À 86 ans, Abdellatif Jouahri reste à la tête de Bank Al-Maghrib, la pierre angulaire de la stabilité financière du Maroc. Depuis sa nomination par le Roi Mohammed VI en 2003, il incarne une longévité rare dans les hautes fonctions de l’État et continue de recevoir des distinctions internationales, la plus récente étant son classement parmi les meilleurs gouverneurs de banques centrales du monde par le magazine américain Global Finance. Son parcours, jalonné de responsabilités de plus en plus stratégiques, fait de lui un acteur incontournable de la finance marocaine moderne. «Aujourd’hui, il a été désigné banquier central de l’année lors de l’Africa Financial Summit (AFIS 2025)», indique le magazine Jeune Afrique.
Chaque année, le rapport annuel de la banque centrale qu’il a présenté au Roi lors de la Fête du Trône attire l’attention bien au-delà du cercle des économistes. Ses conférences de presse, attendues pour la clarté de leurs analyses, la liberté de ton et les traits d’esprit qu’il y glisse, sont devenues des rendez-vous médiatiques suivis avec intérêt par la société civile et les milieux économiques. «Sa parole, empreinte de rigueur mais accessible, confère une visibilité rare à la politique monétaire et à la gestion économique du pays», décrit Jeune Afrique.
Son expérience est le fruit d’un parcours commencé au sein de Bank Al-Maghrib en 1962 et enrichi par des fonctions ministérielles et dirigeantes. Tour à tour ministre délégué chargé de la Réforme des entreprises publiques, ministre des Finances, PDG de la BMCE et de la Caisse interprofessionnelle marocaine de retraite, il a été confronté aux crises majeures qui ont marqué l’économie marocaine. «Des douloureux ajustements structurels des années 1980, réalisés en coopération avec la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, aux turbulences de la crise financière mondiale de 2008, jusqu’aux répercussions économiques de la pandémie de Covid-19, Jouahri a été au cœur de décisions délicates, parfois controversées, mais toujours stratégiquement pesées, souligne Jeune Afrique. Cité par le magazine, Najib Benamour, secrétaire général de l’Institut marocain d’intelligence stratégique et ancien directeur de la Caisse de compensation, se souvient de son habileté à convaincre même les opposants politiques de la pertinence de ses mesures, un trait qui lui a valu un respect transversal.
Alors que le mandat du Conseil d’administration de la banque centrale approche de son terme en décembre, les questions sur sa succession se multiplient. Interrogé sur le sujet, Jouahri a déclaré: «Je suis à la tête de Bank Al-Maghrib depuis vingt-trois ans et j’ai atteint un âge avancé. Il y a un conseil, que je préside, qui a été nommé pour six ans et dont le mandat se terminera à la fin du mois de décembre. À ce moment-là, il appartiendra à Sa Majesté de nommer qui il veut et de faire changer le conseil comme il l’entend».
Les témoignages de ceux qui ont travaillé à ses côtés dessinent le portrait d’un homme guidé par l’intérêt général plus que par son intérêt personnel. Également cité par Jeune Afrique, Mohamed Belmahi, ancien ambassadeur et membre de l’équipe ministérielle, soulignait en 2023 que Jouahri «aime son pays et son roi». Najib Benamour insiste sur ses qualités personnelles et professionnelles: «s’il s’est maintenu aussi longtemps comme haut commis de l’État, c’est parce qu’il est pétri de qualités. Il est doté d’une grande culture, d’une grande probité et de ce franc-parler rare. C’est pour cela qu’il a toujours gardé la confiance de Sa Majesté Hassan II et de Sa Majesté Mohammed VI», commente-t-il.






