Organisée dans le cadre de la célébration des vingt-ans du Musée de Bank Al-Maghrib, cette exposition dont le commissariat a été confié à la curatrice marocaine Nadia Sabri, procède de façon inédite à une archéologie des images des billets de banque, véritable mémoire iconographique d’une époque, et authentique expression artistique des représentations et des symboles de l’histoire du Maroc.
A travers un jeu de dialogue subtil entre œuvres d’art, issues de la collection du Musée de Bank Al-Maghrib, et billets de banque, l’exposition remonte le fil de l’histoire du Maroc en donnant à voir plusieurs lectures parallèles d’un pays en pleine mutation. Ainsi, le passage de l’histoire coloniale à l’indépendance se dessine-t-elle sur les billets de banque, inspiré dans un premier temps par l’imagerie coloniale documentaire et artistique, mais aussi par l’histoire de l’art au Maroc et l’histoire de l’art occidental.
Du protectorat à l'indépendance, deux visions d'un même MarocCette traversée historique explore ainsi, comme autant d’escales chronologiques dans un Maroc tantôt fantasmé tantôt bien réel, les sujets et les iconographies de l’orientalisme et de l’art colonial, l’héritage architectural et ornemental, ainsi que les premières œuvres de peintres marocains jusqu’aux affirmations des artistes de la modernité… Autant d’éléments qui composent le riche référentiel des images des artistes peintres, dessinateurs et graveurs du billet de banque.
«L’approche de cette exposition se répartit en deux pôles: la période coloniale et la période de l’après-indépendance, laquelle est intitulée 'le regard réapproprié', et qui correspond au moment où le Maroc n’est plus un objet à représenter, mais devient un sujet et un objet en même temps», explique Nadia Sabri, commissaire de l’exposition, pour Le360.
Ainsi, à la représentation des portes, des kasbahs et des arts décoratifs qui peuplent l’esthétique des billets sous le protectorat, succèdent après l’indépendance du pays, les grands thèmes iconographiques des chantiers, le Maroc agricole, les mines… «C’est l’utopie, de l’après-indépendance, de reconstruire le pays», analyse la commissaire qui a consacré plus d'un an et demi de travail et de recherches approfondies dans les archives du Musée de Bank Al-Maghrib pour donner naissance à cette exposition.
On retrouve aussi «des symboles qui reviennent avec force, notamment l’effigie royale ou encore le lion, le pentagramme, le croissant…», énumère Nadia Sabri qui retrouve dans cette période, où il est question d’affirmation de l’identité marocaine, le questionnement d’artistes - dont les œuvres issues de la collection du Musée de Bank Al-Maghrib sont données à voir dans cette exposition - tels que Cherkaoui, Gharbaoui ou encore Belkahia, autour de l’héritage colonial iconographique, avec d’un côté, leur volonté d’assumer et de mettre en avant l’héritage des arts vernaculaires, et de l’autre, leur souhait de s’inscrire dans la grande modernité universelle.
La genèse du billet de banque marocainAlors que le XXe siècle s’ouvre sur des évènements historiques majeurs à l’échelle mondiale, ces grands changements, dont découlent notamment des bouleversements économiques et monétaires, impactent aussi le Maroc que ce soit dans ses rapports au monde occidental ou dans son interférence directe avec les enjeux coloniaux de cette époque.
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Ainsi, au début du XXe siècle au Maroc, l’avènement du billet de banque sera la grande innovation monétaire, et le papier fiduciaire, tout comme sa composition, toutes deux nouvelles pour l’œil et les habitudes locales, intégreront progressivement les usages.
Les images créées de 1910, jusqu’aux années de l’indépendance, le seront par des artistes peintres et graveurs français ou européens collaborant avec la banque de France et adoptant l’expression d’une iconographie figurative.
Ainsi, après des siècles de tradition calligraphique, la pièce de monnaie, et nouvellement le billet de banque, vont faire usage de représentations figuratives, lesquelles grâce à des techniques artistiques nouvelles, vont transformer la réalisation des illustrations en véritables œuvres artistiques au format du billet.
Une exposition inédite qui ne manquera pas de séduire un large public de tout âge.
«Une archéologie des images. Le billet de banque marocain au prisme de l’histoire et de l’art»Du 4 juillet au 30 octobre 2022Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain de Rabat