Gaza: pressé par les États-Unis, Israël promet d’autoriser l’entrée de plus d’aide humanitaire

Un nuage de fumée s'élève au-dessus des bâtiments après un bombardement de l'armée israélienne à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 4 avril 2024. AFP or licensors

Israël a annoncé autoriser la livraison «temporaire» d’aide dans la bande de Gaza, assiégée et menacée de famine. Cette annonce survient au moment où la pression internationale, et surtout celle de Washington, s’accentue sur le gouvernement israélien.

Le 05/04/2024 à 08h43

Israël a annoncé vendredi autoriser la livraison «temporaire» d’aide dans la bande de Gaza, assiégée et menacée de famine, via le port d’Ashdod et le point de passage d’Erez, au lendemain d’une mise en garde inédite de son grand partenaire américain.

Cette annonce survient au moment où la pression internationale s’accentue sur le gouvernement israélien, le président des États-Unis Joe Biden ayant évoqué jeudi pour la première fois la possibilité de conditionner l’aide américaine à Israël à des mesures «tangibles» face à la catastrophe humanitaire à Gaza.

«Le cabinet (de guerre) a autorisé le Premier ministre, le ministre de la Défense (Yoav Gallant) et le ministre (Benny) Gantz à prendre des mesures immédiates pour augmenter l’aide humanitaire à la population civile dans la bande de Gaza», a déclaré le bureau du Premier ministre Benjamin Netanyahu dans un communiqué.

Selon ce communiqué, Israël va autoriser l’acheminement «temporaire» de l’aide humanitaire par le port israélien d’Ashdod, à environ 40 km au nord de la bande de Gaza, et par le point de passage d’Erez, entre le territoire palestinien et le sud d’Israël. Les autorités israéliennes vont aussi permettre «l’augmentation de l’aide jordanienne par Kerem Shalom», poste-frontière du sud d’Israël.

Alors que la bande de Gaza est confrontée depuis plusieurs mois à une catastrophe humanitaire, la mort lundi dans des frappes israéliennes de sept travailleurs de l’ONG World Central Kitchen (WCK), basée aux États-Unis, a accru le mécontentement international. L’armée israélienne a reconnu une «grave erreur».

«Ils restaient en dehors des combats, dans les zones contrôlées par l’armée israélienne. Ils suivaient toutes les règles et les procédures, qui sont très strictes, qu’Israël leur transmettait», a confié John Flickinger, le père d’un des humanitaires tués, à la BBC.

L’ONG a annoncé suspendre ses opérations de distribution de nourriture dans la bande de Gaza, réduisant encore plus l’aide très limitée qui parvient à ses 2,4 millions d’habitants. Open Arms, l’organisation espagnole qui avait affrété avec WCK le premier bateau d’aide humanitaire arrivé à Gaza en mars, a dit jeudi suspendre «la mission dans le couloir humanitaire vers la bande de Gaza avec World Central Kitchen», à la suite des frappes israéliennes.

Israël a interdit depuis plusieurs jours le passage des aides de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), principale organisation d’action humanitaire à Gaza, et d’autres ONG ont annoncé la suspension de leur travail dans l’enclave palestinienne pour des raisons de sécurité.

Premier soutien militaire d’Israël, les États-Unis ont exigé jeudi de leur proche partenaire une «augmentation spectaculaire» de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza, disant vouloir voir des mesures concrètes prises «dans les heures et jours qui viennent».

Il y a une semaine, la Cour internationale de justice (CIJ) basée à La Haye avait sommé Israël de «veiller sans délai» à ce que soit assurée «sans restriction et à grande échelle, la fourniture par toutes les parties intéressées des services de base et de l’aide humanitaire requis de toute urgence».

«Rapidement et complètement»

Après l’annonce du gouvernement israélien, la Maison Blanche l’a appelé à tenir ces promesses. «Ces mesures (...) doivent maintenant être mises rapidement et complètement en oeuvre», a déclaré Adrienne Watson, porte-parole du Conseil de sécurité nationale dans un communiqué.

Lors d’un entretien téléphonique jeudi avec Benjamin Netanyahu, Joe Biden, critiqué par une partie de son électorat pour son soutien inconditionnel à Israël, a jugé «inacceptables» les frappes ayant tué les humanitaires de WCK.

Le président américain a aussi pressé Benjamin Netanyahu de conclure «sans délai» un accord pour un cessez-le-feu, alors que les négociations sur la fin des violences ainsi que la libération des otages piétinent, près de six mois après le début du conflit, et que la résolution adoptée par le Conseil de sécurité de l’ONU exigeant «un cessez-le-feu» est restée sans effet.

L’attaque du Hamas le 7 octobre 2023 sur le sol israélien a entraîné la mort de plus de 1.170 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP à partir de données officielles israéliennes.

En représailles, Israël pilonne sans relâche depuis 6 mois la bande de Gaza, qu’il maintient sous blocus depuis 17 ans et sous un siège total depuis le début de la guerre. Les bombardements et les opérations terrestres de l’armée israélienne ont fait 33.091 morts palestiniens, en grande majorité des femmes, des enfants et des adolescents, et plus de 75.000 blessés, selon le dernier bilan du ministère de la Santé du Hamas.

En Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967 et où le Hamas n’est pas représenté, plus de 450 Palestiniens ont été tués par les soldats et les colons israéliens depuis le 7 octobre, et des centaines de personnes ont été «arrêtées» par les forces israéliennes.

«31 enfants morts de faim»

Les bombardements et l’offensive terrestre des forces israéliennes ainsi que le siège total du territoire palestinien a provoqué un désastre humanitaire, aggravé par les restrictions imposés par Israël sur l’entrée de l’aide humanitaire, surtout dans le nord de la bande de Gaza. Selon une étude d’Oxfam, la population de cette partie du territoire palestinien survit avec «moins de 12% des besoins caloriques quotidiens moyens» d’un être humain.

Alors que «31 enfants de Gaza sont morts de faim et de déshydratation», selon le Croissant rouge palestinien, le Conseil de sécurité de l’ONU doit tenir vendredi une réunion sur le risque de famine et la situation des travailleurs humanitaires à Gaza.

Jeudi, Médecins sans frontières (MSF), Oxfam, Médecins du Monde et Save the children International ont par ailleurs alerté sur leur quasi impossibilité de travailler à Gaza. Depuis le début de la guerre, près de 200 humanitaires ont été tués par les bombardements israéliens, selon Christopher Lockyear, secrétaire général de MSF.

La communauté internationale, y compris les soutiens traditionnels d’Israël, ne cesse de l’exhorter à protéger les civils et travailleurs humanitaires à Gaza, sur fond d’inquiétudes d’une opération terrestre voulue par Benjamin Netanyahu à Rafah (sud), où s’entassent près de 1,5 million de Palestiniens déplacés par les combats.

Pour apporter leur aide, plusieurs pays effectuent notamment des parachutages, mais cette méthode ne peut se substituer aux routes terrestres, insiste l’ONU. D’autant qu’à plusieurs reprises, des populations tentant de récupérer des colis parachutés ont été victimes de tirs de l’armée israélienne.


Par Le360 (avec AFP)
Le 05/04/2024 à 08h43