Pouvoir d’achat: les dépenses des ménages marocains peinent à se redresser

Le taux d’inflation recule progressivement, mais les prix de consommation restent encore élevés par rapport à l’avant Covid-19.

Les dernières statistiques du Haut-Commissariat au plan, ainsi que celles émanant de Bank Al-Maghrib augurent pour l’année 2024 une stagnation de la consommation des ménages. Pour mieux comprendre, Le360 a interrogé l’économiste Mohammed Chiguer qui suggère de donner la priorité au marché interne sur l’export afin de faire face à la hausse des prix.

Le 26/02/2024 à 13h57

On le sait depuis que le Haut-Commissariat au plan (HCP) a publié, il y a quelques semaines, ses chiffres sur les perspectives économiques pour l’année en cours. La consommation des ménages ne devrait progresser que légèrement (1,1%) cette année «sur fond d’amélioration des revenus perçus et d’une inflation encore rigide à la baisse», indique le HCP. Et ce, après avoir reculé de 0,7% en 2022 et augmenté d’à peine 0,6% en 2023, «dans un contexte marqué par l’amélioration modérée des revenus agricoles et par la poursuite du rythme tendanciel des transferts des MRE», explique la même source.

Le pouvoir d’achat des ménages se dégrade

Cette atonie de la consommation des ménages est le corollaire d’une perte du pouvoir d’achat des ménages, qui dépend du niveau du revenu des familles et du niveau des prix sur les marchés. Les dernières données disponibles, fournies par le HCP, montrent que ce pouvoir d’achat s’est dégradé de 2,5 en 2022, suite à l’évolution de 6,6% des prix à la consommation.

Et ce n’est, peut-être, pas fini. D’après un rapport publié récemment par la représentation marocaine de l’ONG internationale Oxfam sur l’inflation, tous ceux dont les revenus ne sont pas augmentés vont perdre, en moyenne, 5% du pouvoir d’achat.

Un autre indicateur important corrobore ce constat. Il s’agit des derniers chiffres de Bank Al-Maghrib sur le crédit bancaire en 2023. Il en ressort, en effet, que le crédit à la consommation a connu un net ralentissement (+0,4% contre +3,9% en 2022).

Ces chiffres sont, d’ailleurs, étayés par les résultats de l’enquête permanente de conjoncture auprès des ménages, menée par le HCP, qui montrent qu’au quatrième trimestre de 2023, le moral des ménages a été à son niveau le plus bas depuis le début de l’enquête en 2008. Ces résultats font, en effet, ressortir un ressenti par les ménages d’une détérioration du niveau de vie, d’une conjoncture peu favorable à l’achat des biens durables, d’une détérioration de leur situation financière, de la faiblesse de leur capacité future à épargner, d’une augmentation des prix des produits alimentaires.

L’emploi agricole malmené par la sécheresse

Cette situation est le résultat d’une succession des crises, dont notamment celle liée à Covid et la sécheresse, explique l’économiste Mohammed Chiguer, contacté par Le360. La sécheresse a porté un coup dur à l’emploi, sachant que l’agriculture représente autour de 40% de l’emploi au Maroc, au moment où l’industrie n’intervient pas encore d’une manière décisive dans l’emploi, précise le président du Centre d’études et de recherches Aziz Belal (CERAB).

Que faire alors pour redresser la situation?

Pour cet économiste, la solution est le renforcement du pouvoir d’achat des ménages. Pour ce faire, il ne suffit pas d’augmenter les salaires, car cette mesure ne bénéficiera qu’à une frange des citoyens, souligne-t-il. En fait, d’après les derniers chiffres du HCP sur le marché du travail, la population active occupée, soit le nombre de personnes qui ont un emploi, est de 10,591 millions de personnes en 2023. Surtout que cet emploi est caractérisé par certains phénomènes qui en atténuent la portée, à savoir l’emploi non rémunéré, 11% et le sous-emploi, dont le taux est de 9,8%.

Export VS pouvoir d’achat des ménages?

Le renforcement du pouvoir d’achat des ménages doit donc reposer surtout sur la maitrise de l’inflation, insiste notre interlocuteur, soulignant que même si le taux d’inflation recule progressivement, on n’est pas encore revenu aux prix d’avant la Covid-19. Cette maitrise de l’inflation devra donner lieu à une baisse des prix des produits de base, indique-t-il. Pour ce faire, il suggère surtout de donner la priorité au marché interne sur l’export. «C’est un choix à faire entre le pouvoir d’achat des ménages et l’export», résume-t-il. Il a également exprimé une appréhension quant aux effets sur les ménages de l’augmentation du prix de la bonbonne de gaz butane de 10 DH en avril prochain. Celle-ci, estime-t-il, devrait tirer vers le haut les prix à la consommation. Surtout que certains seront tentés d’en profiter pour réaliser des profits indus, prévient-il.

Par Lahcen Oudoud
Le 26/02/2024 à 13h57