Oignons: les agriculteurs d’El Hajeb détaillent les raisons de la flambée des prix

Un champ d'oignons secs dans la province d'El Hajeb. (Y.Jaoual/Le360)

Le 07/04/2025 à 16h33

VidéoDepuis plusieurs semaines, les prix de l’oignon sec atteignent des sommets inédits sur les marchés marocains, grimpant parfois jusqu’à 12 dirhams le kilo. Une situation qui pèse lourdement sur le budget des ménages, en particulier les familles à revenu modeste. À El Hajeb, région réputée pour sa production d’oignon, agriculteurs et professionnels dénoncent la spéculation et appellent à des mesures structurelles.

Au cœur des exploitations agricoles entre Sabaâ Aïyoun et Aït Boubidmane, dans la province d’El Hajeb, l’heure est à l’inquiétude. Dans cette région agricole de Fès-Meknès, les producteurs d’oignons assistent, impuissants, à une envolée des prix sur les marchés, sans pour autant en tirer profit. Si le consommateur paie aujourd’hui jusqu’à 12 dirhams le kilo d’oignon rouge, les agriculteurs, eux, vendent leur récolte à des prix souvent dérisoires.

Selon Soufiane Gnaoui, agriculteur à Aït Boubidmane, cette flambée s’explique en grande partie par une pénurie des oignons à cette période de l’année. «La production d’oignons rouges se concentre entre juillet et septembre. Le produit vendu actuellement provient du stock entreposé pour couvrir les besoins du reste de l’année», déclare-t-il. «Les pertes liées au stockage, ajoutées aux frais de transport, influent fortement sur le prix de vente durant les mois de mars et avril», ajoute-t-il.

Mais au-delà de la rareté du produit, les professionnels pointent surtout du doigt les marges excessives réalisées par les intermédiaires. «Le petit agriculteur vend le kilo entre 50 et 80 centimes, tandis que les plus grands producteurs arrivent à peine à le céder entre 1,50 et 2 dirhams. Pourtant, ce même oignon est revendu jusqu’à cinq fois plus cher sur les marchés», explique l’agriculteur. «C’est une énorme disparité qui ne reflète en rien nos efforts et nos investissements», déplore-t-il.

Dans la région, la culture de l’oignon rouge, réputé pour sa qualité, et celle de l’oignon blanc, dit «khdariya», bien que moins répandue, représentent une activité économique vitale. Ce travail minutieux commence par une étape appelée la «tahrifa», où un demi-bulbe est planté pour produire la semence. Celui-ci est ensuite trié, replanté, puis récolté en tant qu’oignon. «Ce sont des étapes exigeantes qui nécessitent un suivi constant et un savoir-faire traditionnel. La productivité varie selon le type de sol, le système d’irrigation et les techniques culturales, et peut atteindre jusqu’à 40 tonnes par hectare dans les meilleures conditions», précise Soufiane Gnaoui.

«Le manque de précipitations en début d’année a fortement impacté la production locale», se plaint Mohammed Ahrimech, propriétaire d’une exploitation agricole à Bouderbala. «À cela s’ajoutent les coûts de stockage et les pertes encourues, qui aggravent encore la situation», poursuit-il.

Face à cette crise, les producteurs interpellent les autorités. «Il est urgent d’ouvrir l’exportation pour permettre aux producteurs d’écouler leur stock dans de meilleures conditions», plaide-t-il en insistant sur le besoin d’un encadrement plus rigoureux pour protéger le capital des agriculteurs et assurer la pérennité de cette culture.

Pour de nombreux agriculteurs de la région, l’avenir de la filière dépend de politiques agricoles durables et de projets structurants. «La culture de l’oignon à El Hajeb est un modèle d’agriculture rurale mêlant savoir-faire ancestral et volonté de modernisation», souligne Mohammed Ahrimech. «Mais sans projet comme l’Agropolis de Meknès, toujours en attente de lancement, il sera difficile de sortir de cette spirale de précarité», conclut-il.

Par Youssra Jaoual
Le 07/04/2025 à 16h33