Cette fois-ci, ce n’est pas une fiction, ce n’est pas une histoire imaginaire inventée pour les besoins d’une émission de radio, «Lettre à..» sur France Inter.
Cette fois-ci, j’ai le Covid 19. Je l’ai attrapé je ne sais pas où ni avec qui. J’ai fait le test. Le lendemain, on m’appelle: «restez chez vous, vous êtes positif au Covid 19; donnez-nous les coordonnées des personnes avec lesquelles vous avez été en contact ces derniers jours. Il faut qu’on les prévienne pour qu’elles se testent aussi».
Je reçois ce coup de téléphone dans la rue, au moment où je marchais en direction du laboratoire. Je me suis arrêté. J’ai senti que quelque chose d’important venait de m’arriver, le sol se dérobait sous mes pieds.
Heureusement, je n’ai pas de symptômes. Je suis asymptomatique. Mais je peux contaminer qui je veux. Porteur du virus, je pourrai l’offrir à certains que je ne porte pas dans mon cœur. Le donner à Le Pen, le père surtout, ce serait pas mal. Non, il faut cesser de penser à des bêtises. On s’en fout de ce vieillard malfaisant.
Je suis rentré chez moi et tout de suite, je me suis mis au lit. Pourtant je ne tousse pas, je n’ai pas le nez qui coule, je n’ai pas perdu le goût et l’odorat, bref je respire bien. Je suis en forme. Mais je n’ai pas envie de quitter le lit. Je me suis dit, il vaut mieux être déjà alité au cas où le virus s’énerve.
Pourtant, je fais très attention, je suis très discipliné, je porte tout le temps le masque et je le change toutes les deux heures, je me lave les mains plusieurs fois par jour. En principe, j’ai tout fait pour écarter de ma route le virus. Alors comment l’ai-je attrapé? Là, je découvre quelque chose qui nous échappe et qui remonte aux automatismes de l’habitude. On porte la main au visage et on oublie qu’il ne faut pas le faire. On touche un objet, et on ne se lave pas tout de suite les mains. Difficile de maîtriser des gestes qu’on a l’habitude de faire, comme ça, pour rien. Une étude japonaise vient de révéler que le virus reste sur la peau 9 heures. Difficile de vivre avec un ennemi invisible, coriace et increvable.
Cependant, nous devons apprendre à vivre avec cet ennemi. On parle de l’été 2021 pour une éclaircie. D’autres parlent de plusieurs années avant de découvrir un vaccin sérieux et efficace. Quoiqu’il en soit, il faut changer notre mode de vie. Déjà, le virus nous a interdit de nous donner l’accolade, de nous embrasser, de nous toucher et de faire la fête entre amis. C’est une vie réduite à peu de choses. Je comprends les gens qui s’énervent et refusent les interdits imposés par les gouvernements. En même temps, si chacun se laisse aller à ses désirs, le virus sera là pour des décennies.
Si le Maroc connaît actuellement une progression importante des cas contaminés, c’est probablement dû aux conséquences de l’Aïd al Kébir. Le sacrifice du mouton a été l’occasion de tous les cas contacts de transmettre le virus au plus grand nombre.
Il nous faut apprendre à vivre avec cette menace et la prendre au sérieux. En même temps, il faut que l’économie redémarre et surtout que les petits commerçants, informels ou pas, puissent gagner leur vie. Nous sommes tous concernés et si nous faisons attention aux autres, c’est aussi parce que nous faisons attention à nous-mêmes. Plus que jamais, la solidarité, l’entraide, le don doivent se concrétiser. Ceux qui le peuvent, devraient aider ceux qui ont perdu leur travail, en attendant que ce malheur dégage une fois pour toutes.