Il aura suffi d’une cargaison de myrtilles contaminée par quelques fragments de verre pour que le système européen d’alerte rapide (RASFF) s’active et mette en branle les autorités sanitaires néerlandaises. En un éclair, c’est toute la chaîne logistique reliant les champs fertiles d’Agadir aux étals d’Amsterdam qui a été traversée d’un frisson, relate le quotidien Les Inspirations Éco dans son édition du 13 mai.
Ces baies, symboles d’une agriculture marocaine en pleine modernisation, propulsée par des investissements lourds et une expertise grandissante, se retrouvent brusquement au cœur d’une alerte sanitaire. Et pourtant, rien ne laissait présager un tel retournement. «Avant de quitter le Maroc, le lot incriminé avait passé sans encombre les contrôles microbiologiques de l’ONSSA, réalisés tous les quinze jours», lit-on.
Mais c’est en Espagne, lors du conditionnement —étape intermédiaire avant l’expédition vers les Pays-Bas— que l’hypothèse d’une contamination a émergé. «Il est difficile à ce stade de déterminer l’origine exacte de l’incident, bien que les investigations soient toujours en cours», indique Amine Bennani, président de l’Association marocaine des producteurs de fruits rouges, cité par le quotidien. «Ce qui est certain, c’est qu’au Maroc, les protocoles ont été strictement respectés».
L’incident tombe au plus mauvais moment: à l’apogée d’une campagne exceptionnelle pour les fruits rouges marocains. À fin avril 2025, les exportations atteignent un record avec 179.942 tonnes, soit une progression de 18% par rapport à l’année précédente. Les produits frais, largement majoritaires, représentent 141.492 tonnes (+18), dopés notamment par l’explosion des myrtilles (+23%, soit 65.077 tonnes).
La région de Souss-Massa, épicentre du secteur et désormais involontairement associée à l’alerte, enregistre à elle seule une croissance fulgurante de 43% pour les myrtilles (22.150 tonnes). Rabat-Salé-Kénitra affiche une hausse solide de 31%, tandis que des zones historiquement moins dynamiques comme Fès-Meknès créent la surprise avec une envolée de 373%. À l’inverse, Casablanca-Settat recule nettement, avec une chute de 57% de ses volumes exportés.
Les autres segments confirment leur vitalité. Les framboises progressent de 20% (65.263 tonnes), tandis que les fraises, en légère baisse de 4% sur le frais, enregistrent tout de même une hausse globale de 10%, tirée par la transformation. Quant aux fruits rouges dits «autres», leur croissance atteint 47%, bien que les volumes restent encore modestes.
Sur le front de la valorisation, les produits transformés poursuivent leur montée en puissance (+19%), portés par les framboises (+25%) et les fraises (+22%). En revanche, les myrtilles transformées peinent à décoller (+5% seulement), révélant les défis persistants dans la chaîne de valeur agro-industrielle marocaine.
À moins d’un mois de la fin de la saison, les professionnels anticipent une croissance globale de 10 à 20%, malgré le nuage que fait planer l’incident de contamination. «Aucun impact commercial ni réputationnel n’a été constaté à ce jour. Nos clients nous font confiance, et les expéditions se poursuivent normalement», assure Amine Bennani. L’épisode souligne néanmoins l’urgence de renforcer les normes de sécurité alimentaire tout au long de la chaîne, y compris dans les étapes sous-traitées à l’étranger.