiha…» Son vrai visage, dit-on de lui dans tous les partis politiques français, est une personnalité clivante, capable de dérapages verbaux assumés, qui n’aime pas la France, et capable de vendre sa «mère» comme il le fit en l’embarquant en Algérie à la recherche supposée de ses aïeuls espagnols, lui-même avouant que ces derniers étaient des aïeuls très lointains en Algérie, et que tant pour elle que pour lui «c’était la première fois qu’ils venaient en Algérie». Ceci dit, il avouera sur BFM avoir «rencontré les dirigeants officiels», donc probablement Tebboune.

Et la vie privée dans tout ça? Une tragédie à usage politique et le degré zéro de la pensée

Issu des quartiers nord de Marseille, d’un père chauffeur routier et d’une mère syndicaliste (elle-même descendante de travailleurs espagnols installés en Algérie), Delogu a eu un parcours de vie chaotique. L’interview-confession chez un influenceur larmoyant aura ému; mais elle révèle surtout un homme prompt à exploiter des données autobiographiques, vraies ou romancées, à des fins de communication. Deux enfants qu’il a cessé de voir depuis dix ans faisant dire en France qu’il aurait «abandonné» ses enfants?– C’est la faute du sort selon lui s’il a bonnement perdu tout contact avec son fils et sa fille. Les rumeurs de liaison sentimentale avec Rima Hassan?– La faute des jaloux. Les procès en incompétence?– La faute des élites qui méprisent les «gens simples». Chez Delogu, tout est toujours la faute d’un autre; jamais l’écho d’un miroir.

Et, en vérité, cet élu amoral, capable du pire, est une brute inculte et semble n’avoir jamais lu un livre de sa vie, se déclarant publiquement chez Bourdin «ne sachant ni lire ni écrire», un élu populiste, prêt à tout, au vocabulaire limité et à la phraséologie décousue. Sa prestation l’année dernière lors d’une commission des Finances à l’Assemblée a laissé songeur plus d’un. Visiblement très mal à l’aise avec ses notes et ses chiffres, Delogu s’est embrouillé dans des calculs hasardeux («100 milliards, c’est 600 fois plus que 1,3 milliard», a-t-il lancé avec sérieux), provoquant un torrent de railleries dans la salle.

Bons baisers d’Alger où Rima Hassan manœuvre

On l’aura compris, Sébastien Delogu est le grand ami d’une autre tête de pois chiche: Rima Hassan. Bien que celle-ci ait démenti toute relation sentimentale, le couple va bien ensemble. Derrière l’apparente candeur de ce voyage algérien, derrière le TikTok compromettant et les drapeaux embrassés, se cache un scénario bien plus inquiétant: celui d’un embrigadement diplomatique par procuration.

Car il ne faut pas se méprendre: Sébastien Delogu redouble d’obséquiosité envers le régime d’Alger dans l’espoir de gagner les voix de l’importante diaspora algérienne à Marseille. Ses étranges promesses, sur un plateau de télévision, de sauvegarder les intérêts algériens et de leur «accorder» une réponse bienveillante, s’apparentent en droit à un contrat moral d’influence.

L’affaire révèle notamment une stratégie méthodique de l’Algérie pour infiltrer la sphère politique française. En Delogu, Alger n’a pas trouvé un homme intègre, mais vénal: influençable, instable. Cette tentative de mise en orbite d’un pion ne doit rien au hasard. Au centre de cette affaire, Rima Hassan, s’impose. L’élue de La France insoumise est connue désormais pour ses liens étroits avec l’Algérie. Celle qui, dans l’ombre, aurait pu jouer le rôle d’«entremetteuse», de présentatrice politique auprès de cercles algériens soucieux d’identifier un pion malléable dans l’échiquier français. Un cheval à faible coût, comme elle, mais à fort potentiel de nuisance. Qui d’autre, sinon elle, aurait pu servir de trait d’union entre l’énergumène populiste et les décideurs algériens? Elle avait tout autant effectué un voyage en Algérie il y a deux ans, et promis de soutenir la cause du Polisario en France et devant l’Union européenne. Hassan et Delogu partagent le même amour pour la Syrie des Assad, l’Algérie des militaires, l’Iran des mollahs et le Hezbollah, ces derniers doivent selon eux obtenir la bombe nucléaire, et libérer la Palestine.

Les contradictions de Delogu se ramassent à la pelle: anti-élites, mais servile devant les régimes autoritaires, anti-impérialistes, mais en pleine soumission affective. Il est ce populiste sans boussole. Se profile le visage d’un homme sans frontières morales, capable de livrer des morceaux de souveraineté en échange d’un thé à la menthe et d’un selfie. Il incarne le politiquement spectaculaire: un théâtre d’indignations calculées, de transgressions morales. Après l’épisode algérien– voyage «offert» et sans doute plus si affinité, drapeau embrassé, promesse d’égalité France-Algérie sous sa future présidence imaginaire– on peine à distinguer le proxy d’Alger, de l’ambassadeur bénévole du tour-opérateur et de l’élu de la Nation.

Ainsi, Sébastien Delogu s’est mué en une figure infréquentable, dont la moralité douteuse et l’absence totale de scrupules le condamnent à errer d’un scandale à l’autre. Sa courte carrière politique ressemble déjà tristement à un naufrage annoncé.

Par Karim Serraj
Le 12/07/2025 à 09h25