Malgré l’opposition de 6 élus membres du PJD, l’expropriation pour cause d’utilité publique du terrain de la villa Mauvillier est passée comme une lettre à la poste au conseil de la ville réuni hier en session extraordinaire. Présidant la séance, Lhoucine Nasrollah, deuxième vice-président de la mairie, en a profité pour lever le voile sur certains aspects de ce dossier sensible.
L’élu du parti de l’Istiqlal a rappelé la chronologie des faits. Il a d’abord évoqué la dérogation obtenue par la société Art Seven pour bâtir un hôtel Marriott de 14 étages à l’angle des boulevards Zerktouni et Anfa. Après l’obtention du permis de construire en mai 2020, les travaux ont débuté. Pourtant, huit mois plus tard, alors que les fondations étaient déjà bien avancées, Art Seven a reçu l’ordre de tout suspendre. Cette décision a poussé l’entreprise à porter l’affaire en justice.
Villa Mauvillier. (A.Gadrouz/Le360)
Tout semblait joué d’avance. Le promoteur du projet hôtelier avait remporté son combat judiciaire à tous les niveaux: première instance, appel, puis cassation. Mais alors que les travaux s’apprêtaient à reprendre, l’affaire a pris un tournant inattendu. Lhoucine Nasrollah raconte l’irruption d’un nouvel acteur dans le dossier — une tierce partie dont il n’a pas dévoilé l’identité — qui a obtenu un jugement reconnaissant l’existence de «difficultés dans l’exécution» de la décision autorisant la reprise du chantier. Un coup de théâtre dans un feuilleton juridique qui semblait pourtant clos.
Même si ce jugement de première instance a été annulé en appel, Nasrollah révèle que cette partie adverse, n’ayant pas été notifiée de cette décision, s’y est de nouveau opposée et a obtenu à son tour gain de cause avec un nouveau verdict, prononcé le 5 juin dernier, confirmant les contraintes à l’origine de la mise en pause du chantier. «Le projet est donc aujourd’hui à l’arrêt et ne peut être réalisé dans les délais prévus», constate l’élu istiqlalien.
Prenant la parole lors de cette session extraordinaire, Abdessamad Haiker, élu du PJD, remet en cause la légitimité de l’expropriation du terrain de l’ancienne villa Mauvillier. «Il est interdit d’exproprier un terrain pour lequel une autorisation de construire a été délivrée. L’autorisation devient caduque si la construction n’a pas été enclenchée une année après l’obtention de l’autorisation. Or, pour ce projet précisément, la suspension des travaux a eu lieu alors que le promoteur était en train d’installer les fondations», argumente-t-il. Et d’ajouter: «L’appréciation de l’utilité publique dépend de la nature de l’équipement communal» qui va remplacer le projet du futur hôtel Mariott.
Lhoucine Nasrollah n’est pas du même avis. «L’expropriation est une mesure qui cible le terrain et n’a aucun lien avec l’autorisation de construire qui, elle, est accordée au nom du propriétaire», dit-il.
«Cela s’est produit à plusieurs reprises, des terrains peuvent être expropriés si l’utilité publique l’exige, même s’ils ont déjà fait l’objet d’une autorisation de construire ou ayant déjà reçu le certificat de conformité. L’intérêt général prime sur les intérêts particuliers», insiste le député istiqlalien.
Nasrollah rappelle que l’article premier de la loi sur l’expropriation stipule que l’expropriation d’immeubles ne peut être prononcée que lorsque l’utilité publique en a été déclarée.
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Concernant le terrain de la villa Mauvillier, l’utilité publique a été évoquée dans la correspondance du wali adressée à la maire Nabila Rmili, a fait savoir Nasrollah, ajoutant que l’appréciation de l’utilité publique relève des prérogatives de l’autorité administrative.
«La procédure d’expropriation est très longue, compliquée et pointue et reste soumise au contrôle des tribunaux administratifs», tempère-t-il.
Le vote de ce mardi 10 juin n’est qu’une première étape d’un long processus dans lequel la déclaration de l’utilité publique et l’expropriation devront, tour à tour, être visées et validées respectivement par le wali, le ministre de tutelle, le secrétariat général du gouvernement, avant leur approbation par décret, signé par le chef du gouvernement.