ENI, BP, Chevron, Repsol, Kosmos… Autant de noms prestigieux qui, par le passé, avaient misé sur les ressources pétrolières et gazières du Royaume. Mais aujourd’hui, les grands acteurs de l’industrie énergétique ont quasiment tous tourné la page marocaine. Les compagnies encore actives sont rares, peu expérimentées, et souvent de taille modeste, constate le magazine Jeune Afrique dans une analyse dédiée.
Dernier exemple en date, Sound Energy, qui a vendu en décembre dernier sa filiale marocaine pour 45,2 millions de dollars. Une opération destinée à alléger ses pertes, mais qui n’a pas empêché la société de clôturer l’année 2024 avec une perte nette de 122 millions de livres sterling.
Même trajectoire pour Energean, qui s’est retirée en mai 2025, à peine un an après son entrée sur le marché marocain, cédant ses actifs offshore à Chariot, énumère Jeune Afrique. Cette dernière, si elle renforce ainsi sa présence, reste prudente et conditionne la suite de ses activités à la confirmation des ressources.
Quant à Genel Energy, titulaire du permis offshore de Lagzira (au sud de Sidi Ifni), elle a choisi de ne pas renouveler sa licence à l’issue de la période d’exploration, achevée en juin. Aucune explication officielle n’a été donnée, mais les analystes évoquent un arbitrage en faveur de zones géologiquement plus prometteuses, lit-on.
Malgré ces départs en série, l’ONHYM continue d’afficher un optimisme mesuré. Selon l’Office, le sous-sol marocain demeure sous-exploré. Seulement 0,04 puits foré pour 100 km², contre une moyenne mondiale de 10 puits. «L’absence de découverte majeure ne signifie pas que le potentiel n’existe pas», défend la direction.
L’exemple d’Europa Oil & Gas, active au large d’Agadir, illustre cet écart entre promesses et concrétisation. En 2022, la société avait annoncé avoir identifié plus d’un milliard de barils récupérables, sans qu’aucun forage ne soit venu confirmer ces estimations.
Le Maroc offre pourtant un cadre incitatif: exonération totale d’impôt pendant dix ans, franchise douanière sur les équipements et plafonnement de la participation de l’État à 25%. Mais cela ne semble plus suffire à attirer les investissements dans un contexte mondial où les compagnies privilégient des zones à rentabilité prouvée.
Pour renforcer l’attractivité du secteur, l’ONHYM a lancé une révision de son système d’information géographique pétrole, avec pour objectif de centraliser et mieux valoriser les données géologiques disponibles.
«Le potentiel est réel, mais il nécessite une stratégie rigoureuse et des partenariats solides», plaide l’Office, qui multiplie les échanges avec des investisseurs étrangers. En 2024, seules quatre opérations de forage ont été menées (trois onshore, une offshore), pour un investissement global de 1,05 milliard de dirhams, bien en deçà des ambitions affichées.
Mais même dans l’hypothèse d’une découverte majeure, des défis de taille restent à relever. «Aucune infrastructure n’est aujourd’hui disponible pour traiter ou exporter d’éventuels hydrocarbures», avertit Philippe Sébille-Lopez, expert en géopolitique de l’énergie.