Alors que la promotion de l’entrepreneuriat des jeunes figures parmi les grandes orientations stratégiques du Royaume pour réduire le taux de chômage, le dernier rapport de la Cour des comptes épingle le fiasco du Programme national des pépinières d’entreprises (PNPE), mis en place dans le cadre du Fonds de promotion de l’emploi des jeunes, lancé en 1994.
Avec l’ambition de créer 4.000 entreprises et 40.000 postes d’emploi et d’atteindre 2 milliards de dirhams d’investissements privés, ce projet, auquel l’Etat a alloué des crédits budgétaires s’élevant à 160 millions de dirhams pour la création d’espaces d’incubation pour les activités portées par les jeunes entrepreneurs, n’a atteint aucun de ces objectifs.
17 pépinières sur 36 opérationnelles
Alors que 36 pépinières d’entreprises devaient être construites au niveau national, en vue de les mettre à disposition des communes concernées, qui sont chargées de leur gestion, seules 27 ont été édifiées à fin mai 2022. Pire encore, seules 17 pépinières sont opérationnelles, avec un taux de fonctionnement moyen de 72%.
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Cinq pépinières, d’un coût de réalisation de 34,36 millions de dirhams, ne sont toujours pas fonctionnelles malgré la construction de leurs locaux. De plus, les travaux de réalisation de deux autres pépinières d’un coût de 24,69 millions de dirhams sont suspendus et trois autres pépinières réalisées ont été réaffectées à d’autres types d’activités, révèle le rapport de la Cour des comptes.
Création d’emplois: l’objectif atteint à 2%
Pour ce qui est des objectifs du programme, l’institution dirigée par Zineb El Adaoui note que «les résultats atteints demeurent en deçà des objectifs escomptés et ne sont pas adéquats avec le montant des investissements publics mobilisés». En effet, les pépinières opérationnelles n’ont créé que 2.765 emplois sur les 40.000 attendus et 87 entreprises sur les 4.000 prévus, soit des taux de réalisation respectifs de 2% et de 7%.
Les résultats modestes obtenus, tant sur le plan quantitatif que qualitatif, sont dus à «des insuffisances en termes de conception et de suivi du programme à l’instar de l’absence d’études de faisabilité, la non- formalisation du programme, ainsi que l’absence d’organe central de gouvernance et de pilotage du programme», souligne-t-on.
Un étranger parmi les bénéficiaires du programme
Plus scandaleux, l’audit de la Cour des comptes a révélé que certains locaux professionnels ont été attribués à des bénéficiaires ne remplissant pas les critères prévus par le programme. A Oujda, par exemple, des gérants d’entreprises ont pu bénéficier de locaux réservés aux personnes sans emploi.
A Taourirt, quatre bénéficiaires habitent en dehors de la province et dépassent l’âge limite de candidature, alors qu’une cinquième personne a pu bénéficier de deux locaux à la fois. L’un des bénéficiaires à El Jadida ne dispose même pas de la nationalité marocaine. A Benguérir, onze bénéficiaires du programme réservé aux jeunes ont plus de 45 ans.
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Par ailleurs, l’évaluation de l’exploitation des pépinières d’entreprises opérationnelles a révélé que «de nombreux locaux professionnels ont été attribués aux bénéficiaires en l’absence de cahiers de charges et sans conclusion de contrats de bail dans certains cas». De plus, certaines clauses des contrats conclus ne sont pas compatibles avec les objectifs du PNPE, comme c’est le cas de la durée de bail, censée garantir le principe de rotation dans l’exploitation des locaux professionnels.
Le rapport de la Cour des comptes a également noté l’absence de mesures particulières pour intégrer l’approche genre: sur 848 bénéficiaires, seuls 35 sont des femmes. Il a aussi été relevé une non-conformité des activités effectivement pratiquées avec celles ciblées.
Dans l’ensemble, la conception et la mise en œuvre des pépinières d’entreprises, ayant coûté plus de 281,85 milliards de dirhams, font face à plusieurs carences qui impactent négativement aussi bien l’atteinte des résultats escomptés que la durabilité et la performance des pépinières réalisées. Par conséquent, toutes les pépinières réalisées se sont écartées du modèle de gestion qui leur avait été initialement fixé, conclut le rapport de la Cour des comptes.