Après la France, que faire?

Rachid Achachi.

ChroniqueÀ la suite de la reconnaissance officielle de la France de la marocanité du Sahara, se pose nécessairement la question de «l’après». Celle-ci peut être formulée de deux manières différentes: «Qui sera le suivant?» ou «Faut-il explorer de nouvelles perspectives stratégiques pour débloquer plus rapidement la situation?».

Le 31/10/2024 à 10h59

C’est désormais chose faite: la France a officiellement reconnu la souveraineté du Maroc sur le Sahara. Bien qu’attendu, eu égard aux liens historiques, économiques et culturels qui unissent nos deux pays, l’événement peut et doit être considéré comme historique, du point de vue de la longue marche, au sens propre (Marche verte) comme au figuré, entamée par le Maroc depuis son indépendance jusqu’à aujourd’hui pour recouvrer sa souveraineté sur tout son territoire, illégalement démembré par une double occupation espagnole et française. Historique aussi car la France est un membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et un acteur central au cœur de l’Union européenne qui, à ce titre, pourra contribuer à infléchir la position de certains pays européens encore réticents à reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara.

Mais, comme après la reconnaissance américaine en 2020, se pose nécessairement la question de «l’après». Celle-ci peut être formulée de deux manières différentes: «Qui sera le suivant?» ou «Faut-il explorer de nouvelles perspectives stratégiques pour débloquer plus rapidement la situation?».

La situation actuelle est que, de facto, le Sahara est marocain, et cela est un fait. Il suffit de s’y rendre pour le constater de visu. De jure, il est marocain pour une partie du monde. Pour l’autre, c’est un territoire disputé, dont le destin devrait être résolu dans un cadre multilatéral, celui de l’ONU. Celle-ci se subdivise globalement en deux catégories. La première est celle des États dont le rapport au droit international et aux droits de l’Homme relève de la bigoterie et du littéralisme. Il s’agit principalement des États scandinaves qui, du fait de leur méconnaissance du dossier et de leur prisme idéologique, constituent des proies faciles pour le discours misérabiliste et fallacieux qui leur est vendu par Alger.

La deuxième catégorie regroupe les États qui faisaient anciennement partie du bloc de l’Est et qui, du fait de l’inertie de leur histoire, ont du mal à se soustraire aux anciennes grilles de lecture imprégnées d’idéologie et totalement en inadéquation avec la réalité actuelle.

Mais il y a peut-être une troisième catégorie qui regroupe des États très disparates, et dont le noyau dur est constitué de pays formant actuellement le nouveau pôle de puissance alternatif à l’Occident, et dont j’ai déjà parlé dans ma précédente chronique, à savoir le Sud Global ou, pour le dire plus simplement, les BRICS.

Constitué par la Chine, la Russie et l’Inde, le noyau dur de cette organisation a réussi, malgré les apparences, à s’extraire du tropisme idéologique du passé.

La Chine, par exemple, n’a plus de communiste que le nom et la couleur, puisque dans les faits, il s’agit d’un capitalisme d’État et d’un grand défenseur devant l’Éternel de la mondialisation. Et ce sont paradoxalement les initiateurs de cette même mondialisation (les États-Unis et le Royaume-Uni) qui cherchent depuis quelques années à s’en extraire (Brexit, Trump…).

Quant à la Russie, son modèle économique depuis les années 2000 est celui d’un libéralisme classique, que je qualifierai de continental ou de territorialisé. Rappelons que depuis les années 2000 jusqu’en 2014 et même jusqu’à 2022, la Russie a tout essayé pour se rapprocher du monde occidental et en faire partie intégrante. C’est finalement le rejet occidental qui amena la Russie à redécouvrir sa profondeur stratégique et ses ancrages pluriels.

Enfin, il y a l’Inde. Vue par l’Occident comme la future Chine en termes de potentiel, l’Inde a réussi à développer durant les dernières décennies une diplomatie multivectorielle, à travers laquelle elle ne s’interdit aucun partenaire. D’ailleurs, rappelons les propos du président indien Narendra Modi lors du dernier sommet des BRICS à Kazan, où il affirma clairement qu’il était hors de question de faire de ce groupement un bloc anti-occidental.

Ainsi, le point commun entre ces trois puissances est bel et bien le pragmatisme et le désir de rééquilibrer les rapports de forces dans le monde, quitte à créer des institutions financières et économiques alternatives à celles de l’Occident.

Mais ce qui est problématique pour le Maroc dans cette nouvelle tectonique des plaques géopolitiques, c’est que nous ne nous trouvons pas très loin d’une faille sismique, pour rester dans la métaphore. De ce fait, nous nous retrouvons parfois entre deux feux, dans des règlements de comptes qui ne nous concernent pas directement.

«C’est bien cette approche de diversification stratégique qu’a enclenchée Sa Majesté le Roi à partir de 2015, et c’est celle-là même qu’il nous faudra accélérer dans ce momentum géopolitique.»

Ainsi, des résolutions peuvent être rejetées par les États-Unis, uniquement parce qu’elles sont proposées par la Russie, et inversement. Et dans ce bras de fer, le contenu ou l’objet de la résolution est secondaire.

Par conséquent, obtenir un consensus au sein d’un Conseil de sécurité plus clivé que jamais est un vrai défi diplomatique. Un défi, certes, mais pas forcément impossible à relever. Car depuis la fin de la guerre froide, le droit international est systématiquement maltraité, et ce, dans un contexte où, paradoxalement, tout le monde s’en revendique.

Le précédent a été indiscutablement l’opération, illégale du point de vue du droit international, menée par les États-Unis et l’Otan contre la Serbie en 1999, et qui a abouti à la création tout aussi illégale du Kosovo. Viendra ensuite la guerre illégale contre l’Irak en 2003 et une multitude d’autres cas de violation qu’il serait trop long de citer ici.

Depuis, ayant compris les nouvelles règles du jeu, la Russie justifie également toutes ses interventions par le droit international, en invoquant en particulier le devoir de se protéger, dans le cas de la Géorgie en 2008, de la Crimée en 2014 et du Donbass en 2022.

Seule la Chine semble se retenir de franchir ce pas, en particulier vis-à-vis de Taïwan. Mais là où elle s’interdit de défendre ses intérêts militairement, elle réussit à le faire brillamment sur le plan économique et commercial.

Quoi qu’il en soit, l’idée est que le rapport de ces États au droit international n’est aucunement idéologique, mais instrumental. C’est-à-dire qu’il évolue en fonction de leurs intérêts. De même, concernant le Sahara, leur argumentation, qui souvent se cache derrière les résolutions de l’ONU, ne dénote ni plus ni moins qu’une absence ou un faible intérêt de ces derniers pour ce dossier et ce territoire. Ou, dans le cas de la Russie, la nécessité de ménager un grand client, l’Algérie, sur le plan de l’armement.

Ainsi, l’inflexion de leur position dépend en grande partie de notre capacité à leur faire découvrir de nouvelles perspectives, de nature à leur créer des intérêts dans notre Sahara.

Citons l’exemple de l’accord de pêche que nous avons depuis des décennies avec la Russie, dont les bateaux opèrent au large de nos côtes au Sud sans que cela lui pose un cas de conscience, sachant que cela est en contradiction avec sa position officielle concernant ce territoire.

Par conséquent, si nous trouvons les clés adéquates pour attirer les capitaux de ces pays sur le territoire du Sahara, sans les mettre en porte-à-faux avec certains de leurs partenaires, cela pourrait non seulement contribuer à infléchir leur position, mais permettrait aussi de les mettre en concurrence avec nos partenaires occidentaux.

Car en diplomatie, rien n’est acquis. Et il est nécessaire de rappeler, de temps en temps, à nos partenaires occidentaux que le monde est grand, en tout cas plus grand que l’Occident.

C’est bien cette approche de diversification stratégique qu’a enclenchée Sa Majesté le Roi à partir de 2015, et c’est celle-là même qu’il nous faudra accélérer dans ce momentum géopolitique qui ne risque pas de se reproduire de sitôt, vu que la dynamique actuelle mène nécessairement les deux pôles antagonistes, Occident et Russie/Chine, à radicaliser de plus en plus leurs positions.

Par Rachid Achachi
Le 31/10/2024 à 10h59

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VOS RÉACTIONS

Bonsoir Monsieur Rachid Achachi. Un petit lapsus: Nerendra Modi n'est pas le président de l'Inde, il est premier ministre, c'est Droupadi Murmu qui est présidente de l'Inde. Cordialement.

Cette affaire des provinces du sud seul cette république bannière dite Algérie avec la complicité d une poignée d égarées nous ralenti dans l achèvement total de l intégrité territoriale aujourd'hui que faire ? Un Maroc très puissant a tout les niveaux

Le temps a la capacité de métamorphoser les divergences en convergences.les deux lignes parallèles que représentent les deux camps potentiels peuvent converger sur un point si on arrive à neutraliser cette traverse qui entrave leurs rapprochement.....l algerie qui represente cette traverse de rails ( métaphore ) campe sur sa position et déploie des moyens gigantesques pour bloquer le rapprochement des deux lignes parallèles.Ceci dit, il faut créer une zone de gravité alléchante et bénéfique pour les deux campements qui leurs permet de s entendre sans nuire à leurs image ¹de puissances incontestables .En fait les cinq membres du CS représentent les blocs politiques et économiques de notre globe avec un fil de nuance caractérisant les pays scandinaves à part leurs adhésion à l OTAN .

Ou alors deux petits coups du destin pour accélérer les choses de toutes façons, inéluctable dans la trajectoire actuelle : -1) élection de Trump. La diplomatie algérienne déjà inaudible sera obliger de raser les murs pour ne pas subir l'affront de se faire remettre à sa place sans ménagement .elle ne peut se le permettre. -2) le prix du baril à -60$ il est actuellement aux environ de 70 $ , un peu plus d'une dizaine de dollars , c'est la frontière entre la survie et le début de l'effondrement pour l'économie de rente algérienne. ces deux événements cumulés sur une durée de 2 à 3ans et cette affaire sera pliée, repassée, rangée dans l'armoire de l Histoire ,qui fera la part entre ceux qui ont été grands à la hauteur de leurs rangs et les dictateurs mégalomanes (Boumediene, Khadhafi)

Aydeen:::::::// Vous voulez une plaisanterie ? la voilà: si Trump s'installe a la Maison blanche et a la premiere occasion, de son feutre rouge, il retracera les contours de la grande province Est que la France a subtilisé au Royaume au début du siècle dernier

Ce qui reste à faire nécessite beaucoup de compétences et de connaissances en Histoire ! Nous avons beaucoup de données et de vérités Historiques (citées et publiées sur ce même Journal) qui démontrent clairement les Liens étroits du Maroc avec le Sahara Atlantique Marocain ! De plus Maintenant les deux anciens colonisateurs de la région reconnaissent la Marocanité de ces Territoires en bonne Conaissance de cause ! Donc, nous devons faire valoir la Vérité et que la Vérité pour convaincre le noyau "dur" qui reste à convaincre ! En parallèle le travail sur le terrain doit s'accélérer avec les nombreux Pays et Sociétés qui désirent y investir ! Merci

Je penses que le prochain "gros coup" a mettre serait de sortir la RASD de l'union africaine. Une étape qui me semble déterminante pour passer un message indirect à la Russie vu ses intérêts grandissants sur le continent et la multiplication des pays africains dans le BRICS.

Exactement. Et c'est la vrai tectonique. Celle de la plaque africaine. Sauter d'abord le faux volcan. Le bas fourneau.

On doit augmenter notre niveau militaire il est inconcevable qu'en 2025 qui arrive on a des F5 ou des mirages et aucun sous marin. On doit obligatoirement avoir un avion de domination aérienne comme le F15EX et au moins 4 sous marins !! Parce que quand tu as des militaires en algerie qui gouvernent la seule langue qu'ils comprennent c'est la langue des armes et non pas la langue diplomatique.

Hr ::::::// ce n'est pas nécessaire, cette rasd n'occupe qu'un strapontin du coin au sein de l'UA et ne participe pas aux négociations, c'est comme lorsque vous invitez a votre grandiose mariage un indésirable insignifiant et lui intimez l'ordre de ne chanter ni applaudir ni chanter, par contre vous lui accorderez de désosser les restes du festins

Essayer de créer une sorte de marché commun style Union européenne avec les pays par qui passera le futur gazoduc du Nigeria jusqu'au Maroc ( de Tanger à Lagouira ) ce marché sera aussi militaire cela attirera énormément d'entreprise européenne et du Golfe à venir investir chez nous et nous aurons un poids lourd de l'Afrique --> le Nigeria. L'essentiel à mon avis c'est de détourner ce conflit politico - militaire en conflit économique. Le seul et unique problème dans ce jeu sera la mauritanie . L'algerie doit être ignoré car sa seule solution est uniquement militaire.

Ce Sahara en dehors du Maroc a la viabilité d un embryon ex utero. 100.000 personnes qui forment un état, avec quelles ressources, quelles infrastructures, quelles structures administratives ? Un avenir à vivre des aides internationales comme des mendiants? On parle trop de terrain et pas assez de ce les personnes concernées voudraient.

Merci beaucoup. Il est peut-être important d'exclure le Polisario de l'Union africaine. L’essentiel est que le Maroc devienne plus fort économiquement et militairement et accroisse son rayonnement culturel. - Médias et cinéma, par exemple - sans négliger le rôle de la religion. À ce moment-là, ce seront certains pays qui demanderont la reconnaissance du Maroc et non l'inverse.

A mon avis, maintenant il faudrait agir "Tant que le fer est chaud". Je veux dire, il faudrait pousser le mur de défonce jusqu'aux frontières présentées et reconnues par les US et la France. Pour cette dernière, il faudrait qu'une entreprise française et marocaine démarrent le travail pour assainir et préparer le terrain d'une fructueuse coopération. ... Un diplomate chinois, lors d'un échange avec un journaliste, utilise la métaphore qui suit : "Nous les chinois, pour manger, on utilise les baguettes et vous les fourchettes et cela nous ne empêche pas de commercer avec vous..."...

Ce qu'il c'est passé avec la France cette semaine est historique, contrairement au états Unis, la France fera ce qu'elle a dit par des actes tel comme un consulats et investissement dans le sud ,ce que les Usa n'ont jamais fait merci à nos amis français, nous l'attendions de longue date

Pas loin du Maroc, après la visite de Sa Majesté dans ce pays il y a juste quelques années, il va falloir réactiver les contacts avec le Ghana. Ce poids lourd économique de l’Afrique de l’Ouest mérite d’être approché de nouveau pour reprendre les négociations d’un accord de libre-échanges. Des élections auront lieu bientôt dans ce pays, et il est temps que les deux dames qui dirigent les commissions permanentes des affaires étrangères aux deux chambres, Tazi et Benaziz, considèrent sérieusement de rétablir des canaux de communication avec leurs homologues du futur parlement Ghanéen. Sur le continent africain, il reste du travail à faire pour faire éjecter la soit-disant «RASD» de l’UA, et, à mon avis, en attirant le Ghana de son bord, le Maroc pourrait arriver à atteindre cet objectif.

Compter sur l’ONU pour mettre fin à ce conflit artificiel, créé ex-nihilo par Boumediene et Kadhafi ( qui sont retournés au néant qu’ils n’auraient jamais dû quitter 🐒) est une chimère ! Ce " grand machin " n’a jamais réglé aucun problème sérieux depuis sa création ! Aujourd’hui, nous sommes sûrs d’une chose : aucune résolution défavorable au Maroc ne sera adoptée par le CS, ce qui nous met dans une situation diplomatique très confortable. Mais, nous sommes aussi convaincus que même si la terre entière reconnaît notre intégrité territoriale, ces tarés de l’Est n’abandonneront jamais leurs fantasmes ! Aussi, nous n’avons pas d’autre alternative que continuer à nous renforcer sur tous les plans, car l’équation est simple : vaincre ou disparaître de la carte 🤔

Je pense que l’Inde à choisi son camp et elle a annoncé son approbation pour le plan d’autonomie proposé par le Maroc reste la Chine qui serait beaucoup proche pour une reconnaissance la Russie est une autre histoire malgré l’accord de pêche signé avec le royaume est empêtrée dans une guerre dont on connaît pas le bout une brèche à été ouverte avec les pays baltes l’Estonie en l’occurrence une autre avec les pays scandinaves la Norvège en tête le processus sera long mais irréversible

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