La Ligue 1 algérienne, championnat de football de première division, est confrontée à une série de violences dans les stades que les autorités algériennes n’arriveront jamais à juguler. Et pour cause, faute de pouvoir manifester dans la rue, même en soutien à la Palestine, que le régime a érigée en cause nationale, la jeunesse a choisi les gradins pour exprimer, au rythme des matchs, son rejet du régime militaire qui se maintient par la seule force.
Le vendredi 13 décembre encore, le stade Zakaria Medjdoub d’El Bayadh a connu de graves incidents, à l’occasion d’un match opposant deux clubs de l’Ouest algérien, le Mouloudia local et son homonyme d’Oran, dans le cadre de la 13ème journée du championnat d’élite. À la mi-temps, des banderoles affichées par les supporters du club visiteur -et dont a n’a pas pu déterminer le contenu- ont soulevé l’ire des spectateurs locaux.
Ces derniers ont ainsi envahi le terrain pour aller arracher ces banderoles, ce qui a déclenché une rixe avec les supporters oranais, descendus à leur tour sur l’aire de jeu, défiant la forte présence des forces anti-émeutes et la clôture en barres de fer surélevées de pointes acérées qui séparaient le terrain des tribunes. Malgré le nombre important de blessés, les violences se sont poursuivies sur les gradins, dont les sièges ont été arrachés, entre autres infrastructures vandalisées.
Cet incident n’a rien de nouveau ni d’exceptionnel, puisque le championnat local, comme les compétitions continentales auxquelles participent les clubs algériens, connaît régulièrement son lot de violences. Le 21 septembre dernier, alors que les Algériens étaient encore remontés contre leur régime suite à la reconduction chaotique d’Abdelmadjid Tebboune pour un «mandat présidentiel de trop», la colère a encore grondé dans les stades.
Lors du match du MC Alger contre le club tunisien de Monastir (au titre de la Ligue des champions africaine), de nouvelles violences ont eu lieu au stade Ali Ammar de Douera (Alger), et un jeune supporter, du nom de Walid Bouaziz, y trouva la mort. Les Tunisiens ont adressé une plainte auprès de la CAF pour sanctionner les organisateurs algériens dudit match, émaillé de graves incidents.
L’alliance entre le président tunisien Kaïs Saïed et Abdelmadjid Tebboune a également joué et chauffé les esprits lors de cette rencontre algéro-tunisienne. L’heure a été d’autant plus grave que le président algérien a demandé à son Premier ministre, Nadir Larbaoui, de convoquer une réunion d’urgence en vue de mettre fin aux violences dans les stades. Cette rencontre, à laquelle ont assisté le ministre de l’Intérieur, celui de la Jeunesse et des Sports, le PDG de la Sonatrach, le président de la Fédération algérienne de football (FAF) et le patron de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), s’est soldée par un échec retentissant.
La présence du PDG de la Sonatrach à cette réunion s’explique évidemment par le fait qu’après avoir bloqué la marche vers la professionnalisation des clubs algériens de football, le régime a chargé la Sonatrach, mais aussi Mobilis, l’opérateur public de téléphonie mobile, de renflouer les caisses de ces clubs. Une façon d’empêcher l’émergence de clubs financièrement indépendants et de les mettre au pas, exactement comme ce régime l’a fait pour la presse locale, biberonnée avec les fonds de l’Agence nationale de l’édition et de la publicité (ANEP).
Toutes ces manœuvres n’ont pas empêché les stades de football de toujours constituer une bête noire pour le régime, qui n’a pas oublié que ce sont les supporters des clubs locaux qui ont été, en février 2019, le catalyseur du Hirak populaire. La plupart des slogans scandés par les manifestants de ce mouvement contestataire, de 2019 à 2021, ont pris naissance dans les gradins des stades.
Lire aussi : Selon un média italien, l’Algérie préparerait une guerre de «haute intensité» contre le Maroc
De même, des chansons célèbres, comme «La Casa d’El Mouradia», du groupe Oulad El Bahja (dont le texte fustigeait le régime, ses généraux et ses présidents-marionnettes), ont été régulièrement entonnées dans les gradins à l’occasion de matchs de football. Le régime algérien redoute tellement ces supporters qu’il a, à plusieurs reprises, reporté ou organisé à huis clos de nombreux matchs sensibles. L’on se rappelle ainsi que le 18 octobre 2023, la FAF a annoncé, dans un communiqué officiel, la suspension de toutes les rencontres dans les stades.
Prétextant agir ainsi en soutien à la Palestine, le régime craignait en réalité d’être débordé par les supporters à travers des manifestations de rue à la sortie des stades. S’il a réussi aujourd’hui à interdire les manifestations du Hirak, le régime n’est pas arrivé à tuer ce mouvement, dont la flamme est toujours maintenue en vie par les supporters. Ces derniers ne sont que la partie visible de la prochaine vague de contestation qui va certainement emporter le régime militaire.