Carburants: le stock de sécurité inférieur à 30 jours, des stations-service risquent de tomber en panne sèche

Pistolet de carburant. 

Pistolet de carburant.  . andreas160578 / Pixabay

Dans le meilleur des cas, le stock de sécurité des compagnies de distribution de carburants au Maroc ne dépasse pas la moitié du niveau minimum exigé par la loi. Faut-il s’en inquiéter? Le point avec Mostafa Labrak, expert en énergie et carburants.

Le 07/04/2022 à 14h13

Au Maroc, la loi exige un stock de sécurité équivalent à 60 jours de la moyenne de leurs ventes annuelles.

Le respect de ce seuil réglementaire de 60 jours nécessite un total de 2 millions de mètres cubes, aussi bien en termes de capacités de stockage (contenant) qu’en termes de produits (contenu), indique Mostafa Labrak, directeur général d'Energysium Consulting, interrogé par Le360.

Au total, ce niveau de stock, qui doit être respecté en permanence, devrait mobiliser un investissement de l’ordre de 8 milliards de dirhams en capacités de stockage et 28 milliards de dirhams de produits, selon ce même interlocuteur (ces données changent dans le temps en fonction de l’évolution des prix à l’international).

Le stock de sécurité requiert donc de lourds investissements. «Les sociétés de distribution refusent de les supporter car elles estiment que le stock stratégique est du ressort de l’Etat et que la loi est obsolète, nécessitant une mise à jour. C’est un débat qui dure depuis très longtemps», indique cet expert en carburants.

Selon Mostafa Labrak, le stock actuel ne dépasse guère 30 jours dans certaines grandes compagnies et il est de quelques jours seulement, voire déjà nul chez d’autres distributeurs, de taille plus modeste.

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Les capacités de stockage actuelles à la disposition des distributeurs se situent aux alentours de 1 million de mètres cubes, soit un déficit de plus de 1 millions de mètres cubes, qui peut augmenter en fonction de l'augmentation de la demande.

«La crise actuelle a bien montré l’importance du stock de sécurité stratégique qui, à mon avis, devrait être de de l’ordre de 120 jours au minimum, et dont l’Etat serait à la fois détenteur et gestionnaire», suggère cet expert.

La baisse du stock de sécurité a-t-elle eu un impact sur les distributeurs et surtout l’approvisionnement du marché marocain? «Au vu de la rareté du produit et l’insuffisance des stocks, les sociétés de distribution fonctionnent en flux tendus, au risque d’entraîner une rupture d’approvisionnement du fait du retard des livraisons», fait savoir Mostafa Labrak.

Ainsi, poursuit-il, les compagnies n'ont pas suffisamment de flexibilité pour bénéficier de prix plus intéressants que ce qu’elles auraient pu avoir un peu plus tôt.

«C’est le consommateur qui paie le tribut de ce déficit de stockage. Les schémas d'approvisionnement se trouvent aussi perturbés en lien avec les turbulences sur le marché des produits raffinés dans le monde et la difficulté de respecter les contrats en cours», souligne-t-il.

«Certaines compagnies s'en sortent un peu mieux que d’autres et il est fort probable de voir des stations-service tomber en panne sèche», prévient l’expert en énergie.

Comment, dans ce cas, les distributeurs se sont-ils adaptés à cette situation? Même si la concurrence est le maître-mot sur le marché, notamment en termes de prix où règne la logique de «chacun pour soi», certaines compagnies concèdent, quand elles le peuvent, des quantités à des sociétés de petite taille qui ne disposent pas d’infrastructures d’importations, pour éviter que celles-ci tombent en rupture de stocks, et préserver la continuité de l’approvisionnement sur l’ensemble du territoire, fait savoir Mostafa Labrak.

Certaines sociétés, poursuit-il, mutualisent leurs achats et optent pour des approvisionnements groupés afin de bénéficier d’économies d'échelle et surtout trouver des navires de taille convenable pour assurer le fret de leurs cargaisons.

Par ailleurs, interrogé sur la flambée récente du prix du diesel qui a dépassé récemment, pour la première fois au Maroc, celui de l’essence, l’expert affirme que les facteurs à l’origine de cette situation sont toujours présents, à savoir une forte demande sur les produits raffinés et le conflit armé russo-ukrainien qui s’enlise davantage, outre le niet des pays de l’Opep+, qui s’opposent à l’idée d’augmenter leur production, arguant qu’ils sont au maximum de leurs capacités, tout en profitant au passage de niveaux de prix élevés, qu’ils essaieront de garder le plus longtemps possible.

Par Wadie El Mouden
Le 07/04/2022 à 14h13