Le Maroc face à l’urgence de structurer ses déchets électroniques

Des déchets électroniques.

Revue de presseAlors que le volume des déchets issus d’équipements électriques et électroniques ne cesse de croître au Maroc, le Conseil économique, social et environnemental alerte sur les risques, mais surtout sur les opportunités. Cet article est une revue de presse tirée du quotidien L’Economiste.

Le 03/07/2025 à 22h16

En 2022, le Maroc a généré près de 177.000 tonnes de déchets issus d’équipements électriques et électroniques (DEEE), un volume qui pourrait atteindre 213.000 tonnes d’ici 2030, selon les projections. Une évolution rapide que le Conseil économique, social et environnemental (CESE) ne considère pas comme une menace, mais comme un levier stratégique à activer, indique le quotidien L’Economiste dans son édition du vendredi 4 juillet.

Dans un avis publié en auto-saisine, intitulé «Vers une économie circulaire des équipements électriques et électroniques: du déchet à la ressource», le CESE revient sur un paradoxe de plus en plus criant. Si les objets électroniques sont omniprésents dans les secteurs de l’industrie, de la santé, de l’éducation ou encore de la mobilité, leur fin de vie reste largement ignorée, mais pas sans conséquences.

Polluants, parfois toxiques, et très souvent manipulés dans des conditions informelles, les DEEE souffrent d’un manque flagrant de structuration. En 2020, à peine 13% de ces déchets ont été recyclés via les circuits officiels. Le reste, non tracé, finit dans des décharges sauvages ou entre les mains du secteur informel, entraînant une perte nette de matières premières valorisables et un manque à gagner pour l’économie nationale, écrit le quotidien.

Pour le CESE, il est urgent de construire une véritable chaîne de valeur nationale, intégrée, couvrant l’ensemble du cycle de vie des équipements, de la conception à la récupération en passant par la réparation et le recyclage.

Le Conseil appelle à une gouvernance partagée, reposant sur un cadre juridique contraignant et un alignement réel des acteurs publics, privés et territoriaux. Plusieurs leviers d’action sont identifiés. Le premier est réglementaire. Il s’agit d’élargir la responsabilité des producteurs et distributeurs, en les obligeant à prendre en charge leurs produits en fin de vie, à travers des dispositifs de reprise, des normes de durabilité ou encore des scores de réparabilité.

Le CESE recommande aussi d’intégrer les équipements encore exclus de la réglementation, comme les panneaux solaires ou les batteries de véhicules électriques, lit-on encore.

Le deuxième axe stratégique porte sur la traçabilité. Pour gérer efficacement les DEEE, encore faut-il savoir ce que l’on collecte. Le Conseil propose de classer précisément les composants électroniques et de créer un inventaire national afin d’en garantir la réutilisation dans des conditions sûres et durables.

Cela suppose une refonte profonde des infrastructures. Les centres de tri et les décharges devraient être transformés en plateformes spécialisées, encadrées par des normes sanitaires et environnementales strictes. Ce chantier représente un investissement lourd, mais il est potentiellement porteur d’emplois qualifiés.

Le CESE met en lumière le rôle central du secteur informel, qui capte aujourd’hui une part importante des flux de déchets électroniques. Collecteurs de rue, réparateurs et récupérateurs assurent une fonction essentielle, mais dans des conditions précaires, sans sécurité ni traçabilité.

Plutôt que de les marginaliser, le Conseil préconise leur intégration progressive au sein de coopératives ou de groupements d’intérêt économique (GIE). Cette formalisation permettrait de reconnaître leurs compétences, de sécuriser leurs pratiques, et d’en faire des maillons efficaces de la future filière nationale. Leur expertise de terrain en matière de tri, de réparation ou de récupération constitue en effet un véritable capital à valoriser.

Par Nabil Ouzzane
Le 03/07/2025 à 22h16