Lors d’une conférence de presse organisée le 28 novembre à Casablanca, Nabil Badr, directeur adjoint à la supervision bancaire de Bank Al-Maghrib, a présenté les grandes lignes du projet de loi sur la création d’un marché secondaire des créances en souffrance au Maroc qui intégrera bientôt le circuit d’adoption. Ce mécanisme juridique, rappelons-le, permettra aux banques de transférer, à titre onéreux, des crédits impayés à des investisseurs spécialisés, en particulier étrangers, ce qui leur permettra d’assainir leurs bilans, de renforcer leur solvabilité et de disposer de nouvelles liquidités.
D’après ce texte législatif, actuellement en examen au Secrétariat général du gouvernement, est considérée comme créance en souffrance «toute créance litigieuse ou qui présente un risque de non-recouvrement total ou partiel, eu égard à la détérioration de la capacité de remboursement immédiat et/ou futur du débiteur».
L’article 3, qui aborde les caractéristiques de la créance cédée, précise que celle-ci peut porter sur «tout ou une partie d’une créance en souffrance, de nature monétaire, présente, dont le montant est déterminé ou déterminable, détenue par un établissement de crédit ou organisme assimilé, résultant d’une opération de crédit».
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Cette réforme propose également, dans son article 4, une dérogation aux dispositions de l’article 18 de la loi bancaire relatives au monopole bancaire, permettant ainsi à toute personne «de procéder à l’acquisition, dans l’exercice de son activité professionnelle, de créances en souffrance».
Modalités de transfert direct des créances
Les modalités de transfert direct des créances sont également déterminées par l’article 5, qui stipule que «la cession transfère au cessionnaire la propriété de la créance cédée en contrepartie du paiement d’un prix déterminé ou déterminable». Ce transfert pourra s’effectuer entre le cédant et le cessionnaire «en contrepartie du paiement d’un prix de concession convenu».
Pour que cette cession des créances soit valide, elle doit être constatée par écrit, comme l’indique l’article 6, qui précise que l’acte de cession, qui doit être signé par le cédant et le cessionnaire, doit comporter «l’identité des parties, la date de cession, la dénomination acte de cession de créances en souffrance, la liste des créances cédées avec l’indication, pour chacune d’elles, des éléments susceptibles de permettre son individualisation, et le montant qui doit être payé par le concessionnaire».
L’article 8, consacré aux conditions d’opposabilité de la cession entre les parties, indique que ce transfert prend effet et leur devient opposable à la date portée sur l’acte. « À compter de la date portée sur l’acte, le cédant ne peut, sans l’accord du cessionnaire, modifier l’étendue des droits attachés aux créances énumérées dans cet acte», précise le texte.
Dérogation au consentement du débiteur
L’autre disposition figurant dans ce projet de loi, et pas des moindres, c’est la dérogation au consentement du débiteur (article 7), prévu dans l’article 192 du Dahir des obligations et des contrats (DOC). «Cette disposition permet de supprimer la nécessité d’obtenir l’accord du débiteur pour qu’une banque puisse procéder à une cession de créances en souffrance», explique Nabil Badr.
Concernant la notification de la cession des créances au débiteur, les articles 9 et 10 proposent une dérogation des dispositions de l’article 195 du DOC qui prévoit l’exigence de la signification au débiteur (par huissier), pour que la cession ne lui soit opposable que si elle lui a été notifiée au moyen d’un courrier recommandé.
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«La notification est réputée valablement faite au moyen d’un courrier recommandé transmis par le cédant ou le cessionnaire au débiteur cédé», indique le document, précisant que ce courrier doit être adressé à l’établissement ou au représentant légal pour une personne morale, et à l’adresse mentionnée dans le contrat de prêt pour la personne physique.
Le projet de loi sur la création du marché secondaire des créances en souffrance contient, aussi, des dispositions relatives au paiement des crédits impayés et à la protection du débiteur. Selon l’article 11, le débiteur, dont la créance a été cédée, est valablement libéré s’il paie de bonne foi le cédant. Le cessionnaire peut aussi interdire à ce débiteur de payer le cédant.
«Afin de protéger le débiteur et de lui éviter d’avoir à payer deux fois, ce projet prévoit que le débiteur se libère valablement s’il paie de bonne foi le cédant si la notification n’est pas effectuée par les parties, ou si le paiement a lieu avant la date de notification», indique le directeur adjoint à la supervision bancaire.
Une autorisation de l’Office des changes pour la cession de créance à des étrangers
L’autre nouveauté apportée par ce texte législatif (article 12) concerne la dérogation aux dispositions de l’article 204 du dahir DOC qui prévoit que le cédant d’une créance en souffrance est garant de la solvabilité du débiteur à hauteur du prix de cession de la créance. Cette garantie est ainsi supprimée si la cession de créances en souffrance est effectuée dans le marché secondaire. «Cette disposition permet de supprimer tout engagement hors bilan des banques cessionnaires», souligne la banque centrale.
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Durant sa présentation, Nabil Badr a également précisé que Bank Al-Maghrib prévoit d’introduire, au niveau de l’Instruction générale des opérations de change, des dispositions permettant d’intégrer les revenus issus des opérations de cession d’une créance en souffrance.
Parmi celles-ci, l’obtention d’une autorisation de l’Office des changes pour la réalisation des flux, dans le cas de cession d’une créance en souffrance au profit d’un investisseur non-résident. Un document qui sera obligatoire lors d’un «transfert au profit de l’investisseur non-résident des fonds collectés auprès du débiteur par une société de recouvrement locale», ou d’un «transfert hors du Maroc du produit de cession d’un immeuble suite à la réalisation d’une hypothèque».