Cette année, le Maroc devrait réduire son taux de dépendance énergétique à 89%, contre près de 98% en 2008. À lui seul, ce chiffre confirme, si besoin est, les solides jalons posés par le pays au cours des quinze dernières années pour asseoir sa souveraineté énergétique, à travers la production d’énergies renouvelables. Et au départ de cette révolution qui ne dit pas son nom se trouve une vision: celle du roi Mohammed VI.
Tout débute le 2 novembre 2009. À Ouarzazate, le Souverain lance officiellement les travaux du complexe solaire «Noor», bâti sur une superficie de plus de 3.000 hectares (ha), première brique de l’ambitieux programme de développement des énergies renouvelables piloté par Masen. D’une capacité de production de 582 mégawatts (MW), ce projet pharaonique, mixant solaire thermodynamique (CSP) et photovoltaïque, a nécessité un investissement de plus de 20 milliards de dirhams, prenant la forme d’un partenariat public-privé (PPP).
Sept ans plus tard, le 4 février 2016, Noor I, la première centrale de ce mégaprojet, sort de terre, avec une capacité de production de 160 MW. Un projet novateur né en plein désert, offrant un spectacle impressionnant qui attire les objectifs et les caméras des quatre coins du monde. Suivront les mises en service successives, en 2018, de Noor II (200 MW), Noor III (150 MW) et Noor IV (72 MW).
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Aujourd’hui, le complexe Noor Ouarzazate, un des plus grands complexes solaires au monde, alimente près de deux millions de Marocains en électricité et permet d’éviter le rejet, dans l’atmosphère, de près d’un million de tonnes par an de gaz à effet de serre. L’année 2018 a aussi été marquée par l’inauguration de la centrale Noor Laâyoune I, d’une capacité de production électrique estimée à 190 gigawatts (GW), née d’un investissement global de 950 millions de dirhams.
À côté du solaire, le Maroc mise également sur l’énergie éolienne. Plusieurs projets voient le jour dans les régions du Nord et du Sud. On en citera les parcs d’Amogdoul (60 MW) à Essaouira, lancé en 2007, de Tanger I (140 MW), de Boujdour (300 MW), de Taza (87 MW), ou encore la centrale de Midelt (180 MW), mise en service en 2020. À cela s’ajoutent de nombreux complexes hydroélectriques comme la station de transfert d’énergie par pompage (STEP) d’Afourer (464 MW), située dans la région de Béni Mellal-Khénifra et opérationnelle dès 2005.
Près de 38% de renouvelable dans le mix électrique national
«Le Maroc, qui ne dispose pas d’énergies fossiles, dépendait fortement des importations qui alourdissaient sa facture énergétique. Et pour créer de la résilience, il faut disposer d’une indépendance énergétique qui passe par la production d’importants volumes d’énergies renouvelables, essentiellement l’éolien et le solaire», indique l’expert en énergie Amin Bennouna, interrogé par Le360, précisant que «le Royaume, sous le règne du roi Mohammed VI, a posé les jalons de son indépendance énergétique malgré les contraintes financières et une conjoncture internationale difficile».
Le roi inaugurant la centrale Noor I, du complexe solaire Noor Ouarzazate, le 5 février 2016. (MAP)
Le pari vert porte ses fruits. À fin 2022, la puissance renouvelable installée s’élevait à 4.154 MW, dont 1.553 MW pour l’éolien, 831 MW pour le solaire et 1.770 MW de source hydroélectrique, soit une part de 37,6% dans le mix électrique national, selon les chiffres de l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE). À cette date, ces sources propres ont contribué à la production de l’énergie électrique à hauteur d’environ 20%.
La hausse de la production d’énergies renouvelables a surtout eu un impact sur la facture énergétique du Royaume, qui est passé d’un niveau record de 153,19 milliards de dirhams en 2022 (en hausse de 102% par rapport à 2021) à 110,97 milliards de dirhams durant les onze premiers mois de l’année 2023, soit une baisse de 21,4%.
La part des énergies renouvelables dans le mix énergétique marocain va d’ailleurs augmenter à partir de cette année, avec la mise en service imminente des parcs éoliens Nassim Koudia Al Baida (100 MW) dans la région de Tanger, et Nassim Jbel Lahdid (270 MW) à Essaouira, ainsi qu’avec le lancement de la STEP Abdelmoumen (350 MW), dans la région de Sous-Massa, et celle d’El Menzel (300 MW), dans la province de Sefrou.
L’entrée en activité, fin 2027, des centrales solaires Noor I (800 MW), Noor II (400 MW) et Noor III (400 MW) du complexe solaire Noor Midelt (technologies CSP et photovoltaïque), ainsi que celle des six centrales du projet Noor Atlas (300 MW), devrait renforcer encore plus la contribution des sources renouvelables à la production électrique, et permettre au Maroc de réaliser son ambition: porter la part des énergies renouvelables dans la puissance électrique installée à plus de 52% d’ici 2030.
«Nous sommes passés de zéro production d’énergie éolienne et solaire à plus de 4 GW de puissance installée cumulée. L’année dernière a été marquée par la mise en service de plusieurs projets éoliens. Cette année devrait également connaître un bond de la production, ce qui permettra au Maroc de produire entre 23 et 24% de son électricité à partir des énergies renouvelables», souligne notre interlocuteur.
Hydrogène vert: le Maroc parmi les futurs grands players
Le gigantesque potentiel du Maroc en matière d’énergies renouvelables attire les multinationales qui souhaitent exploiter ces ressources pour produire de l’hydrogène vert, considéré comme un levier d’avenir essentiel pour accélérer la transition vers la neutralité carbone. Durant l’année 2023, de nombreux investisseurs nationaux et internationaux ont dévoilé des projets dans ce sens, dont la concrétisation est prévue au cours des prochaines années.
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Parmi ceux-ci figure le projet d’un site de production de 15 GW d’hydrogène vert, développé dans la région de Guelmim-Oued Noun par le groupe américain CWP Global, un des leaders mondiaux dans le pilotage de projets d’énergies renouvelables.
Le polonais Green Capital figure aussi dans le lot des futurs investisseurs. Dans un entretien avec Le360, début octobre 2023, Houssam Abou-Otmane, directeur de sa filiale marocaine, révélait que le groupe prévoit de lancer un projet de 8 GW d’hydrogène vert à Dakhla.
L’hydrogène vert intéresse aussi le mastodonte local OCP Group. Le numéro 1 mondial de la production de phosphates prévoit d’investir 70 milliards de dirhams dans une future usine de production d’ammoniac à partir de l’hydrogène vert à Tarfaya. Objectif: produire 200.000 tonnes d’ammoniac d’ici 2026, un million de tonnes en 2027, puis 3 millions de tonnes à l’horizon 2032.
Le roi Mohammed VI a présidé, mardi 22 novembre 2022, une réunion de travail consacrée au développement des énergies renouvelables. . MAP
Conscient de cet engouement et des énormes enjeux liés à la production d’hydrogène vert, le roi Mohammed VI a ordonné la conception d’une «Offre Maroc», dont les grandes lignes ont été dévoilées par le gouvernement dans une circulaire publiée le 11 mars 2024. Là aussi, les perspectives sont plus que prometteuses.
Parallèlement, le Royaume prévoit de développer d’importants projets gaziers afin d’accélérer sa transition énergétique. En atteste le protocole d’accord signé, le 26 mars dernier, entre le ministère de la Transition énergétique et du Développement durable, le ministère de l’Intérieur, le ministère de l’Économie et des Finances et le ministère de l’Équipement et de l’Eau. Objectif: établir une feuille de route gazière renforçant la coordination des pouvoirs publics, en vue de développer des infrastructures gazières durables au cours des dix prochaines années.
Une feuille de route gazière pour renforcer la souveraineté énergétique
Concrètement, la feuille de route prévoit, à court terme (2024-2027), la construction de gazoducs domestiques qui permettront de transporter le gaz naturel liquéfié (GNL) issu des champs gaziers de Tendrara et d’Anchois (Larache) vers le réseau national et les sites industriels.
Il s’agira aussi de lancer simultanément plusieurs points d’entrée dédiés à l’importation et au stockage de gaz. Un terminal GNL sera construit au sein du futur port de Nador West Med, ainsi qu’un gazoduc qui le connectera au Gazoduc Maghreb Europe (GME), et deux autres terminaux sont prévus au niveau du port atlantique de Jorf Lasfar 2 ou de Mohammedia, et au futur port de Dakhla Atlantique, dont le terminal sera connecté à terme au gazoduc Nigéria-Maroc, projet continental également lancé par le roi Mohammed VI.
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L’installation de ces gazoducs et terminaux permettra aussi, selon Leila Benali, ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, d’alimenter de grandes structures d’énergies renouvelables (notamment ceux du groupe OCP), ainsi que des sites de l’industrie de la céramique et du verre.
D’après la ministre, le Maroc a vocation à «devenir un grand corridor de transit énergétique bidirectionnel entre l’Afrique, l’Europe et le bassin atlantique, à l’instar de la Turquie, qui a six points d’entrée GNL dans ses frontières et 20.000 km de gazoducs sur son territoire». Et pour gagner ce pari, «il est nécessaire de mettre en place une infrastructure flexible et agile dédiée au GNL, qui facilitera en outre à moyen ou long terme le transport de l’hydrogène via des hydroducs», préconise-t-elle.
Le Maroc, sous le règne du roi Mohammed VI, a résolument emprunté la trajectoire de la souveraineté énergétique. Longtemps fortement dépendant des énergies fossiles, le Royaume est devenu l’un des leaders de la production d’énergies renouvelables en Afrique. Et ce n’est pas fini. Le gouvernement, accompagné par le secteur privé, souhaite augmenter les investissements annuels dans les énergies propres de 4 milliards à 15 milliards de dirhams par an jusqu’en 2027. Autant dire que, pour l’avenir énergétique du Maroc, les voyants sont littéralement au vert.