Une cigogne, mère des Arts à Mohamédia*

2016 : la Cigogne de Mustapha Ghazlani au coeur de Mohamédia 

2016 : la Cigogne de Mustapha Ghazlani au coeur de Mohamédia  . MUSTAPHA GHAZLANI

ChroniqueNotre blogueur s’attache cette semaine à mettre en lumière une petite révolution artistique et sociologique dont Mohamédia vient d’être le théâtre.

Le 25/03/2016 à 16h58

Certains de nos lecteurs se souviennent peut-être, il y a un an de mon «Coup de dent», relatant l’installation dans le square de la gare, à Mohamédia, d’un spectaculaire mur de zelliges, dû à l’artiste du cru, Mustapha Ghazlani, en hommage à feu le peintre Nabili (1952-2012). Le même créateur marocain, qui est à la fois sculpteur, peintre et aussi écrivain arabophone**, s’est vu commander par le gouverneur de «Moha», un groupe destiné à orner la vaste pelouse un peu vide qui s’étend entre la préfecture et l’ancien casino.

Ce groupe, financé par le mécénat industriel local, a été dévoilé il y a quelques semaines en présence de ce gouverneur ami des beaux-arts et du nouveau maire de la ville, membre du Parti Justice et Développement (PJD), dont certains Mohamédiens avaient cru bon d’annoncer l’absence, en raison du «référentiel islamique» de ce mouvement politique … Eh bien, non! Monsieur le président de la municipalité était là et bien là, malgré l’interdit prêté à l’Islam sunnite en matière de représentation des êtres vivants.

La nouvelle statue de «Moha», intitulée «Wafaâ» (Fidélité) ou «Cigogne nourrissant son oison», trône donc désormais au cœur de l’ancienne Fédala. On aimera ou on n’aimera pas cette haute silhouette découpée dans 700 kilos d’acier galvanisé puis peint en rouge vif. L’important, c’est que la liberté de création artistique au Maroc vient de franchir, avec cette statue, une étape intéressante.

Dans mon «Coup de dent» du 4 mars, je citai l’exemple – rare il est vrai en Islam – du sultan Qabous 1er d’Oman qui a ordonné d’ériger dans son Sultanat plusieurs statues animalières afin de faire connaître et peut-être aimer, par ses sujets, différentes espèces omanaises, du cheval à l’oryx, via la gazelle.

Avec une modestie pas très fréquente dans le milieu artistique, Mustapha Ghazlani a un peu diminué l’aspect inédit que je m’apprêtais à attribuer à sa «Cigogne», en me rappelant devant cette statue, que la Chérifie n’en est pas à sa première sculpture animalière puisque, outre le «Lion d’Ifrane» (dû au Protectorat français), le Royaume compte aussi le «Lion de Fez», le «Pigeon de Tétouan», le «Dromadaire de Goulmim», etc. Et ce n’est pas fini puisque Ghazlani va s’attaquer maintenant à une «Baleine de Jonas», dont il ne m’a pas révélé la destination géographique.

En avant donc pour les représentations artistiques d’animaux et même peut-être pour un concours d’émulation sur ce thème entre le Sultanat d’Oman et le Royaume du Maroc !

Puisqu’on nage là en pleine «animalité», rappelons que Mohamédia est jumelée depuis plusieurs années avec Belfort, cité française célèbre pour son … « Lion » dont même Paris a voulu un exemplaire.

* Comme aimait à le dire Hubert Beuve-Méry, fondateur du quotidien «Le Monde», les journalistes ont un rôle de premier plan à jouer dans l’évolution de la langue qu’ils utilisent. Pour ma part, j’ai choisi, dès mes débuts dans ce beau métier, de toujours privilégier l’orthographe la plus simple quand il y a le choix entre deux graphies. Ainsi, j’ai toujours écrit «Mohamed» et donc «Mohamédia» avec un seul M. D’abord en français, le redoublement d’une lettre ne modifie généralement pas la prononciation du mot (par exemple «wahabite» et «wahhabite» se prononcent exactement de la même façon, et j’écris donc toujours « wahabite), ensuite jusqu’à la fin du XXe siècle, on a au Maroc, écrit Mohamed (voir l’enseigne du lycée «Mohamed V») et «Mohamédia» ( voir les anciennes plaques routières) et je suis resté fidèle dans tous mes écrits à la graphie la moins compliquée.

** Son cinquième ouvrage « Jiraa » (les Chiots) est paru cette année chez Okad, à Rabat

Par Hugoz Péroncel
Le 25/03/2016 à 16h58