Le projet stratégique de gazoduc reliant le Nigéria au Maroc, désormais rebaptisé Gazoduc Afrique Atlantique, suscite un vif intérêt international. Lors des réunions de printemps 2025 du FMI et du Groupe de la Banque mondiale à Washington, le ministre nigérian des Finances, Wale Edun, a révélé l’intérêt croissant des États-Unis pour ce mégaprojet énergétique, indique le quotidien L’Economiste dans son édition du mercredi 30 avril.
«Les principaux domaines d’intérêt incluent les investissements américains dans le secteur du gaz naturel nigérian, en particulier le gazoduc Nigéria-Maroc, compte tenu des vastes réserves de gaz du pays», a-t-il déclaré devant la presse. Ce positionnement américain pourrait être interprété comme une réponse géostratégique à l’influence croissante de la Chine en Afrique, lit-on.
En effet, la Chine est également sur les rangs. Le groupe industriel Jingye, un géant chinois de l’acier, a annoncé en début d’année sa participation au projet via sa filiale britannique Jingye British Steel, qui s’engage à fournir l’acier nécessaire à la construction du pipeline.
Le projet entre en 2025 dans une phase clé d’investissement. Présenté à Washington aux investisseurs américains, le projet a franchi plusieurs étapes techniques majeures. La directrice générale de l’Onhym, Amina Benkhadra, a confirmé une accélération significative du chantier, avec une mise en service progressive des premiers tronçons prévue dès 2029.
Sur le plan national, le tronçon terrestre du gazoduc reliera Dakhla au réseau Maghreb-Europe, notamment dans la région de Ouezzane, conformément au plan d’action 2025 de l’Onhym. Les études d’ingénierie détaillées ont validé la faisabilité économique du projet, estimé à près de 25 milliards de dollars, et conforme aux standards internationaux.
Pour Leila Benali, ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, «ce projet illustre la nouvelle vision du Maroc en matière de sécurité énergétique». À Londres, en marge du Sommet international sur l’avenir de la sécurité énergétique, elle a souligné l’importance de «l’accès anticipé au marché international du GNL, la signature de contrats de gaz en amont des investissements, et la réalisation d’infrastructures comme le gazoduc Nigéria-Maroc».
Le Royaume a ainsi lancé un appel d’offres de 6 milliards de dollars pour développer ses infrastructures gazières et connecter son réseau au Gazoduc Afrique Atlantique. Cette plateforme jouera un rôle clé dans le transport de gaz naturel et d’hydrogène vert entre l’Afrique et l’Europe, en soutenant les transitions énergétiques à différentes échelles, souligne L’Economiste.
Au-delà de l’enjeu énergétique, ce projet s’inscrit dans une stratégie de coopération Sud-Sud ambitieuse, cohérente avec la doctrine diplomatique marocaine axée sur la solidarité continentale et le renforcement des intégrations régionales. Comme le soulignent Rida Lyammouri et Fadoua Ammari dans une récente analyse du Policy Center for the New South, le gazoduc bénéficie du soutien officiel de la CEDEAO et des pays concernés. Il vise à sécuriser l’approvisionnement énergétique des États d’Afrique de l’Ouest tout en offrant à l’Europe une alternative stratégique aux routes d’acheminement traditionnelles. Pour les provinces du Sud du Maroc, ce corridor énergétique pourrait catalyser une dynamique de développement local, notamment dans les secteurs des énergies renouvelables, des services logistiques et des infrastructures.