La vidéo était apparue mercredi sur les réseaux sociaux, sur le compte d'un certain "Michel", accompagnée du message: "Ils ont ruiné la fille, vous voyez ce qu'on veut dire ou pas? Ah ah ah !".
Dans ce petit film tourné avec un téléphone portable, on voit une femme allongée sur un lit, manifestement inconsciente, les parties intimes exposées et saignantes. "Elle a été engrossée par plus de trente mecs !", dit une voix masculine. "T'as compris ou pas ? Plus de trente !", ajoute-t-il en riant.
Cette jeune fille de 16 ans, présentée par la presse brésilienne comme toxicomane et mère d'un enfant de trois ans, a, selon sa famille, été victime le week-end dernier de l'acte de vengeance d'un ex-petit ami, qui l'aurait attirée dans un traquenard, droguée et violée, puis donnée en pâture à une trentaine d'autres hommes.
L'adolescente, hospitalisée jeudi pour recevoir des traitements préventifs contre les MST, a affirmé à la police avoir été violée par "33 hommes" armés dans une favela de la zone ouest de Rio.
Selon sa grande-mère citée par le quotidien O Globo, elle était en état de choc quand elle est réapparue au sein de sa famille, n'arrêtait pas de pleurer et disait ne se souvenir de rien.
“30, 33 ou 36 agresseurs”"Il existe de très forts indices montrant que la jeune fille a effectivement été violée", a déclaré vendredi le chef de la police civile de Rio, Fernando Veloso, qui attend les preuves pour confirmer le viol, et qui ne savait pas "si les agresseurs étaient 30, 33 ou 36".
La police dit avoir identifié quatre personnes soupçonnées d'avoir participé "directement ou indirectement" aux faits. Le site internet G1 donnait les noms de ces quatre hommes, âgés de 18 à 41 ans. Cette sordide affaire a suscité l'indignation générale.
"Je dénonce avec la véhémence la plus absolue le viol de l'adolescente à Rio de Janeiro. C'est une folie qu'en plein XXIe siècle on soit confronté à des crimes barbares comme celui-là", a tweeté vendredi le président du Brésil par intérim, Michel Temer.
Il a convoqué pour mardi une réunion de tous les responsables de la sécurité des Etats du Brésil et promis la création d'un département de la police fédérale spécialisée dans la répression des violences faites aux femmes.
Dilma Rousseff, présidente écartée au moins provisoirement du pouvoir dans le cadre d'une procédure en destitution, a également exprimé son indignation face à cette "barbarie".
“Culture du viol”La vidéo, devenue virale, avait aussi été retweetée au moins 198 fois et reçu plus de 500 "likes" avant d'être retirée du réseau. Des centaines d'appels au numéro vert du Parquet ont dénoncé depuis mercredi la vidéo, les photos et les commentaires vantant le viol collectif présumé.
Dès sa mise en ligne, cette vidéo a provoqué une avalanche de réprobations, qui popularisaient notamment le slogan "Je lutte pour la fin de la culture du viol". La jeune femme a remercié ces soutiens sur sa page Facebook. "Nous pouvons toutes passer par un jour comme celui-là, a-t-elle écrit. Ca me fait plus mal à l'âme qu'à l'utérus qu'il existe des personnes aussi cruelles qui soient impunies!"
Le viol collectif "n'est pas hors norme parce que la culture du viol est très forte au Brésil, elle fait partie de notre quotidien, même si on le nie", a réagi auprès de l'AFP Luise Bello, porte-parole de l'association féministe Think Olga. Des manifestations étaient convoquées pour ce vendredi à Rio et pour mercredi à Sao Paulo.
Selon l'ONG Forum de sécurité publique, la police brésilienne a enregistré une agression sexuelle toutes les 11 minutes en 2014. Sachant que seuls 10% des cas sont signalés aux autorités, selon la même association, le nombre des viols au Brésil pourrait dépasser les 500.000 par an, sur une population totale de 204 millions d'habitants.
Dans le seul Etat de Rio, 13 viols par jour en moyenne ont été officiellement répertoriés sur les quatre premiers mois de 2016.