L’équation mauritanienne

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ChroniqueSi l’on fait nôtre la définition que donne Carl Schmitt du politique, à savoir que c’est la dialectique ou la discrimination entre amis et ennemis, un rapprochement plus poussé entre Rabat et Nouakchott semble de plus en plus indispensable.

Le 21/10/2021 à 11h01

La lutte diplomatique autour de la souveraineté marocaine sur notre Sahara est souvent présentée comme étant une partie d’échecs qui se joue à deux, entre nous et l’Algérie. Je ne comptabilise pas, bien entendu, le Polisario qui n’est au fond qu’un appendice paramilitaire d’Alger. Or, il se trouve qu’un pays auquel nous sommes liés autant par la géographie que par l’histoire, est souvent occulté dans les différentes analyses. Pourtant, de par sa position, ce dernier revêt un caractère éminemment stratégique autant pour le Maroc que pour l’Algérie. Je parle, vous l’avez bien compris, de la Mauritanie.

La colonisation nous a séparés, mais la profondeur historique, religieuse et civilisationnelle est là pour servir de pont pour un rapprochement stratégique.

D’autant plus que dernièrement, le chef du Polisario a ouvertement et militairement menacé la Mauritanie concernant le passage d’El Guerguerat, qui se situe à la frontière maroco-mauritanienne. Cependant, ce n’est pas une première pour les mercenaires du polisario, qui à plusieurs reprises, ont traversé de manière illégale la frontière mauritanienne, devant la passivité ou l’incapacité de Nouakchott à maîtriser son territoire et à le sanctuariser.

Si l’on fait nôtre la définition que donne Carl Schmitt du politique, à savoir que c’est la dialectique ou la discrimination entre amis et ennemis, un rapprochement plus poussé entre Rabat et Nouakchott semble de plus en plus indispensable. Nous sommes tous deux confrontés aux mêmes menaces et aux mêmes défis dans la région, et la complémentarité entre nos deux pays n’est pas à démontrer.

Un sous-bloc économique régional allant du Maroc au Sénégal sera, s’il venait à voir le jour, fondé sur un continuum civilisationnel Ouest-atlantique, avec des possibilités stratégiques énormes. Une alliance militaire afin de mutualiser la sécurisation de nos territoire pourrait être envisagée. Voilà de quoi enclaver définitivement l’Algérie en la coupant de l’ouverture atlantique.

Deux éléments constituent un obstacle à ce type de rapprochement. Le premier, est le désir de la Mauritanie de maintenir une forme de relative neutralité autant vis-à-vis du Maroc que de l’Algérie, une neutralité qui se fera de plus en plus au détriment de sa souveraineté territoire, si les menaces du Polisario venaient à devenir de plus en plus pressantes, voire mises à exécution. Plus les tensions entre Rabat et le régime algérien grandiront, plus Nouakchott sera contrainte à trancher en faveur de l’un ou de l’autre. D’où l’intérêt pour le Maroc de déployer une diplomatie plus active et intense en direction de Nouakchott. Le but n’est aucunement d’en faire une périphérie ou un pré-carré, mais d’établir un rapprochement stratégique dans le respect plein et entier de la souveraineté de la Mauritanie.

Autre obstacle, l’imaginaire politique mauritanien, qui continue de voir peut-être inconsciemment le Maroc comme une puissance régionale qui ne rêve que d’étendre son hégémonie au détriment de la Mauritanie. Un imaginaire, qui fut pendant longtemps nourrit par un discours ultra-nationaliste au Maroc, portée à une époque entre autre par l’Istiqlal, à travers l’idée d’un «Grand Maroc».

Ce temps-là est révolu, et la position profonde du Maroc s’inscrit de manière claire et sans ambigüité dans le respect de la souveraineté de toutes les nations. Aujourd’hui, la grandeur du Maroc réside ailleurs. Il est donc temps de faire comprendre à nos frères mauritaniens ainsi qu’à leur élite politique, qu’un rapprochement stratégique avec le Maroc et non seulement envisageable, mais inéluctable du point de vue réaliste. L’idée du «Grand Maghreb» étant désormais révolue, du moins tant que la junte militaire sera au pouvoir en Algérie, une alternative Ouest-Atlantique représente une opportunité stratégique qu’il serait irresponsable de ne pas considérer. Car notre nouvel ancrage atlantique à travers l’alliance qui nous lie désormais aux Etats-Unis, en plus d’isoler d’avantage l’Algérie, trouvera son prolongement naturel avec une Mauritanie à nos côtés.

Par Rachid Achachi
Le 21/10/2021 à 11h01