Lire pour ne pas vivre (et mourir) idiot

Famille Ben Jelloun

ChroniqueAvec le prix d’un iPhone, on peut acheter plus de cent livres de poche! Il va falloir se mobiliser et entamer une bataille de longue durée contre ces empêcheurs de lire.

Le 11/02/2019 à 10h58

Depuis quelques années, je me fais un devoir de venir à la foire du livre à Casablanca. Je considère que cela fait partie du travail d’un écrivain. Rencontrer le public, débattre avec lui, répondre à ses attentes et questions, cela est utile et ne peut que faire du bien à un écrivain.

Je sais qu’on écrit dans la solitude et qu’on ne connaît pas, ou du moins on ne se représente pas son public. La foire est une des occasions pour découvrir ceux et surtout celles qui lisent. Au Maroc c’est comme en Europe, ce sont les femmes qui lisent le plus. Je les remercie et leur rend hommage.

Chaque fois je suis consterné par la présence trop importante du livre religieux (il y a là de tout, aussi bien des éditions du Coran que des essais tendancieux sur le rôle de l’islam dans la société et dans la politique). La foire n’est ni une mosquée ni une école coranique. Je ne sais pas comment s’organise la distribution des stands, mais il faudrait veiller à un équilibre. Le livre est par essence un objet qui éveille les consciences, qui fait réfléchir, qui pousse à aller au-delà des apparences et qui nous permet non seulement de découvrir un monde particulier mais qui nous invite au voyage, au doute et à la contestation. Or le livre religieux est le contraire même de cela. Ces stands sont des lieux spéciaux. On dirait qu’on y vient pour diffuser des messages, pour faire de la propagande ou simplement pour profiter d’un afflux important de visiteurs pour prêcher la «bonne parole». Ces stands ne devraient pas exister. On peut tout à fait présenter un essai sur la religion, on peut lire un ouvrage d’analyse critique, mais qu’on cesse de profiter de cet espace pour autre chose que la défense du livre et de la lecture. Que le ministère de la Culture ait le courage de préciser le cahier des charges des exposants.

Le deuxième aspect constaté, c’est le nombre de plus en plus important de jeunes visiteurs. Des écoles entières se rendent à la foire. Cela est fondamental. Nous savons combien les bibliothèques des écoles et lycées publics sont peu fournies ou carrément vides. Amener les élèves à la foire est une invitation à la familiarité avec la lecture. Développer le système bibliothécaire n’est pas une question de moyens. Le livre de poche, en arabe ou en d’autres langues, ne coûte pas cher. On pourrait même envisager de sponsoriser ces bibliothèques par des sociétés commerciales qui se font beaucoup d’argent avec le consommateur marocain et qui devraient se préoccuper du domaine de la culture.

Dans un collège où je suis allé parler aux élèves, j’ai découvert que ceux qui n’ont jamais lu un livre sont assez nombreux. J’ai demandé à un adolescent pourquoi il déserte la lecture. Sa réponse a été immédiate: mon iPhone!

Evidemment entre le livre et le smartphone, la lutte est inégale. C’est là que l’école devrait faire son travail en plus de celui de la famille, qui doit veiller à ce que son enfant ne soit pas otage des réseaux sociaux où des bavardages et des images sans aucun intérêt occupent son esprit et son temps. Avec le prix d’un iPhone, on peut acheter plus de cent livres de poche!

Il va falloir se mobiliser et entamer une bataille de longue durée contre ces empêcheurs de lire.

Pour cela, il faudrait repenser le concept de cette foire du livre et inverser la tendance en mettant le livre au centre de cette manifestation et en imaginant une autre façon d’aborder la question de la lecture.

Des enfants qui ne lisent pas, ce sont des adultes qui vivront incultes, et même idiots, comme le disait ce slogan des années soixante-dix en France: ne pas mourir idiot!

Les parents sont prévenus. A eux de réparer ce qui semble être un corps malade, un esprit appauvri et sans ambition. On voit tous les jours les ravages que provoquent les réseaux sociaux via le téléphone (intelligent!). Génération connectée, génération à la culture superficielle et d’une grande pauvreté.

Par Tahar Ben Jelloun
Le 11/02/2019 à 10h58

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Le monde a changé, on doit changer aussi nos habitudes. Regarder un filmé ou lire un roman deux choses pareils sauf en lisant on apprend les techniques de l'écriture.

L ère de la lecture est terminée. C'est la réalité et on doit l accepter. La lecture a débuté à une époque où il n'y avait pas de télé ni radio, les gens n avaient rien à faire, lire était la seule refuge pour pouvoir communiquer avec le monde extérieur. Actuellement, cette variété médiatique remplit cette envie de communication et du rapprochement et même mieux. A mon sens, au lieu d'encourager les petits à lire et ce qui est très pénible pour eux et pour nous les adultes, il faut réfléchir mûrement à comment exploiter cette technologie pour instruire nos enfants. Le temps passe et presse, reculer s'avère impossible, voire utopique. Je crois Tariq ben Zayad a parlé à toute l humanité et à travers tous les temps:《 l'ennemi est en face et la mer derrière, vous n'avez que défendre sa vie ou mourir il faut choisir 》.

Je comprends assez ce que M.Benjelloun insinue par "école coranique", en fait, ce n'est qu'une manière de se faire de l'argent,on aime tous avoir un beau coran afin de l'exposer fièrement chez nous (voire plusieurs) ---> Stratagème Marketing Autre chose, c'est assez décevant que ce genre de foires n'existent qu'à Casablanca - Rabat - Tanger...à croire que les autres villes n'existent pas....(comme ici à Meknès) J'ai toujours lu, à commencer par des magazines/histoires/encyclopédie et dictionnaire (il y avait partout des anecdotes sur tel ou tel) Et en contre partie, je jouais, j'avais toujours une console avec moi (GameBoy) et je n'ai pas arrêté de jouer, et de lire. Tout est une question d'habitude, et de goût.. Le problème est le choix limité de livres, souvent inintéressant si ce n'est une reprise de Blanche neige ou Le petit poucet (ou encore les aventures de Toto !)..nous manquons cruellement de livres, surtout pour un jeune public : cherchez donc du Fantasy ou de la fiction, heureusement à un moment les adolescents s'intéressent aux bandes dessinés japonaises (Manga) mais ce n'est pas assez..j'espère que certaines librairies et grandes surfaces feront l'effort de proposer autre chose.. Après quoi les gens achèteront peut être plus de livres (200Dh pour un tome et...4 ans plus tard 50Dh, ET CE N'ÉTAIT PAS UNE PHOTOCOPIE *yey*)

le gout de la lecture s'acquiert dès le primaire . je me souviens de mon école (celà fait longtemps maintenant ,j'ai 60 ans , nous avions une petite bibliotheque en classe et nous étions obligé de lire un livre par semaine et bien évidemment en faire un résumé à chaque fin de semaine . il y'avait également les prix de fin d'année j'ai encore mon prix du CE1 le roman de renard , puis du CE2 la mare au diable . et j'ai le gout de la lecture à l'heure actuelle . tout celà pour dire que c'est l'école qui l'inculque ; le livre vous permet de photographier la construction de la phrase ,l'enchainement des mots et la subtilité du sens du texte

L'iPhone n'est pour rien dans la mort du livre de poche. Celui-ci a disparu depuis qu'il a été décidé de ne pas étudier des œuvres en classe. Des textes suffisent pour réduire les dépenses de la famille et surtout les efforts des enseignants, seuls gagnants dans cette affaire. Mais quand les livres ont été réintroduits, le mal a déjà été fait avec l'avènement de l'internet et autres iPhone. Trop tard! Cependant, ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est l'attitude de M. Benjelloun. Fait-il la promotion du livre, qui lui permet de gagner sa vie, ce qui est fort compréhensible ou va-t-il à la chasse de la culture islamique de la Foire dont il dit qu'elle est devenue une mosquée et une école coranique! Là, il se trompe d'adversaire car nul ne peut extirper la foi des cœurs des hommes!

Je suis tout à fait d'accord avec Tahar Benjelloun. Nos écoles marocaines, surtout les rurales, sont des déserts culturels ! Mais comment faire quand les parents ne lisent pas ou ne savent pas lire ? La responsabilité incombe alors aux instituteurs. Or la formation des instituteurs eux mêmes ne les prépare pas à la lecture et l'importance du livre pour qu'ils transmettent ces valeurs à leurs élèves ! On est la dans un cercle vicieux ! Comment en sortir ? Revoir la formation des instits !

L'article de l'écrivain Maghrébin Tahar Ben Djeloun soulève un problème très important qui sévit à notre ère: la crise de la lecture par l'abandon progressif du livre considéré comme source principal de culture et de savoir. Il est vrai que les réseaux sociaux entraînent le gel des facultés intellectuelles ou l'atrophie cérébrale. Je pense que les familles et les systèmes politiques qui ont pu cultiver l'amour des chansons et du ballon, sont également en mesure de faire aimer le livre et la lecture qui constituent les marques de toute nation civilisée. La sensibilisation à l'importance de la lecture doit commencer dans les familles et les écoles. Pour ce faire, il est important d'inscrire la lecture dans les programmes scolaires, notamment dans l'apprentissage des langues étrangères. Si les élèves révèlent des carences en culture générale et s'expriment avec maladresse à l'écrit et à l'oral, c'est parce qu'ils ne lisent pas suffisamment pendant leurs vacances scolaires ou après les cours. Les richesses que recèlent les livres sont inestimables. Notre société se complaît à cultiver les richesses matérielles et à les vénérer et non les richesses culturelles. Est grande, la responsabilité des familles et de la société sur ce plan.

Lire un livre,une revue en papier et " lire" son smartphone n'est pas à l'évidence la même chose. La lecture sur support papier est souvent plus active , moins rapide,plus réfléchi ... La lecture sur support électronique est au contraire plus plus rapide et le texte même peut être volatile. Mais à bien y réfléchir , il n'y a pas d'antagonisme entre les deux. Le support électronique peut grandement contribuer , par sa puissance de diffusion , à élargir le champ de la lecture/ papier dans ses multiples dimensions.

Si au moins les parents s'y mettent pour sauver une génération de vieillir idiote

Par respect on discutera du sujet de lecture de facon positive à ce qui a été suggéré par Mr Tahar Benjelloun , lui qui a attiré même les européens vers des salles de le lecture en laissant leurs Smartphones éteints.

MERCI MONSIEUR BENJELLOUN POUR VOS ARTICLES QUI NOUS PERMETTENT DES DISCUSSIONS INTERESSANTES VOS ARTICLES JE LES LIS SUR LE TELEPHONE (INTELLIGENT) QUI ME PERMET D INTERAGIR TOUT DEPEND DE LA MANIERE D UTILISER LES MOYENS DONT ON DISPOSE ET SI ON FAISAIT DU TELEPHONE UN MOYEN DE LECTURE? QUANT AUX LIVRES SUR LA RELIGION S ILS ONT DU SUCCES C EST QU ILS REPONDENT A UN BESOIN AUX ESPRITS CARTESIENS DE DISCUTER CE PHENOMENE SUR LE TERRAIN ET D ETRE CONVAINCANTS!

Bravo pour e réalisme et cette honnêteté. Je ne peux qu' être d'accord avec et l'écrivain et le penseur. Je serais heureux de t'accueillir au Maroc.

Je suis plutôt d'accord avec Yassine. Je crois comme vous que la lutte entre livre et smartphone est inégale, mais surtout inneficace et ne devrait pas avoir lieu, il faut à mon avis que le ministère de la culture envisage enfin d'inclure le numérique dans sa stratégie de promotion de la lecture et en l'occurrence dans le salon du livre mais pas que.. Créer des bibliothèques virtuelles par exemple réduira de toute évidence les coûts ( une seule bibliothèque virtuelle suffira pour tout les lycées publiques) et pousserait les élèves à s'intéresser peut être à la lecture. Pour être bref, mon idée c'est qu'il faut pas en faire un combat mais faire du numérique un moteur pour relancer la culture chez les jeunes. Tout mes respects Mr Tahar et merci à Yassine pour la nuance. Excellente journée à vous

Je ne suis pas d'accord, car avec un iPhone on peut avoir accès à des millions de bibliothèque de livre , livre audio , podcast , pour apprendre ou lire pleins de choses, et pas qu'un seul livre.et tous ça gratuitement dans la majorité des cas. Le nombre de possibilités est exponentiel par rapport à ceux qui n'ont en pas. Je donne mon exemple : j'apprends l'anglais avec des applications , et des podcasts, je lis un livre audio ( une brève histoire de l'humanité ). Le vrai combat c'est de faire aimer la culture, la lecture, de montrer l'importance de ces derniers, et de montrer comment on peut se servir de la technologie à des fins utiles et pas faire n'importe quoi avec. bref c'est l'éducation à revoir. à bon entendeur

Ente lire un livre et rentrer dans son histoire et tapoter son iphone...???Il ni a pas photo...§ Tahar Ben jelloum a entièrement raison.

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