Dear Drake…

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ChroniqueNous avons suffisamment fait nos preuves, sous nos cieux et à travers le monde, pour accorder la moindre importance aux insultes d’un mec frustré sexuellement, car comme tout le monde le sait, au même titre que toutes les Marocaines sont des putes, les mecs qui en disent le plus sont ceux qui en font le moins.

Le 13/11/2022 à 15h00

Le rappeur canadien Drake vient de grossir les rangs de ceux qui nous gratifient, nous autres Marocaines, de qualificatifs pas franchement sympas. Dans les paroles de sa chanson Jumbotron Shit Poppin, celui-ci annonce la couleur de manière plutôt directe:«Thick Moroccan bitch, this is myfav’, I’ma go on and beat it»… Pour les mélomanes non-anglophones, ça donne à peu près ça en bon français: «une grosse salope marocaine, c’est ce que je préfère, je vais y aller et me la taper». Amis de la poésie, bonsoir.

A la lecture de ces paroles, qui risquent fort de tomber dans les oubliettes de l’histoire de la musique, on ne peut s’empêcher d’éprouver de la pitié pour ce pauvre garçon, aussi célèbre soit-il. Faut-il avoir été sacrément meurtri par une femme pour décider de l’insulter en chanson, elle, et toutes celles de son espèce?

Car comme tous les hommes qui manquent de confiance en eux et d’intelligence, c’est ainsi que Drake réagit. Comme tout individu dénué de répondant et qui ne sait pas maîtriser sa colère, il a l’insulte facile. Oui vraiment, pauvre Drake. Encore un pauvre mec dénué de courage qui, plutôt que de dire ses quatre vérités face to face à celle qui a brisé son petit cœur, comme l’aurait fait un homme, ou plutôt un adulte, il a préféré le faire en chanson, histoire de lui offrir une humiliation publique bien méritée, pense-t-il.

Est-ce que Drake nous a mis en pétard avec sa nouvelle chanson? Pas vraiment. C’est plutôt un mélange de mépris et d’indifférence non feinte que l’on ressent pour ce personnage comme pour tous les hommes de son espèce.

On entend déjà hurler celles et ceux qui s’offusquent dès qu’on touche à la dignité des femmes marocaines. Soit, vous avez le droit d’être en colère si toutefois vous considérez que votre honneur est intimement lié à la sexualité des Marocaines. Ce n’est pas notre cas. Nous avons suffisamment fait nos preuves, sous nos cieux et à travers le monde, pour accorder la moindre importance aux insultes d’un mec frustré sexuellement, car comme tout le monde le sait, au même titre que toutes les Marocaines sont des putes, les mecs qui en disent le plus sont ceux qui en font le moins.

La femme marocaine est jalousée de longue date pour son émancipation, son autonomie, sa liberté à jouir de droits auxquelles d’autres femmes arabo-musulmanes n’ont pas accès. C’est un fait. Et ce qui est un fait tout aussi avéré, c’est que pour nuire à une femme libre, on porte atteinte à sa réputation. C’est l’arme toute trouvée d’hommes en mal de virilité. Ainsi vont les choses depuis que le monde est monde, et qu’il est gangrené par le machisme d’une société patriarcale. Pour un homme mal dans ses pompes, le seul moyen, pense-t-il, de déstabiliser une femme, c’est de la traiter de pute. Nous autres femmes marocaines n’avons pas découvert ça avec Drake, on le vit au quotidien sous nos cieux (voilà un sujet qui mérite notre colère).

Faut-il enrager et être outré à chaque fois qu’un pauvre type nous taxe, nous autres Marocaines, de putes? Libre à vous. Mais pour certaines d’entre nous, ce n’est pas un combat qui en vaut la peine, car la plus belle des réponses à ce type d’insultes est tout simplement une superbe indifférence, un royal mépris et surtout, la promesse de l’accueil qu’on ne lui réservera pas, si toutefois il envisageait un jour de poser les pieds au Maroc. En attendant, arrêtez d’écouter sa musique, c’est encore la meilleure chose à faire.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 13/11/2022 à 15h00