Nous avons vécu une semaine atroce depuis le meurtre particulièrement barbare de Samuel Paty, professeur d’histoire et de géographie. Il a voulu parler de la liberté d’expression. Il a montré des caricatures du prophète. Sa condamnation à mort n’a pas tardé. Le Tchéchène ne le connaissait même pas, mais était sorti avec un couteau à sa recherche. Pour 300 euros, deux élèves lui ont donné son signalement. La suite, tout le monde la connaît.
L’horreur à son sommet. Incompréhension et stupeur. Malaise général et situation critique chez les cinq millions de musulmans en France. Car, qu’on le veuille ou non, ce criminel a agi au nom de l’islam, donc des musulmans vivant et travaillant dans ce pays.
Pas de nuances. Pas de sérénité. Et cela dure et se répète depuis longtemps, depuis le jour où Mohamed Merrah a tué des enfants juifs devant leur école. Il y eut ensuite d’autres massacres, celui notamment du Bataclan, de Charlie-Hebdo, de l’hypermarché casher, du camion fou de Nice, du père Jacques Hamel égorgé à 86 ans dans son église, etc.
A chaque meurtre, l’islam se trouvé invoqué, mis en accusation, et confondu avec l’idéologie criminelle.
Oui, les musulmans ont été bouleversés, choqués et humiliés par ce crime qui s’ajoute à d’autres attentats et massacres ayant fait plus 300 victimes au nom d’un islam détourné, au nom d’une idéologie aberrante qui ne cesse de porter des atteintes irrémédiables à l’islam et aux musulmans, lesquels ne sont pas épargnés.
On a beau expliquer aux uns et aux autres qu’il faut foutre la paix aux musulmans, qu’il faut respecter leur croyance, il n’y a rien à faire. Le droit au blasphème est une conquête de la laïcité. Une couverture de Charlie Hebdo montre trois papiers hygiéniques, sur chacun est écrit le nom d’une religion, avec ce commentaire: «aux chiottes toutes les religions».
La Laïcité, ce n’est pas jeter les religions, ce n’est pas les incriminer et les haïr. C’est tout simplement les renvoyer à la sphère privée. Chacun a le droit de croire ou de ne pas croire, de pratiquer ou de ne pas pratiquer sa religion. L’essentiel, c’est que la religion ne doit pas se mêler de politique, de l’école, de tout ce qui relève du domaine public. De là à mener une guerre incessante contre toutes les religions sans exception, il y a un excès de zèle, un abus qui peut aboutir à des catastrophes comme celles que la France connaît depuis plusieurs années.
Le dessinateur belge Philippe Geluk a fait une déclaration que je trouve pleine de bon sens; en voici des extraits: «ma liberté s’arrête là où commence celle des autres. On doit parler de tout, mais avec responsabilité, dans le respect des autres, surtout quand ils sont des gens d’une autre culture. Je ne fais pas de dessins sur l’islam. Je ne connais pas assez cette religion, cette culture, pour faire de l’humour. Je sais une chose à ne pas faire: un tabou absolu: ne pas représenter leur prophète. Je n’ai pas envie de blesser une majorité de musulmans qui sont des gens, des frères, qui vivent en harmonie avec nous. De quel droit, au nom de la liberté d’expression, j’irai blesser des musulmans, les insulter dans ce qu’ils ont de plus sacré?»
Ce dessinateur de talent, à l'humour d'une grande finesse, très populaire avec les dessins de son emblématique chat, a dit ce qu’il fallait dire.
Aujourd’hui, si on réclame un peu de respect pour les musulmans en France, certains vous considéreront comme des complices des terroristes qui ont fait tant de malheur dans ce pays. La condamnation de l’islamisme radical et de ses crimes ne supporte aucune ambiguïté. Il n’y a pas de «oui, mais…»; le «mais», est de trop.
Toute la France a été bouleversée par le meurtre horrible de Samuel Paty. Aucun musulman responsable ne s’est réjoui de sa mort. Des associations, des imams, des intellectuels de culture musulmane ont tous condamné fermement cet acte barbare.
Mais l’amalgame fait son chemin. Plus que jamais, les autorités des pays d’origine des radicalisés doivent collaborer avec la France dans sa lutte, ou plutôt dans sa guerre, contre les ennemis de la République qui sont aussi des ennemis de l’islam et des musulmans. Et la France gagnerait à rallier les musulmans dans la lutte contre le terrorisme au lieu de les offenser dans leur croyance. Il ne faut pas se tromper de cible. L’ennemi, c’est le terrorisme. La bataille à mener est contre la barbarie à l’œuvre au nom de l’islam.